SCOBIE, HUGH, rédacteur en chef, éditeur de journaux, imprimeur, juge de paix et fonctionnaire, né le 29 avril 1811 à Fort George, Écosse, troisième fils du capitaine James Scobie du 93e d’infanterie ; le 27 avril 1844, il épousa Justina McLeod, et ils eurent une fille ; décédé le 4 décembre 1853 à Toronto.

Hugh Scobie grandit dans une famille de militaires et reçut une éducation classique dans un collège de Tain, en Écosse. Il fit un stage dans un cabinet d’avocats d’Édimbourg et, lorsque sa famille décida d’immigrer dans le Haut-Canada, il se proposa de poursuivre sa carrière d’avocat dans la colonie. Cependant, à son arrivée avec ses frères et sœurs à la fin du printemps de 1833, il constata que le système juridique le privait « de tous les avantages que [ses] études antérieures auraient dû [lui] procurer ». Jusqu’en 1838, il aida à organiser la ferme familiale dans le canton de West Gwillimbury, près de Bradford. Ambitieux, il devint vite un porte-parole laïque important de l’Église d’Écosse et fut secrétaire de la conférence presbytérienne tenue en 1837 à Cobourg afin de protester contre la création de 44 rectories anglicans l’année précédente [V. William Morris]. Au cours de la même période, il devint aussi le représentant du Haut-Canada auprès de l’Albion, hebdomadaire de New York destiné aux immigrants britanniques.

Comme Scobie était déjà connu à Toronto en tant que défenseur des intérêts des Écossais du Haut-Canada, il devint le choix logique pour diriger et publier un journal que d’éminents Écossais voulaient fonder. L’objectif du nouveau journal était de promouvoir une option politique modérée pour remplacer l’option réformiste, discréditée par la rébellion de 1837–1838, et l’option tory, représentée par une oligarchie politique que dominait l’Église d’Angleterre. Le premier numéro du Scotsman parut le 1er février 1838. Cependant, deux semaines plus tard, le journal prit le nom de British Colonist ; c’était un changement important qui reflétait le fait que Scobie assumait seul la direction du journal et qu’il voulait en éliminer les particularités fondées sur les « origines nationales ». Son but était de « rendre en général le journal aussi utile et instructif que possible ». De ton modéré, le British Colonist s’abstint habituellement de tomber dans l’exagération, d’afficher un sectarisme politique excessif et de s’en prendre aux personnalités. Par ses éditoriaux et ses articles, Scobie tenta d’influencer l’opinion publique en prônant des causes telles qu’un système d’éducation libéral et accessible à tous, et en soutenant le régionalisme du Haut-Canada, tout en se montrant implacablement hostile au nationalisme canadien-français. Un grand nombre de ses éditoriaux, influencés sans doute par sa lointaine formation juridique, se lisaient comme des plaidoiries bien documentées et à l’argumentation serrée.

Scobie allait demeurer financièrement dépendant de son journal. Exaspérés par le soutien de Scobie au gouverneur sir Charles Theophilus Metcalfe* durant la crise constitutionnelle de 1843–1844, les réformistes conduits par Francis Hincks* vinrent bien près de le ruiner en menant une campagne destinée à faire disparaître le British Colonist. Malgré tout, c’est pendant cette même crise, au moment où 250 lecteurs annulèrent leur abonnement, que le journal exerça sa plus forte influence et la maintint après la victoire des candidats de Metcalfe aux élections de 1844. Cette année-là, James Morris* écrivit à Isaac Buchanan* : « Notre ami Scobie dirige son journal avec beaucoup d’habileté. » Bien qu’à cette époque son rival, le journaliste réformiste George Brown*, ait qualifié le British Colonist d’ « égout collecteur littéraire de Toronto », il se joignit à Scobie en 1847 afin de partager un réseau télégraphique d’informations pour obtenir les nouvelles relatives au transport sur l’Atlantique. Les succès remportés par Scobie pendant toute cette période sont dus en partie au fait qu’il sut s’entourer d’une équipe de jeunes journalistes ambitieux, dont un certain nombre, particulièrement Brown Chamberlin, atteignirent plus tard une renommée enviable.

En novembre 1851, Scobie ajouta le Daily Colonist au British Colonist qui paraissait alors deux fois par semaine, puis au mois d’août de l’année suivante il lança le News of the Week, or Weekly Colonist. Ces journaux servirent de tribune à Scobie pour exposer sa conception d’un gouvernement fondé sur le principe du « bien commun ». Il avait la conviction que le bien-être des citoyens, qui allait constituer l’assise d’une identité canadienne britannique naissante, ne pouvait être assuré que par l’instruction, la prospérité matérielle dont bénéficieraient équitablement toutes les classes, les valeurs morales du christianisme, ainsi que par un régime politique qui incarnerait ce qu’il y avait de meilleur chez tous ses membres. Bien qu’il ait été un porte-parole de l’Église d’Écosse, il s’opposa résolument au sectarisme religieux et rejeta les partis et les hommes politiques qui semblaient subordonner à leurs propres ambitions les meilleurs intérêts du Haut-Canada. Il pressa les hommes politiques de construire des routes, des ponts et des écoles au lieu de s’engager dans des débats portant sur une philosophie politique, qui se révélaient stériles et créateurs de discorde. Scobie prenait passionnément le parti des « classes productrices » (manufacturiers, agriculteurs et ouvriers) et s’attaquait aux spéculateurs qui cherchaient à manœuvrer l’économie.

Dans le premier numéro du Scotsman, Scobie avait offert ses services comme « libraire, papetier, imprimeur, relieur, lithographe, graveur sur cuivre et sur bois » et, pendant les années 1840 et la décennie qui suivit, son entreprise de travaux de ville devint un important complément à ses autres activités. D’octobre 1839 à décembre 1840, Scobie imprima et publia le Canadian Christian Examiner, and Presbyterian Magazine ; il imprima aussi les minutes du synode de Toronto de l’Église presbytérienne du Canada, affiliée à l’Église d’Écosse, ainsi que d’autres écrits à caractère religieux. Ses presses imprimèrent des recueils de vers, des cours d’agriculture de Henry Youle Hind* et des pamphlets politiques d’Egerton Ryerson* et d’Isaac Buchanan. Associé à John Simpson*, de Niagara (Niagara-on-the-Lake), il publia The Canadian mercantile almanack, de 1843 à 1848, et, en société avec John Balfour, Écossais comme lui, il fit paraître Scobie & Balfour’s Canadian almanac, and repository of useful knowledge, de 1848 à 1850. L’année suivante, Scobie s’occupa seul de cette publication qui prit le nom de Scobie’s Canadian almanac et qui parut jusqu’en 1854. Alors qu’il était associé à Balfour, Scobie imprima aussi le Scobie & Balfour’s municipal manual, for Upper Canada en 1850, mais, encore une fois, seul le nom de Scobie apparaissait sur la page de titre. Cet ouvrage, qui contenait un résumé complet des lois provinciales importantes, fut vendu à bas prix afin d’améliorer le bien-être de la population en la renseignant.

Dans une annonce datée du mois d’octobre 1843, Scobie faisait savoir qu’il s’était procuré une presse lithographique et qu’il était « prêt à remplir des commandes ». Selon l’historienne Mary Allodi, cette acquisition était importante, parce que « la lithographie picturale, qui avait virtuellement disparu au moment où [Samuel Oliver Tazewell*] quitta Toronto en 1835, devint de nouveau florissante avec l’encouragement de Scobie ». De mai 1846 à juin 1850, Scobie se joignit de nouveau à Balfour pour publier le British Colonist ainsi qu’un certain nombre d’estampes et de cartes lithographiées.

Pendant les années qu’il passa à Toronto, Scobie fit partie de nombreux organismes sociaux, économiques et politiques. Actif dans la franc-maçonnerie, il fut aussi membre fondateur de la Toronto Literary and Historical Society créée en 1842, à peu près à l’époque de sa nomination comme juge de paix dans cette ville. Son intérêt dans la réforme du système d’éducation fut reconnu en 1846 : Ryerson le désigna alors pour faire partie du premier bureau d’Éducation de la province. Protectionniste enthousiaste, il joua un rôle de premier plan dans la British American League en 1849–1850 [V. George Moffatt*], et le British Colonist devint l’organe de la ligue à Toronto. Scobie fut membre du bureau de commerce local, un des administrateurs fondateurs de la Consumers’ Gas Company et vice-président de l’Ontario, Simcoe and Huron Rail-road Union Company. Après sa mort, ses employés, qui appartenaient à la Toronto Typographical Society, déclarèrent qu’il était « en tant qu’employeur, absolument honorable et généreux, fermant les yeux sur les erreurs, s’efforçant toujours de placer la profession à un rang élevé et important à la face du monde et rendant à ses employés leur juste dû ».

L’activité politique directe de Scobie fut limitée, mais il fit continuellement campagne dans le British Colonist pour un « conservatisme libéral » modéré. En 1839, il avait accepté de briguer les suffrages aux prochaines élections comme candidat antitory dans la circonscription de Simcoe, mais il se désista en faveur d’Elmes Yelverton Steele* qui fut élu aux élections générales de 1841. Ryerson proposa Scobie pour occuper le poste d’inspecteur général dans le ministère de William Henry Draper* en 1844, mais celui-ci écarta cette candidature pour des raisons personnelles et politiques. Scobie se présenta aux élections de 1847–1848 dans la circonscription de 4th York contre Robert Baldwin, mais il subit une écrasante défaite. Dans un éditorial publié dans le British Colonist du 21 décembre 1847, il écrivait : « Entre un candidat sans parti et un partisan violent, quel choix fera vraisemblablement cette catégorie d’électeurs qui désirent avant tout voir le pays ouvert par l’immigration et par la colonisation, et qui sont plus intéressés aux améliorations internes en agriculture et dans l’industrie manufacturière que dans la poursuite infructueuse de chimères politiques ? » Aux élections de 1851, Scobie fut de nouveau défait ; cette fois son adversaire était Joseph Hartman.

À la suite d’un anévrisme, Hugh Scobie fut atteint d’une douloureuse maladie qui dura environ dix semaines et dont il mourut le 4 décembre 1853 à sa résidence de Toronto. Avec le concours de deux associés, Samuel Thompson* acheta le British Colonist de la veuve de Scobie, tandis que d’autres parties de son entreprise, y compris le Scobie’s Canadian almanac, furent acquises par Thomas Maclear* et William Walter Copp*. Bien qu’âgé de 42 ans seulement au moment de sa mort, Scobie avait joué, dans le Haut-Canada, un rôle important dans les domaines de l’édition, de la politique et de la culture. S’il n’était pas mort prématurément, il aurait pu obtenir, grâce à ses talents, autant de succès que son concurrent George Brown.

David Ouellette

Les lettres de Hugh Scobie à Egerton Ryerson ont été éditées par Charles Bruce Sissons et publiées sous le titre de « Letters of 1844 and 1846 from Scobie to Ryerson », CHR, 29 (1948) : 393–411. Les originaux se trouvent parmi les papiers Ryerson déposés aux UCA.

Deux fac-similés d’un portrait à l’aquarelle de Scobie peint par Hoppner Francis Meyer sont disponibles. La gravure que fit Meyer à partir de cette aquarelle parut dans OH, 37 (1945), en regard de la page 28 ; une reproduction d’aquarelle se trouve à la MTL.

AO, RG 1, C-I-3, 92 : 6.— APC, MG 24, D16 ; RG 5, A1 : 74364–74366, 115995, 123063–123064, 138463–138465, 142498–142499.— QUA, William Morris papers.— York County Surrogate Court (Toronto), no 5414, testament de Justina Scobie (mfm aux AO).— British Colonist (Toronto), 1838–1853, particulièrement la notice nécrologique du 6 déc. 1853.— Christian Guardian, 1er mai 1844.— Globe, 6 oct. 1847.— North American (Toronto), 8 déc. 1853.— Scotsman (Toronto), 1er, 8 févr. 1838.— Toronto Patriot, 16 oct. 1840, 28 juill. 1843.— Canada directory, 1851 : 429.— Dict. of Toronto printers (Hulse).— Early Toronto newspapers (Firth).— « State papers – U.C. », APC Report, 1943 : 89, 114.— Toronto directory, 1843–1844 ; 1846–1847 ; 1850–1851.— Mary Allodi, Printmaking in Canada : the earliest views and portraits (Toronto, 1980).— J. M. S. Careless, Brown of The Globe (2 vol., Toronto, 1959–1963 ; réimpr., 1972), 1.— H. P. Gundy, Book publishing and publishers in Canada before 1900 (Toronto, 1965).— G. L. Parker, The beginnings of the book trade in Canada (Toronto, 1985).— Paul Rutherford, A Victorian authority : the daily press in late nineteenth-century Canada (Toronto, 1982), 37–42, 116, 140–141, 253.— Wilfred Campbell, « Four early Canadian journalists », Canadian Magazine, 43 (mai–oct. 1914) : 551–558.

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David Ouellette, « SCOBIE, HUGH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/scobie_hugh_8F.html.

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Auteur de l'article:    David Ouellette
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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
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