PERRONNE DUMESNIL, JEAN, originaire d’Anjou, avocat au parlement de Paris ; le 4 mars 1628, il épousa à Ingrande (Ingrandes-sur-Loire, France) Lezine Frotte ; mort avant le 14 mars 1667.

Dumesnil débarqua à Québec le 7 septembre 1660. Il se disait muni d’une commission « de controlleur général, d’Intendant et de Juge Souverain audit pays de Canadas », octroyée par la Compagnie des Cent-Associés, seigneur du pays. Aussitôt, il entreprit de vérifier toutes les opérations du commerce des fourrures depuis 1645, année où ce trafic fut cédé par les Cent-Associés à la Communauté des Habitants. Une telle commission ne pouvait être tenue pour valide parce que le roi, dans la charte de la grande compagnie, s’était réservé l’établissement des juges souverains en Nouvelle-France. De plus, la régie du commerce ne relevait pas des Cent-Associés, mais du roi qui, en 1647, avait préposé un conseil à son administration. La seule créance que les Cent-Associés pouvaient revendiquer à bon droit était celle d’un millier de livres pesant de castors, chaque année. Cette obligation ne fut plus remplie après 1650, mais Dumesnil n’en fit aucune mention dans son mémoire. Il n’y a donc pas à s’étonner que le Conseil de Québec, institué par le roi, n’ait pas reconnu l’autorité du délégué de la grande compagnie.

Les méthodes employées par Dumesnil sont plutôt bizarres, chez un juriste. La première année de son séjour, il paraît avoir tâché d’extorquer des informations sur le commerce du pays. Il se rendit odieux au point que, le 29 août 1661, quatre habitants du pays assassinèrent son fils, Michel Peronne Des Touches. Indomptable, le père, à une date qui n’est pas connue, fit effraction dans la maison du notaire Guillaume Audouart, secrétaire du conseil, et s’empara des papiers de la Communauté. Ce furent les documents que le Conseil souverain ordonna à Rouer de Villeray et Jean Bourdon d’aller prendre chez lui, le 20 septembre 1663. Sommé de rendre compte de sa conduite, Dumesnil récusa pratiquement tout le conseil. Gaudais-Dupont empêcha qu’on l’arrêtât pour ses outrages à la chambre de justice. L’avocat, réduit à l’impuissance, résolut de se rembarquer pour la France. Il a fait un drame de son départ, le 21 octobre 1663, sous les canons du port braqués contre lui.

Dumesnil accusait les habitants du pays d’avoir « pris et diverty trois millions de livres ou environ ». Voici le détail : « deux millions quatre cens tant de mille livres appartenant au public et procédés de la vente des castors et pelleteries depuis l’année 1645 », « huict cens trente mil cent soixante quinze livres des deniers empruntés » et « quatre cens tant de mil livres donnez en ausmônes ». Tout d’abord, ces sommes ne concernaient nullement les Cent-Associés, qui ne les avaient pas déboursées et n’y avaient aucun droit, exception faite du mille livres pesant de castors par année. Les aumônes étaient l’affaire des donateurs, qui n’exigeaient pas de comptes, et il est odieux de supposer que les bénéficiaires les aient, en bloc, diverties. Les emprunts concernaient les prêteurs, et une partie en avait été remboursée. Les 2 400 000# représentaient la recette brute de la traite des castors pendant 15 ans. Elles avaient servi à payer les frais de cette traite, à financer l’administration, l’entretien et la défense de la colonie, à rembourser les emprunts, à payer les intérêts et à acquitter, pendant cinq ans, la rente seigneuriale envers les Cent-Associés. Elle n’a donc pu être divertie en entier, ni même en sa plus grande partie. Avec cela, le budget de la colonie a été largement déficitaire sous le régime de la Communauté des Habitants.

Alors que Dumesnil ne s’occupe à peu près pas des droits authentiques des Cent-Associés, il se plonge jusqu’au cou dans les comptes commerciaux sur lesquels il n’a pas juridiction. Il conteste les pouvoirs des gouverneurs Louis d’Ailleboust, Pierre de Voyer* d’Argenson, Pierre Dubois Davaugour et du commissaire Gaudais-Dupont, tous établis par le roi ; il récuse l’autorité des conseils, aussi d’institution royale. Il multiplie les imputations et les calomnies contre tous les fonctionnaires, les Jésuites, l’évêque. Et il a la présomption de proposer au roi une structure administrative de son crû pour remplacer celle que le monarque a établie quelques mois plus tôt. On peut relever dans son mémoire les affirmations les plus fausses. Il déclare que Gaudais-Dupont n’a pas fait paraître sa commission, alors qu’elle est enregistrée au conseil, le 18 septembre 1663. Il attribue aux Jésuites le détournement de 6 000# qu’ils n’avaient pas voulu recevoir autrefois pour la construction d’un presbytère. Il réclame aux « Sieurs Rosé Guinet et Compagnie marchands de Rouen » les 100 000# – qu’il porte à 120 000 – qu’ils ont payées comme ferme du quart des fourrures pour deux ans et sur lesquelles ils se sont trouvés à court de 12 650#, à cause du volume insuffisant du commerce. Dumesnil estime encore à 22 000# environ le produit du droit du dixième sur les marchandises en 1662, ce droit ayant été affermé à Aubert* de La Chesnaye pour 10 000 seulement. Et ainsi de suite.

On n’aurait pas eu besoin du mémoire de Dumesnil pour conclure que la Communauté des Habitants a été mal administrée, bien que, manié avec discrétion, il soit précieux pour s’en faire une idée plus exacte. L’incompétence des administrateurs est plausible, mais leur malhonnêteté n’est pas démontrée. Mauvaise tenue des livres, frais injustifiés, risques imprudents, légalité douteuse, tout cela a eu cours à des moments divers, dans la conduite de la Communauté. Gaudais n’était lui-même pas enchanté du conseil formé de ces mêmes personnes : « Mais après avoir jetté les yeux sur plusieurs personnes pour composer ledit Conseil, je [ils] n’en avoient point trouvé de plus capables. L on a esté nécessité de se servir et d’employer ceux qui le composent. »

Marie Baboyant

Coll. de manuscrits relatifs à la Nouv.-France, I.— JR (Thwaites).— Jug. et délib., I.— Ferland, Cours dhistoire du Canada, I.— Lanctot, Histoire du Canada, I.— Parkman, The old régime (Toronto ed.) chap. x.— P.-G. Roy, Jean Péronne Dumesnil et ses Mémoires, BRH, XXI (1915) : 161–173 ; 193–200 ; 225–231 ; Mémoire du sieur Gaudais Dupont à Mgr Colbert, BRH, XXI (1915) : 227–231 ; La Ville de Québec, I : 303s.

Bibliographie de la version révisée :
Arch. départementales de Maine-et-Loire (Angers, France),
« Reg. paroissiaux et d’état civil », Ingrandes-sur-Loire, Saint-Pierre, 4 mars 1628 : www.archives49.fr/acces-directs/archives-en-ligne (consulté le 17 oct. 2014).— Bibliothèque et Arch. nationales du Québec, Centre d’arch. de Québec, CE301-S1, 30 août 1661.

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Marie Baboyant, « PERRONNE DUMESNIL, JEAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/peronne_dumesnil_jean_1F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    2017
Date de consultation:    28 novembre 2024