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BOUCHER, MARGARET RUTTAN (Scott), sténographe, administratrice de services de soins infirmiers à domicile et réformatrice sociale, née le 28 juillet 1855 ou 1856 à Colborne, comté de Northumberland, Haut-Canada, fille de Robert Mant Boucher, avocat, et de Mary Ruttan, et petite-fille de Henry Ruttan* ; le 23 octobre 1878, elle épousa à Campbellford, Ontario, William Hepburne Scott (décédé en 1881), et ils n’eurent pas d’enfants ; décédée le 1er août 1931 à Winnipeg et inhumée dans cette ville au cimetière St John.

Margaret Ruttan Boucher passa son enfance à Colborne et à Peterborough. Après la mort de son père, survenue en 1868, elle alla demeurer avec ses tantes à Campbellford. Elle y fit la connaissance d’une jeune fille des Müller Homes, grand orphelinat de Bristol, en Angleterre, dont le fondateur ne sollicitait jamais d’aide financière, convaincu que Dieu le pourvoirait du nécessaire. Cette rencontre raviva son désir, éveillé auparavant par sa mère, d’aider les pauvres par la foi et la prière.

À l’âge de 22 ou 23 ans, Mlle Boucher épousa William Hepburne Scott, avocat et député à l’Assemblée législative. La mort de son mari, moins de trois ans plus tard, la laissa sans ressources financières. Elle se trouva un emploi de bureau à Peterborough pour le chemin de fer Midland du Canada. Elle fut par la suite mutée à Montréal, au bureau de vérification du chemin de fer du Grand Tronc, où on lui confia la supervision de 50 jeunes femmes. De constitution fragile, elle se surmena et commença à éprouver des problèmes de santé. Suivant les conseils de son médecin, elle alla vivre sous le « climat vivifiant » de Winnipeg en 1886. Elle obtint d’abord du travail au Bureau des terres de la puissance, puis elle fut sténographe pour la firme d’avocats locale Hough and Campbell. Mme Scott, qui se ferait connaître par sa compétence, avait appris la sténographie auprès de l’homme d’affaires Frederick William Heubach, après que la seule personne qui offrait officiellement cette formation eut refusé de lui enseigner parce qu’elle était une femme.

Fervente anglicane, Mme Scott travaillait bénévolement pour le révérend Cecil Caldbeck Owen à l’église Holy Trinity, où elle classait de la correspondance liée à des activités caritatives. Owen l’incita à abandonner son emploi pour se consacrer entièrement au soin des pauvres. « M. Owen, dit-elle, a prié pour que je quitte mon travail de bureau. » En 1897, elle remit donc sa démission à la firme Hough and Campbell et emménagea dans une petite pièce de la Winnipeg Lodging and Coffee House, propriété de l’église Holy Trinity ; elle consacrerait le reste de sa vie aux bonnes œuvres et aux réformes sociales. Outre l’organisation de classes du dimanche et de services religieux pour les hommes qui résidaient à la Winnipeg Lodging and Coffee House, elle mit sur pied une réunion de groupe hebdomadaire pour les mères, afin de leur offrir des conseils d’ordre spirituel et un soutien matériel. Elle se rendait aussi au tribunal de police à la recherche des indigents, et elle passait souvent ses nuits à prendre soin de femmes incarcérées.

Au début du xxe siècle, la population de Winnipeg explosa en raison de l’arrivée de milliers d’immigrants originaires d’Europe de l’Est et de Grande-Bretagne. Les premières années de ces nouveaux arrivants étaient caractérisées par de longues périodes de travail irrégulier et mal rémunéré. Plusieurs n’avaient pas les moyens de s’offrir des soins médicaux. Lorsqu’elle constata les pénibles conditions de vie des pauvres et des malades, Mme Scott s’employa à leur venir en aide. Elle passait de longues journées à leur rendre visite à domicile et à leur distribuer de la nourriture et des vêtements. Pour lui faciliter la tâche, deux de ses bienfaiteurs lui procurèrent un poney et une charrette ; Mme Scott et son poney Jo devinrent des figures bien connues dans les quartiers d’immigrants de Winnipeg. Fidèle à sa conviction que Dieu pourvoirait à ses besoins, elle n’accepta jamais de salaire.

Mme Scott n’avait pas de formation médicale proprement dite, mais elle lisait la nuit afin de se documenter sur les activités des missions de soins infirmiers, des départements de santé publique, des organismes de bienfaisance et des services sociaux qui existaient dans d’autres villes. En 1900, Ernest H. Taylor, homme d’affaires de Winnipeg, offrit la moitié de la somme nécessaire à l’embauche d’une infirmière diplômée pour assister Mme Scott et il persuada les autorités municipales de fournir le reste. Lorsqu’il mourut, en 1903, la ville continua de financer ce poste. En 1904, un groupe de femmes en vue, intéressées par l’œuvre de Mme Scott, fonda la Margaret Scott Nursing Mission grâce à des fonds obtenus auprès d’églises, de citoyens et de la municipalité. Parmi ces femmes se trouvaient Minnie Julia Beatrice Campbell [Buck*], Elizabeth Jane Moody [Holland*] et les épouses de plusieurs hommes d’affaires, hommes politiques et ecclésiastiques influents. L’année suivante, la mission établit son siège permanent au 99 de la rue George, à proximité de quartiers défavorisés. Mme Scott s’installa dans l’édifice en 1907. Depuis sa création, la mission n’avait jamais sollicité de dons auprès du public. Au cours de son histoire, elle bénéficierait de subventions fédérales, provinciales et municipales, ainsi que du soutien financier de la Winnipeg Foundation [V. William Forbes Alloway*]. Mme Scott attira l’attention des fonctionnaires sur les besoins de la classe ouvrière et des immigrants. Elle joua un rôle déterminant dans la mise sur pied de l’Associated Charities à Winnipeg en 1908 et elle persuada le conseil municipal de concevoir des projets de travaux d’hiver pour les hommes en chômage.

En plus de ses propres tâches, Mme Scott supervisa, avec l’aide d’un conseil d’administration entièrement féminin, le développement de l’un des plus importants programmes de soins à domicile dans l’Ouest canadien. La mission, qui employait huit infirmières en 1915, devint un modèle pour d’autres associations de soins à domicile dans l’ouest du pays et offrit de précieuses expériences de travail sur le terrain à des étudiantes en sciences infirmières de Winnipeg.

En 1910, Mme Scott avait créé un service d’hygiène infantile au sein de la mission, en collaboration avec le département de santé publique de la ville. Ce programme offrait de l’éducation sanitaire et un soutien matériel aux mères de nouveau-nés. Après avoir démontré son efficacité à réduire l’effroyable taux de mortalité infantile de Winnipeg, il serait pris en charge par le département de santé publique en 1914. En 1911, Margaret Scott fonda la Little Nurses’ League, pour enseigner aux écoliers, en particulier aux jeunes filles, la préparation d’aliments, l’hygiène et le soin des enfants. Le conseil scolaire de Winnipeg assuma la responsabilité de la ligue à partir de 1913 et étendit ses activités à 13 autres écoles. En reconnaissance du travail novateur qu’elle avait accompli en fondant des programmes pour réduire la mortalité infantile à Winnipeg, on donna le nom de Margaret Scott à une nouvelle école qui ouvrit ses portes en septembre 1920.

Surnommée « l’ange de l’allée des pauvres », « l’ange de miséricorde de Winnipeg » et « la Florence Nightingale de Winnipeg », Margaret Ruttan Scott mourut à l’Hôpital Général de Winnipeg en 1931, après tout près de 45 ans au service de la communauté. Les drapeaux de la ville furent mis en berne et son service funèbre fut célébré à l’église Holy Trinity par l’archevêque Samuel Pritchard Matheson*, en présence du maire Ralph Humphreys Webb, des membres du conseil municipal de Winnipeg et de nombreuses personnes qui avaient été touchées par sa vie. En 1932, le Cosmopolitan Club de Winnipeg lui rendit un hommage posthume « pour son éminente contribution à la ville ». L’Hôpital Général de Winnipeg donna son nom à l’une de ses salles communes en 1943, et une bourse d’études, la Margaret Scott Nursing Mission Scholarship, fut créée deux ans plus tard pour aider « une ou des infirmières autorisées dans la province du Manitoba désireuses d’entreprendre des études supérieures » en santé publique. Le programme de soins à domicile fondé par Mme Scott fut abandonné en 1942 à l’occasion d’une importante réorganisation des services de santé publique de Winnipeg. Les patients qui bénéficiaient encore de ce programme furent pris en charge par la section de Winnipeg du Victorian Order of Nurses for Canada.


Carolyn Crippen et Marion McKay

AM, MG 10, B9.— Manitoba, Ministère de la Vie saine, des Aînés et de la Consommation, Consommation et Corporations, Bureau de l’état civil (Winnipeg), no 1931-036097.— Ville de Winnipeg, Dir. des arch. et des doc. publics, Dept. of Health, annual reports, 1911, 1913–1914.— Evening Telegram (Winnipeg), 26 mai 1904.— Manitoba Free Press, 27 mai 1904, 12 juin 1905, 3 août 1931.— Mary Moore, « The mission that never asked a dime : the increditable story of an incredible woman », Winnipeg Free Press, 14 mars 1964 : 21–22.— Edith Paterson, « It happened here : Margaret Scott devotes life to Winnipeg’s needy », Winnipeg Free Press, 18 janv. 1975, New Leisure [suppl.] : 5. Winnipeg Evening Tribune, 5 août 1931.— Winnipeg Tribune, 3 août 1931.— American Public Health Assoc., Public health activities in Winnipeg, 1941 : report of study (s.l., 1941).— A. F. J. Artibise, Winnipeg : a social history of urban growth, 1874–1914 (Montréal et Londres, 1975).— Diane DeGraves, « Margaret Scott, 1856–1931 : health and social service innovator », dans Extraordinary ordinary women : Manitoba women & their stories, Colleen Armstrong, édit. (Winnipeg, 2000), 65–66.— « The Florence Nightingale of Winnipeg : story of Mrs. Margaret Scott and her labor of great love », Canadian Nurse (Toronto), 11 (1915) : 136–144.— Helena Macvicar, Margaret Scott : a tribute ; the Margaret Scott Nursing Mission ([Winnipeg, 1947 ?]).

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Carolyn Crippen et Marion McKay, « BOUCHER, MARGARET RUTTAN (Scott) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/boucher_margaret_ruttan_16F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2013
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