AIKINS, sir JAMES ALBERT MANNING, avocat, homme politique et lieutenant-gouverneur, né le 10 décembre 1851 dans le canton de Toronto Gore, Haut-Canada, deuxième fils de James Cox Aikins*, député à l’Assemblée législative, et de Mary Elizabeth Jane Somerset ; frère de William Henry Beaufort ; le 10 décembre 1884, il épousa à Ottawa Mary Bertha McLelan, et ils eurent deux fils ; divorcé le 9 juillet 1892, il épousa le 6 septembre 1899 à Stanstead, Québec, Mary French Colby (décédée en 1931), et ils eurent trois filles, dont une mourut peu de temps après la naissance ; décédé le 1er mars 1929 à Winnipeg et inhumé au cimetière St John.

D’ascendance irlandaise, James Albert Manning Aikins naquit et grandit dans la ferme de ses parents, dans le comté de Peel, près de Toronto. Après avoir fréquenté des écoles publiques à Malton (Mississauga) et à Brampton, il étudia à l’Upper Canada College et à la University of Toronto, où il reçut une licence ès arts en 1875 et une maîtrise ès arts en 1876. Au lendemain de l’obtention de sa licence, il « s’essaya aux affaires » à l’entrepôt de la Macnab and Marsh mais décida plutôt de s’orienter vers le droit. Il entreprit son stage auprès de Matthew Crooks Cameron*, du cabinet Cameron, McMichael, and Hoskin, grand bureau torontois spécialisé en common law. Pour s’initier à la pratique de l’equity, il passa un an chez Mowat, McLennan, and Downie, après quoi il retourna chez son premier patron.

Avant de se lancer dans l’exercice de sa profession, Aikins alla faire un tour dans l’Ouest. En août 1878, il rendit visite à son frère John Somerset, qui travaillait dans l’immobilier à Winnipeg. Les possibilités offertes par la ville lui plurent. Rentré à Toronto, il fut admis au Barreau de l’Ontario le 19 novembre 1878 ; dès février 1879, il était de retour à Winnipeg. Il fut reçu au Barreau du Manitoba le 15 de ce mois et, quatre jours plus tard, il annonçait déjà ses services comme avocat et prêteur hypothécaire. Peu de temps auparavant, son père avait fondé la Compagnie de prêt du Manitoba et du Nord-Ouest, qui offrait des hypothèques sur des propriétés urbaines et agricoles. Son frère John Somerset s’occupait de l’évaluation ; lui-même rédigeait les actes de cession. Ces transactions leur assureraient de solides assises financières.

La carrière d’Aikins débuta sous des auspices favorables : en 1879, le département fédéral de la Justice le nomma conseiller juridique local, poste qu’il occuperait durant 17 ans. En 1880, il fut nommé membre d’une commission royale d’enquête sur l’administration de la justice dans les Territoires du Nord-Ouest. Plus avantageuse encore fut sa nomination, en 1881, au poste d’avocat-conseil de la division ouest de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique. Il exercerait cette fonction jusqu’en 1911.

Dès juin 1879, Aikins avait une clientèle assez intéressante pour que son ami Albert Monkman, qui exerçait en Ontario depuis 1875, accepte de s’associer à lui. De courte durée, leur association fut quand même le point de départ de l’un des principaux cabinets d’avocats du pays, Aikins, MacAulay, and Thorvaldson, qui encore aujourd’hui utilise le nom d’Aikins. La Société légale de Manitoba reconnut l’éthique professionnelle et la minutie d’Aikins en l’élisant membre de son conseil en mai 1880. Il y resta jusqu’à sa mort et y exerça la fonction de secrétaire de 1883 à 1885, de trésorier de 1885 à 1888 et de président de 1889 à 1891. Il reçut le titre de conseiller fédéral de la reine le 3 novembre 1884.

« À ma connaissance, dit un jour Aikins, aucun facteur ne contribue autant à l’édification d’un lieu que des hommes de loi travailleurs, honnêtes et intelligents. » Sa foi en la coopération entre avocats l’amena à former en 1911 la Manitoba Bar Association, dont il fut le premier président. En 1913, à l’occasion d’un congrès de l’American Bar Association à Montréal, il eut l’idée de relancer l’association nationale du barreau. La première Association du barreau canadien avait vu le jour en 1896 mais s’était éteinte au bout de quelques années. Aikins occupa la présidence de la nouvelle Association du barreau canadien dès les débuts de celle-ci, en 1915, jusqu’en 1927. En outre, il en fut président honoraire dans les dernières années de sa vie. Selon son secrétaire, il espérait que cet organisme « contribuerait puissamment à la consolidation et au bien du Canada ainsi qu’à sa chère profession ». Pour favoriser la croissance de l’organisme, Aikins créa en 1921 un fonds de dotation auquel il contribua jusqu’à son décès. Dans son testament, il affecta 30 000 $ à l’amélioration de l’organe de l’association, la Canadian Bar Review, et une somme plus modeste à la promotion de la Conference of Commissioners on Uniformity of Legislation in Canada, dont il avait été président de 1918 à 1923, puis président d’honneur.

Aikins ne consacrait pas moins d’énergie à la collectivité qu’à sa profession. Il avait été secrétaire, puis président de la première section universitaire de la Young Men’s Christian Association, formée à la University of Toronto en 1873, et fut président du YMCA de Winnipeg de sa fondation en 1879 à 1882. Peu après s’être installé à Winnipeg, il commença à œuvrer à l’église méthodiste Grace et au mouvement de tempérance. Issu d’une famille méthodiste très pieuse, il enseigna durant de nombreuses années à l’école du dimanche pour adolescents et jeunes adultes à l’église Grace. Ses classes étaient bien fréquentées et réputées dans la ville. Au moment de ses études, il avait appris par cœur des passages des Saintes Écritures ; il aimait à en citer dans ses discours. Selon le Manitoba Free Press, c’était un « orateur talentueux » dont la « réputation s’étend[ait] au delà des frontières du pays ». Aikins crut tôt à l’union des presbytériens, congrégationalistes et méthodistes du Canada. Par testament, il légua sa maison, Riverbend, sa propriété du bord de la rivière Assiniboine et 100 000 $ à l’Église unie du Canada pour l’ouverture et la tenue d’une école de filles. En outre, il légua des fonds à l’Église pour ses missions canadiennes et à la Canadian Bible Society pour ses œuvres dans les provinces des Prairies.

Toute sa vie, Aikins s’intéressa à l’éducation. Cofondateur du Wesley College [V. Joseph Walter Sparling*] en 1885, il appartint à son premier conseil d’administration et en fut président de 1888 à 1908. Il fut aussi trésorier honoraire (1889–1915) et membre du conseil (1881–1915) de l’université de Manitoba. En 1901, on le nomma à une commission chargée d’étudier la fondation d’un collège d’agriculture au Manitoba. En 1907, il assuma la présidence de la commission royale sur l’université de Manitoba. Le gouvernement fédéral reconnut les mérites de ce fidèle défenseur des bienfaits de l’instruction en le nommant représentant du Canada au 2e Congrès international d’éducation morale, qui se tint à La Haye en 1912.

D’après le Winnipeg Telegram du 29 janvier 1910, Aikins occupait la « position assez unique d’avocat millionnaire ». Non seulement sa pratique était-elle importante et lucrative, mais ses investissements, concentrés surtout dans l’immobilier à Winnipeg et ailleurs au Manitoba, étaient judicieux. Tout au long de sa carrière, il cultiva ses relations d’avocat et d’affaires en agissant comme conseiller juridique auprès de nombreuses entreprises locales et nationales, entre autres la Westbourne and Northwestern Railway Company et la Northern Electric Light Company, toutes deux lancées au début des années 1880, et la Compagnie d’assurance du Grand-Ouest sur la vie, fondée plus d’une décennie après. À Winnipeg, il fut avocat-conseil de la Banque impériale du Canada, de la Banque d’Ottawa et de la Scottish American Investment Company ainsi que membre du conseil d’administration de la Northern Trusts Company, de la Canadian Fire Insurance Company et de la Canadian Indemnity Company.

En politique, Aikins était conservateur. Dans les premières années de sa carrière, son rôle public s’était limité à faire campagne aux élections provinciales de 1879, où son frère John Somerset avait remporté un siège à l’Assemblée législative en défendant les couleurs de John Norquay*. En 1900, le premier ministre de la province, Hugh John Macdonald, lui demanda de rédiger un projet de loi en faveur de la prohibition. Cofondateur et fervent militant de la section manitobaine de la Dominion Alliance for the Total Suppression of the Liquor Traffic, Aikins composa un texte conforme à ses propres positions sur la vente et la consommation d’alcool. Le successeur de Macdonald au poste de premier ministre, Rodmond Palen Roblin*, soumettrait cette loi de tempérance au comité judiciaire du Conseil privé dans l’espoir qu’il la déclarerait inconstitutionnelle, mais Aikins l’avait rédigée avec tant de soin qu’elle serait maintenue. Toutefois, les Manitobains la rejetteraient par référendum le 2 avril 1902.

En 1911, Aikins accepta de se présenter dans la circonscription fédérale de Brandon en défendant le programme du conservateur Robert Laird Borden* contre la réciprocité. Élu avec une majorité écrasante, il ne trouva pas particulièrement gratifiant d’être un député gouvernemental d’arrière-ban. Lorsque le Parti conservateur provincial lui proposa de succéder à Roblin (qui avait démissionné le 12 mai 1915 à cause d’un scandale autour de la construction d’un nouvel édifice pour l’Assemblée législative), il accepta donc. Il quitta son siège au Parlement et assuma la direction du parti le 14 juillet. Aux élections générales du mois suivant, les conservateurs subirent une cuisante défaite contre les libéraux de Tobias Crawford Norris*. Seulement cinq de leurs candidats l’emportèrent, et Aikins ne fut même pas élu dans la circonscription de la ville de Brandon. Dans son programme, il avait proposé de légiférer à nouveau sur la prohibition. Norris accepta d’organiser un référendum ; celui-ci eut lieu le 13 mars 1916 et se solda par une victoire des prohibitionnistes. Le Manitoba Temperance Act, très inspiré du Liquor Act rédigé en 1900 par Aikins, entra en vigueur par la suite. Aikins démissionna de la direction des conservateurs provinciaux dans le courant du printemps ou de l’été de 1916.

Le 29 juin 1914, Aikins avait reçu le titre de chevalier en récompense de son apport exemplaire à sa profession et à la collectivité. Le 7 août 1916, il prêta serment en qualité de lieutenant-gouverneur du Manitoba. Son père avait exercé cette fonction durant six ans, de 1882 à 1888 ; lui-même l’occuperait pendant dix ans. Selon une biographie rédigée quelques années après sa mort, « il s’acquittait des obligations mondaines de sa haute charge […] avec une grâce et une distinction rares » et « recevait avec faste ». Lorsque la chose lui paraissait nécessaire, il n’hésitait pas à user de l’autorité conférée à sa fonction par la constitution. En 1922, il refusa de dissoudre l’Assemblée avant que le premier ministre défait, Norris, ait fait adopter des ordonnances essentielles sur les crédits. Par la suite, il fit valoir les aspects juridiques de sa fonction en refusant de parapher certains arrêtés en conseil parce que le gouvernement de John Bracken* avait émis des obligations sans sa signature.

Une fois établi dans sa profession à Winnipeg, Aikins avait épousé Mary Bertha McLelan, fille du ministre fédéral de la Marine et des Pêcheries, Archibald Woodbury McLelan*. Un de leurs fils, James Cox (Jamie), mourut dès l’âge de six ans ; l’autre, Gordon Harold, dirigerait le cabinet d’avocats après Aikins. Divorcé en 1892, Aikins épousa sept ans plus tard Mary French Colby, petite-fille de Moses French Colby*. Outre la maison familiale, Riverbend, Aikins possédait à Elkhorn, au Manitoba, une vaste ferme dont il supervisait lui-même l’exploitation. Grand amateur de plein air, il avait une préférence pour la chasse et le golf. Pour favoriser l’éclosion des arts, il institua des bourses en littérature anglaise à l’université de Manitoba et à la University of Toronto ainsi que des prix pour les chorales scolaires au Manitoba Music Competition Festival. Après son décès, son fils créa le trophée Aikins Memorial, destiné aux instrumentistes adultes ; le festival décerne toujours cette récompense.

Pour célébrer le cinquantenaire de son admission au Barreau du Manitoba, sir James Albert Manning Aikins organisa un banquet. Cette réception, tenue le 25 février 1929, rassembla 450 avocats de la province et du reste du Canada. Des messages de félicitations parvinrent du monde entier. Cependant, Aikins lui-même ne put être de la fête : victime d’une crise cardiaque, il déclina et mourut un peu après minuit le 1er mars. Après avoir été exposé en chapelle ardente dans l’édifice de l’Assemblée législative, il eut des funérailles d’État. Dans son oraison funèbre, l’archevêque Samuel Pritchard Matheson* déclara que le défunt laisserait le souvenir d’« un brillant avocat, [d’]un orateur fascinant, [d’]un grand législateur, [d’]un grand éducateur, [d’]un grand philanthrope et, surtout, [d’]un grand Canadien ».

Lee Gibson

Les mémoires inachevés de sir James Albert Manning Aikins, qu’il a dictés à sa secrétaire en 1926–1927, sont en possession de l’auteure. Les notes qu’il avait préparées à l’occasion du banquet pour célébrer le cinquantenaire de son admission au barreau ont été publiées dans la Canadian Bar Rev. (Toronto), 7 (1929) : 235–238 ; le no 4 de ce volume est d’ailleurs presque entièrement consacré à Aikins. Ses discours à la Chambre des communes se retrouvent dans les Débats, 1911–1914. Bien des journaux ont reproduit de larges extraits d’autres discours et commentaires. On trouve aussi dans le Répertoire de l’ICMH la mention de deux discours qu’il a prononcés.

AN, MG 28, I 169, 1.— ANQ-E, CE501-S86, 6 sept. 1899.— Manitoba, Legislative Library (Winnipeg), Biog. scrapbooks.— Manitoba Culture, Heritage and Recreation, Hist. resources branch (Winnipeg), D. R. M. Jackson, « Sir James Aikins (1851–1929), lieutenant-governor of Manitoba » (texte dactylographié, 1980).— PAM, AMLJH, M 1602 ; M 1603 ; P 1375–1377, A669, 1–3 ; 1387 ; GR 393, I-2-8-4, file 19319 part 2 ; P 474–477 ; 485–488.— Manitoba Free Press, 14 févr. 1879–31 déc. 1886, 1er oct. 1888–3 oct. 1889, 1er mai 1899–15 mai 1902, 1904, 1906.— Manitoba Weekly Free Press, 21 janv.–28 févr. 1894.— Lee Gibson, A proud heritage : the first hundred years of Aikins, MacAulay and Thorvaldson (Winnipeg, 1993).— W. L. Morton, One university : a history of the University of Manitoba, 1877–1952 ([Toronto], 1957).— H. A. Robson, « The honourable Sir James Albert Manning Aikins, k.c. ; the lawyer in action », Canadian Bar Rev., 7 (1929) : 266–274.— M. G. Ross, The Y.M.C.A. in Canada : the chronicles of a century (Toronto, 1951).— Saturday Night (Toronto), 26 août 1916.— F. H. Schofield, The story of Manitoba (3 vol., Winnipeg, 1913).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell).

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Lee Gibson, « AIKINS, sir JAMES ALBERT MANNING », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/aikins_james_albert_manning_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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