WETMORE, ANDREW RAINSFORD, avocat, homme politique et juge, né le 16 août 1820 à Fredericton, fils de George Ludlow Wetmore* et de Harriet Rainsford ; le 12 septembre 1848, il épousa à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, Louisa Elizabeth Lansdowne, et ils eurent neuf enfants ; décédé le 7 mars 1892 à Fredericton.
Andrew Rainsford Wetmore était le petit-fils et l’arrière-petit-fils de barristers loyalistes bien connus qui avaient établi un cabinet d’avocats à Saint-Jean en 1788. Son grand-père, Thomas Wetmore*, fut procureur général du Nouveau-Brunswick durant 19 ans. Andrew fréquenta la Fredericton Collegiate School, et il étudia le droit, d’abord avec Edward Barron Chandler*, puis avec George Jarvis Dibblee. Devenu attorney le 14 octobre 1841, il fut admis au barreau du Nouveau-Brunswick le 21 octobre 1843. De 1842 à 1847, Wetmore pratiqua le droit à Oromocto ; il s’installa ensuite à Saint-Jean, où il résida et tint un bureau jusqu’en 1870. Avec les années, on le considéra comme l’un des meilleurs avocats plaidants de la province.
Même si Wetmore était bien vu parmi les membres de sa profession, il se mêla peu de politique avant le milieu des années 1860. La conférence de Québec de 1864 marqua un tournant à cet égard. Wetmore ne s’opposait pas à l’union de l’Amérique du Nord britannique, mais il rejetait les conditions offertes aux provinces. Lorsque le chef du gouvernement Samuel Leonard Tilley décida de consulter l’électorat sur cette question pendant l’hiver de 1864–1865, les citoyens de Saint-Jean opposés à la Confédération demandèrent à Wetmore et à Jacob Valentine Troop*, armateur bien connu, de se présenter contre Tilley et son cocandidat dans la circonscription de la ville de Saint-Jean. La campagne fut tumultueuse, et Wetmore fit appel à ses formidables talents d’argumentateur. Son intervention publique la plus efficace prit la forme d’une conversation imaginaire entre son jeune fils et lui ; lorsque l’enfant demandait : « Père, dans quel pays vivons-nous ? », Wetmore répondait : « Mon cher fils, tu n’as pas de pays, car M. Tilley nous a vendus aux Canadiens pour quatre-vingts cents par tête. »
Wetmore remporta la victoire aux élections du 4 mars 1865 et, à la première session du nouveau Parlement, il siégea à titre de député d’arrière-ban opposé à la Confédération. Vers le milieu de la deuxième session, il prit la tête du mouvement qui délaissa le gouvernement d’Albert James Smith*, et il siégea ensuite en tant que partisan de la Confédération. Quelques mois plus tard, aux élections de 1866, il se portait cocandidat de Tilley ; on le réélut le 7 juin. Les motifs de sa volte-face firent l’objet d’une controverse, que Wetmore contribua d’ailleurs à alimenter ; il faisait cyniquement remarquer que le fait de s’être prononcé successivement pour et contre la Confédération le rendait certain d’avoir eu raison au moins une fois. Sa conduite donna lieu à l’impression persistante que c’était un opportuniste.
La Confédération élargit plus que jamais, depuis la fondation de la province, les perspectives d’avancement dans les milieux politiques. La vaste majorité des chefs de file les plus compétents et ambitieux du Nouveau-Brunswick se tournèrent vers la politique fédérale. Des 41 membres de l’Assemblée, 16 devinrent députés fédéraux, sénateurs ou juges. Fait plus important encore, ce nombre comprenait tous les membres du Conseil exécutif, sauf John McAdam, qui dut abandonner ses fonctions moins de deux ans plus tard à cause d’une accusation de corruption. Dans ces circonstances, un homme qui voulait s’intégrer à la sphère désormais limitée de la politique provinciale pouvait accéder au sommet, même s’il avait peu d’expérience et de réalisations à l’appui de ses qualités de chef. Au cours de l’été de 1867, après seulement deux ans de vie politique, Wetmore fut comme premier ministre. Le 16 août, il prêta serment au Conseil exécutif en qualité de procureur général, et se joignit à une équipe qui comptait six autres nouveaux membres.
Le gouvernement de Wetmore manquait d’objectifs ambitieux et il est facile d’en comprendre la raison. Le débat de 1864 sur la Confédération avait troublé les traditions qui s’étaient formées au sein des partis provinciaux au cours des deux décennies précédentes. Le gouvernement de 1867, comme ceux de 1865 et 1866, était structuré en fonction de la question de la Confédération et constitué à la fois d’éléments libéraux et conservateurs. À cette désorganisation politique s’ajoutait l’inexpérience des nouveaux dirigeants. Le gouvernement se contenta donc de poursuivre et, dans certains cas, de terminer les entreprises de ses prédécesseurs dans le domaine des chemins de fer, et il essaya de composer avec les adversaires de la Confédération ; de plus, comme le poids des nouvelles mesures fiscales qui découlaient de la Confédération commençait à se faire sentir, il mit en œuvre un programme strict de compression des dépenses.
Grâce à l’indemnité compensatoire pour dettes prévue par le fédéral, le gouvernement Wetmore put fournir une aide appréciable pour le prolongement des lignes de l’European and North American Railway vers l’ouest et vers l’est ; entre autres, il acheta des actions de la Western Extension pour une valeur de 300 000 $, en plus des subventions qu’il lui accorda. Il soutint aussi les compagnies de chemin de fer de Fredericton et de Woodstock. Wetmore participa lui-même à la conclusion de ces arrangements. Il consacra une bonne partie de l’hiver de 1868–1869 à négocier une entente selon laquelle le gouvernement fédéral devait acquérir l’actif de l’Eastern Extension Railway pour l’intégrer à la ligne de l’Intercolonial. En ce qui concerne ce dernier, le Nouveau-Brunswick ne réussit pas à persuader le gouvernement fédéral d’abandonner l’itinéraire Robinson le long de la rive nord et de construire la voie ferrée en direction de la vallée de la rivière Saint-Jean. La province offrit plutôt 10 000 acres pour chaque mille de voie ferrée à l’entreprise privée qui construirait une ligne de Rivière-du-Loup à Fredericton.
Le traitement que Wetmore réserva aux membres de l’Assemblée opposés à la Confédération fut draconien, compte tenu du fait qu’il avait déjà participé lui-même à ce mouvement. À l’ouverture de la session de 1868, la majorité favorable à l’union élut Bliss Botsford*, député anticonfédérateur en vue, président de l’Assemblée. Cependant, lorsqu’en 1869 John Waterbury Cudlip* donna avis d’une proposition en vue de l’annexion du Nouveau-Brunswick aux États-Unis, le premier ministre se leva de son siège et, criant à la trahison, chassa le petit Cudlip de la chambre. On raya même sa motion du Feuilleton. L’année suivante, Wetmore démit de ses fonctions George Botsford, le greffier du Conseil législatif, pour avoir exprimé une opinion dans le même sens. Furieux de ce traitement indigne et de cette atteinte à leur indépendance, une majorité de conseillers menacèrent de paralyser les activités législatives. En congédiant Botsford, Wetmore avait fait clairement connaître sa position, mais il consentit plus tard à ce qu’il reprenne ses fonctions.
Les changements constitutionnels liés à la Confédération eurent pour conséquence de réduire les recettes provinciales à environ 400 000 $ par année. En 1868, dans le but de contenir les dépenses gouvernementales, on limita à 18 le nombre des membres du Conseil législatif. On abolit le poste de solliciteur général, et l’on eut recours à des conseillers juridiques indépendants. Enfin, on combina le poste de receveur général à celui de secrétaire de la province.
Les valeurs de Wetmore et son influence marquèrent autant les projets de loi appuyés par son gouvernement que son mode d’administration de la province. Il fut mêlé de près ou de loin aux principales mesures mises de l’avant entre 1868 et 1870, dont un grand nombre étaient vaguement populistes. Au cours de la session de 1868, le Parlement exempta de la vente forcée toutes les fermes familiales d’une valeur de moins de 600 $, mesure qui visait à protéger les petits fermiers des abus de leurs créanciers. Pendant la même session, le collège Saint-Joseph [V. Camille Lefebvre], qui devait devenir l’université de Moncton, fut constitué juridiquement. L’année suivante, le gouvernement étendit la portée de sa législation familiale en accordant des droits de propriété à part entière à toutes les femmes abandonnées par leur mari ou ne vivant pas avec lui.
En dépit de sa participation croissante aux activités du gouvernement après 1867, Wetmore n’abandonna jamais sa vie professionnelle. Il prit au sérieux sa fonction de procureur général et ; à ce titre, poursuivit activement la pratique du droit. À quelques occasions, il s’occupa personnellement de poursuivre les contrevenants devant les tribunaux de la province.
Même s’il fut à la tête du gouvernement durant trois ans, on ne peut considérer Wetmore comme un homme politique accompli. De stature imposante, visage déterminé et distingué, il avait l’esprit alerte, capable de saisir l’essentiel d’un argument et d’y répondre facilement. À sa manière, il se faisait plutôt avocat de la poursuite que conciliateur de différends. Il employait ses talents considérables à marquer des points et non à persuader. Autoritaire et sarcastique dans les débats, il savait garder son sang-froid. Le déclin de la popularité du gouvernement au sein de l’Assemblée était en partie attribuable au style de direction du premier ministre. À l’occasion de votes importants au cours de la session de 1868, il avait eu le soutien de 31 des 37 députés. En 1870, ses propositions relatives au renvoi de George Botsford n’obtinrent que 21 votes contre 15. Wetmore n’avait jamais mené une campagne électorale à titre de chef du gouvernement, et il semble que cette perspective ne lui souriait guère. Il reste qu’il avait soutenu fidèlement la Confédération et pouvait prétendre à la reconnaissance du gouvernement fédéral. Le 25 mai 1870, après seulement cinq ans de participation à la vie publique, Wetmore démissionna du Conseil exécutif et accepta sa nomination à la Cour suprême du Nouveau-Brunswick, fonction qui lui assurait prestige et sécurité. George Luther Hatheway* lui succéda comme premier ministre, et George Edwin King* au poste de procureur général.
La carrière de juge d’Andrew Rainsford Wetmore fut longue et sans histoires. Jeremiah Travis*, barrister contemporain qui avait plaidé devant lui, le décrivit comme « le pire juge qui a[it] jamais déshonoré la magistrature de [la] province ». Il est difficile de savoir si Travis était plus outré des carences de juriste de Wetmore que des traits d’esprit et du langage qui auraient pu « déshonorer un bordel » et dont on avait usé avec tant d’effets durant les débats sur la Confédération. Nommé juge au tribunal des divorces du Nouveau-Brunswick à la suite du décès de son titulaire, Wetmore conserverait cette charge jusqu’à quelques semaines avant sa mort, le 7 mars 1892, à sa résidence de Fredericton. Ses obsèques eurent lieu à la cathédrale Christ Church située tout près. Il n’avait jamais réussi à faire oublier complètement sa position ambiguë au moment de la Confédération, comme le laisse entendre un passage de sa notice nécrologique : « Dans la grande lutte politique [...], il ne fut pas aussi cohérent que d’autres hommes publics de l’époque, mais il constitua néanmoins un élément important dans les batailles politiques alors en cours. »
Outre les sources citées ci-dessous, des détails de la vie et de l’époque d’Andrew Rainsford Wetmore se trouvent dans : Waite, Life and times of confederation ; Hannay, Hist. of N.B., 2 ; MacNutt, New Brunswick ; dans les Graves papers aux APNB, MC 1156 ; N.-B., House of Assembly, Journal, 1865–1870 ; et dans les journaux provinciaux.
AN, MG 27, I, D15, 27.— APNB, RG 2, RS6, A, 16 août, nov., 12 déc. 1867, 10 janv., 10, 25 mars, 8, 18 oct. 1868, 9 juill. 1869.— N.-B., Acts, 1868, chap. 25, chap. 63 ; 1869, chap. 133.— Daily Gleaner, 8 mars 1892.— St. John Daily Sun, 8 mars 1892.— N.B. vital statistics, 1847–50 (Johnson) ; 1850–52 (Johnson).— D. [G.] Creighton, The road to confederation ; the emergence of Canada : 1863–1867 (Toronto, 1964).— Lawrence, Judges of N.B. (Stockton et Raymond), 261–262.— James Hannay, « The premiers of New Brunswick since confederation », Canadian Magazine, 9 (mai–oct. 1897) : 213–221.
Thomas William Acheson, « WETMORE, ANDREW RAINSFORD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/wetmore_andrew_rainsford_12F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |