AIKINS, WILLIAM HENRY BEAUFORT, médecin, rédacteur en chef de périodiques médicaux et fondateur de la radiothérapie au Canada, né le 22 août 1859 dans le canton de Toronto Gore, Haut-Canada, fils de James Cox Aikins* et de Mary Elizabeth Jane Somerset ; le 27 décembre 1887, il épousa à London, Ontario, Augusta Hawkesworth-Wood, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 2 octobre 1924 à Toronto.

William Henry Beaufort Aikins appartenait à une famille illustre dans la politique et la médecine canadiennes. Son père, James Cox Aikins, fut secrétaire d’État sous sir John Alexander Macdonald* et devint en 1882 lieutenant-gouverneur du Manitoba (fonction exercée plus tard par un autre de ses fils, sir James Albert Manning Aikins). Deux oncles de William Henry Beaufort Aikins, soit Moses Henry et William Thomas*, étaient des médecins bien connus.

Aikins reçut sa formation à l’Upper Canada College de Toronto, à la Toronto School of Medicine, où il obtint une licence de médecine en 1881, et au Victoria College de Cobourg, qui dans la même année lui décerna une maîtrise et un doctorat en médecine. Comme beaucoup de médecins de l’époque, il fit des études supérieures en Europe, où il prit connaissance des nombreux progrès alors réalisés en pathologie et en chirurgie. Pendant son séjour, il visita Londres (où il obtint son diplôme du Royal College of Physicians en 1881), Édimbourg, Paris et Vienne. Il ouvrit en 1883 un cabinet d’omnipraticien à Toronto et se fit connaître dans les cercles médicaux du Canada. Il fut aussi admis parmi le personnel du Toronto General Hospital, du Toronto Home for Incurables (par la suite le Toronto Hospital for Incurables) et du Grace Hospital. Membre de l’équipe de rédaction du Canadian Practitioner à compter de 1884 et corédacteur en chef du Dominion Medical Monthly dès le lancement en 1893, il devint en 1895 le premier à occuper le poste de rédacteur en chef à la Canadian Medical Review. Quatre ans plus tard, la fusion de celle-ci avec le Canadian Practitioner donna naissance au Canadian Practitioner and Review, publication à laquelle Aikins resterait associé jusqu’à son décès. En 1907, il figurait parmi les membres fondateurs de l’Academy of Medicine à Toronto. Dans les années qui précédèrent la Première Guerre mondiale, il représenta le Canada à plusieurs congrès internationaux de médecine. De confession méthodiste, il était franc-maçon et appartint au conseil universitaire de la University of Toronto.

Le plus grand apport d’Aikins à la médecine canadienne fut l’implantation et la promotion de la radiothérapie. Marie et Pierre Curie avaient découvert le radium en 1898, mais c’est seulement après qu’Henri Becquerel se fut infligé par mégarde une brûlure sur la peau, en 1901, que les milieux médicaux commencèrent à s’intéresser aux effets du rayonnement de cet élément métallique sur les tissus vivants. Au cours de la décennie, on découvrit que le radium pouvait traiter efficacement de nombreuses maladies et que, dans les cas de cancer, il offrait l’espoir d’éviter des opérations mutilantes. Cependant, comme les sources de minerai renfermant du radium étaient limitées et que leur raffinage était d’un coût prohibitif, le radium demeurait rare et cher.

En 1907, à l’occasion d’une visite au Laboratoire biologique du radium à Paris, Aikins fut impressionné par les effets de l’élément sur diverses affections bénignes et malignes de la peau. À l’instar d’autres médecins de l’époque, il s’émerveillait de voir que le radium provoquait, dans les tissus, des changements qu’aucune autre substance ne pouvait causer et qui aboutissaient à des « guérisons d’un caractère très étonnant ». Il revint de Paris convaincu de la valeur thérapeutique du radium. Après deux autres visites au laboratoire parisien, il acheta en 1909 une petite quantité de radium et ouvrit bientôt une clinique, le Radium Institute of Toronto, au 134, rue Bloor Ouest. Bien qu’il y ait eu des échantillons de radium ailleurs au Canada – le raffinage ne se ferait pas au pays avant les années 1930 –, l’institut d’Aikins devint le principal centre de radiothérapie. D’après les nombreuses études de cas publiées par lui, il traita plus de 3 000 patients venus d’une immense région allant de la Saskatchewan au Québec. En 1914, son équipement comprenait une plaque de radium (un applicateur plat recouvert d’un vernis imprégné de radium) et un tube contenant des sels de radium. Avec ces instruments, il traitait des personnes atteintes d’une variété d’affections cancéreuses ou non. Intrigué par les changements de tissus microscopiques sous-jacents aux effets cliniques du radium, il faisait des recherches à ce sujet avec le docteur Keith Myrie Benoit Simon, pathologiste au Grace Hospital.

Au fil du temps, Aikins en vint à s’intéresser surtout à l’usage du radium contre les maladies de la thyroïde. En 1920, il exposa le cas de 16 patients atteints de « goitre toxique » (hyperthyroïdie) qui avaient été soumis à un régime de quinine, d’ergotamine ainsi que d’applications de sacs de glace sur le cœur et de radium sur la thyroïde. Aujourd’hui, l’utilisation du radium par Aikins contre des affections bénignes peut aisément choquer ou faire sourire, mais, à l’époque, il n’existait pas d’autres traitements efficaces, et les dangers possibles des radiations étaient peu connus. Malades et médecins étaient pressés d’essayer un nouveau remède pour des maladies pénibles ou défigurantes. Aux sceptiques, Aikins répondait : « Ma foi s’appuie sur plusieurs centaines de raisons vivantes, et elles se promènent sur [leurs] deux jambes. »

Vu sa position de rédacteur en chef médical, Aikins était en mesure de faire connaître les effets du radium par de nombreux articles. Il devint un éminent défenseur de cette nouvelle science médicale qu’était la radiothérapie, et présenta souvent des communications et des conférences à l’Academy of Medicine, à l’Ontario Medical Association et à la Canadian Medical Association. L’emploi du radium contre des désordres gynécologiques, des maladies de la peau, la tuberculose et des leucémies faisait partie des sujets qu’il abordait. En octobre 1916, un groupe de médecins nord-américains se réunirent à Philadelphie pour fonder l’American Radium Society. Très estimé de ses pairs, Aikins en fut élu président à l’unanimité. À la tête de cette importante organisation nord-américaine de radiothérapie, il était dans une position unique pour synthétiser les preuves de l’efficacité médicale du radium. Il le fit magistralement en 1919 dans un exposé présenté devant la société et consacré à l’utilité du radium dans la guérison des maladies, le prolongement de la vie et le soulagement des symptômes pénibles. Tels sont, encore aujourd’hui, les principaux objectifs du traitement du cancer. Bien qu’Aikins se soit servi de la radiothérapie pour soigner des cancers, il s’intéressait aussi à ses effets purement palliatifs. Selon lui, cette technique présentait surtout l’avantage d’améliorer le sort d’« innombrables patients dont l’état interdi[sait] tout espoir de guérison ». Ses études de cas signalent de multiples exemples de cancéreux en phase terminale qui furent soulagés parce que le radium était efficace dans le traitement de la douleur, des saignements ou des écoulements.

Au moment où une maladie cardiaque le terrassa, le bienveillant William Henry Beaufort Aikins était un personnage respecté et très aimé du monde médical canadien. Même s’il n’apporta aucune contribution originale à la science des rayonnements, il démontra l’efficacité clinique du radium aux médecins du Canada et expliqua avec éloquence le rôle des radiations en médecine. Il représente le clinicien expérimentateur qui testait empiriquement un nouveau traitement médical sur des malades plutôt qu’en laboratoire. En stimulant l’intérêt des Canadiens pour le radium, il ouvrit la voie à diverses initiatives, dont l’ouverture en 1923 de l’Institut du radium de Montréal, sous la direction de Joseph-Ernest Gendreau*, et les divers programmes provinciaux de lutte contre le cancer mis en place dans les années 1930. Par testament, Aikins légua ses livres de médecine à l’Academy of Medicine. Sa succession, d’une valeur supérieure à 90 000 $, comprenait 9 950 $ en échantillons de radium – les « outils du métier », pouvait-on lire dans les documents.

Charles Hayter

Les documents de William Henry Beaufort Aikins sur le radium et la radiothérapie comprennent : « Radium as a therapeutic agent », Canadian Practitioner and Rev. (Toronto), 32 (1907) : 426s. ; « Radium and its action in connection with certain diseases of the skin », Canadian Practitioner and Rev., 34 (1909) : 739–746 ; deux rapports rédigés en collaboration avec F. C. Harrison, « Recent observations on the therapeutic use of radium » et « The present status of radium therapy », Canadian Practitioner and Rev., 36 (1911) : 1–10 et 465–479 ; un article écrit avec K. M. B. Simon, « The histological and clinical changes induced by radium in carcinoma and sarcoma », Dominion Medical Monthly (Toronto), 43 (juill.–déc. 1914) : 97–107 ; « Personal experiences with radium », Canadian Practitioner and Rev., 39 (1914) : 535–545 ; « President’s address, Academy of Medicine, Toronto : the medical profession and the war ; the cancer problem », Canadian Practitioner and Rev., 40 (1915) : 533–543 ; « The established value of radium as a therapeutic agent », Canada Lancet (Toronto), 50 (1917) : 494–505 ; « The value of radium in curing disease, in prolonging life, and in alleviating distressing symptoms », Canadian Practitioner and Rev., 44 (1919) : 229–237 (aussi publié dans l’American Journal of Roentgenology (New York), nouv. sér., 6 (1919) : 439–444) ; et « Radium in toxic goitre », Canadian Practitioner and Rev., 45 (1920) : 339–350.

AO, RG 22-305, nº 51299 ; RG 80-5-150, nº 7744.-- UTA, A1973-0026/3(46).-- London Advertiser (London, Ontario), 28 déc. 1887.-- Canadian Medical Assoc., Journal (Toronto), nouv. sér., 14 (1924) : 1132.-- Canadienne [A. R. Gale Hunt], « Radium as a remedy », Saturday Night, 17 janv. 1914 : 29.-- J. T. Case, « The early history of radium therapy and the American Radium Society », American Journal of Roentgenology (Springfield, Ill.), nouv. sér., 82 (juill.–déc. 1959) : 574–585.-- Commemorative biographical record of the county of York [...] (Toronto, 1907).-- C. R. R. Hayter, « William H. B. Aikins : forgotten pioneer of Canadian radiotherapy », Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, Annales (Ottawa), 31 (1998) : 155–158.-- Douglas Quick, « William Henry Beaufort Aikins, m.d., c.m., l.r.c.p. (Lond.), f.a.c.p., 1859–1924 », American Journal of Roentgenology (New York), nouv. sér., 12 (juill.–déc. 1924) : 490.-- Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell).

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Charles Hayter, « AIKINS, WILLIAM HENRY BEAUFORT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/aikins_william_henry_beaufort_15F.html.

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Auteur de l'article:    Charles Hayter
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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