LOWE, JOHN, éditeur et rédacteur en chef, fonctionnaire et agent de développement agricole, né le 20 février 1824 à Warrington (Cheshire), Angleterre, fils de James Lowe et d’Anne Clarke ; le 16 août 1852, il épousa à Frelighsburg, Bas-Canada, Almira Chamberlin, et ils eurent deux fils et deux filles ; décédé le 7 novembre 1913 à Ottawa.
Après des études dans une école privée de Warrington, John Lowe s’embarqua à destination de Montréal en mai 1841 pour travailler comme teneur de livres dans un commerce de fourrures. Il comprit bientôt qu’il préférait la littérature aux affaires, et prit une habitude qu’il allait conserver toute sa vie : lire cinq ou six heures chaque soir. En 1848, il mit à profit son goût pour les lettres en devenant reporter et rédacteur adjoint à la Montréal Gazette. En 1851, il alla prendre, à Toronto, la direction du British Colonist de Hugh Scobie*. De retour à Montréal en 1853, il s’associa à son beau-frère Brown Chamberlin et à un copropriétaire de la Gazette, James Moir Ferres*, pour acheter, le 1er novembre, la part de l’autre propriétaire, John Milne. Le 1er avril 1854, Lowe et Chamberlin, avec l’appui financier du beau-père de Lowe, achetèrent la part de Ferres, et devinrent copropriétaires et corédacteurs en chef du journal.
Sans tarder, Lowe et Chamberlin instaurèrent des changements à la Gazette : réinstallation dans des locaux plus vastes, achat d’une presse à vapeur neuve, passage à une édition quotidienne. En 1855, ils lancèrent le Canadian Mail, or Montreal Weekly Gazette for Europe. Dans leurs éditoriaux, ils sympathisaient de plus en plus avec l’étoile montante des libéraux-conservateurs – au Bas-Canada, George-Étienne Cartier*, député de Verchères et, à compter de 1861, de Montréal. Fervent partisan des gouvernements de coalition libéraux-conservateurs et, par la suite, propagandiste de la Confédération, le quotidien la Gazette faisait florès. Lowe vivait donc dans l’aisance. En mai 1867, lui-même et Chamberlin vendirent la Gazette à une nouvelle entreprise, la Montreal Printing and Publishing Company, qui était en fait le principal investissement de leur firme. Ensuite, Lowe se consacra surtout à la Trade Review, publication statistique lancée en 1865 par lui et Chamberlin, et à un ouvrage du même genre, The year book and almanac of Canada. Le 1er mai 1869, la Montreal Printing and Publishing Company acheta un journal montréalais, l’Evening Telegraph and Daily Commercial Advertiser. Puis, dès février 1870, il s’avéra que des employés de la Montreal Printing avaient commis une fraude d’au moins 14 000 $ à l’endroit de la compagnie, que le Telegraph était en faillite, et que Lowe et Chamberlin étaient ruinés. À l’âge de 46 ans, Lowe devait repartir à zéro.
Toutefois, depuis qu’il était à Montréal, Lowe s’était fait beaucoup d’amis influents, dont Christopher Dunkin*, ministre fédéral de l’Agriculture, qui vint à sa rescousse en lui offrant un poste de fonctionnaire du recensement. Le 9 juillet 1870, Lowe entama sa carrière dans la fonction publique. Le 8 février 1871, il fut nommé secrétaire du département de l’Agriculture à titre temporaire ; le 7 mai 1873, sa nomination devint permanente. Cet emploi était une faveur, mais Lowe était une bonne recrue pour la fonction publique. Il aimait le jardinage, l’horticulture et l’agriculture ; il avait produit des publications statistiques. En outre, Dunkin avait particulièrement tenu à lui confier la charge de l’immigration, qui convenait à un rédacteur, agent de publicité et administrateur de sa trempe.
La croissance démographique était essentielle au financement des projets d’immobilisations et à la mise en valeur des immenses richesses du pays. Lowe, qui avait carte blanche, se lança à corps perdu dans son travail en dirigeant le réseau d’agents d’immigration postés au Canada et à l’étranger, en concevant des stratégies propres à convaincre les immigrants intéressants de rester au pays (bon nombre d’entre eux continuaient leur route jusqu’aux États-Unis) et en négociant pour eux des modalités spéciales de transport avec ses amis montréalais Hugh* et Andrew* Allan, de la compagnie de vapeurs Allan. De 1870 à 1873, les dépenses d’immigration augmentèrent de 31 % et le nombre d’immigrants, de 44 %. En 1873, les amis conservateurs de Lowe furent délogés du pouvoir par les libéraux d’Alexander Mackenzie*. Après une courte période de suspicion réciproque, Lowe gagna la confiance de ces derniers par son esprit d’initiative et sa compétence. Cependant, malgré ses efforts et des dépenses annuelles de plus de 300 000 $ de 1873 à 1877, l’immigration se situait, à la fin de 1876, à un niveau à peu près deux fois moindre que celui de 1873, en raison de la piètre situation économique au Canada et à l’étranger. Par contre, une expérience lancée vers 1875 sous la supervision de Lowe et de fonctionnaires de son département et qui consistait à exporter en Angleterre des bovins et des moutons sur pied s’avéra fructueuse. Parce qu’il fallait protéger le renom du Canada en tant que producteur de bétail sain, les programmes d’inspection et d’hygiène du département de l’Agriculture connurent une croissance soutenue sous la direction de Lowe.
Dans le cadre de ses fonctions, Lowe visita le Nord-Ouest et le Manitoba en 1877, ce qui lui insuffla encore plus d’ardeur dans son travail de mise en valeur du Canada. La compagnie de son ami William Watson Ogilvie* avait expédié du Manitoba un premier chargement de blé cette année-là. En janvier 1878, Lowe dirait à Ogilvie : « [cette vaste région] est immédiatement destinée [...] à devenir la grande productrice de blé du continent nord-américain [...] J’ai vu [...] des alluvions noires de plus de 10 pieds de profondeur ! » Fort de ses connaissances, de son goût pour l’agriculture et de son esprit d’entreprise, il résolut d’avoir sa part des marchés manitobains.
Dès 1878, Lowe persuadait son frère James, marchand aisé de Manchester, en Angleterre, d’investir dans des terres au Manitoba et d’y établir leurs fils pour qu’ils les exploitent. Il usa de ses relations départementales dans cette province et acquit des terres de colonisation et des concessions de Métis. En 1879, il détenait 16 milles carrés dans le village maintenant appelé Lowe Farm ainsi que des propriétés sur des emplacements urbains avoisinants. Toutefois, en 1881, les investissements de James Lowe dans l’affaire dépassaient les 50 000 $ et n’avaient presque rien rapporté. Les terres avaient été endommagées par des gelées précoces, par la sécheresse, par des problèmes de drainage et par le feu ; en plus, aucun des fils Lowe n’était doué pour l’exploitation agricole. Par la suite, John Lowe tenterait de mettre en marché une « charrue à vapeur » et de soutenir une société d’irrigation et de drainage, mais sans succès.
Dans les années 1880, sous le second gouvernement conservateur de sir John Alexander Macdonald*, Lowe orchestra une gigantesque campagne afin d’attirer des immigrants, surtout des fermiers et des ouvriers agricoles qui s’installeraient au Manitoba. Le nombre d’immigrants atteignit le chiffre record de 133 600 en 1883 et les dépenses liées à l’immigration dépassèrent le demi-million de dollars en 1884–1885. Cependant, dès 1890, à cause de la récession, de la limitation des dépenses gouvernementales et de la rébellion survenue dans le Nord-Ouest en 1885, les sommes affectées à l’immigration et le nombre d’immigrants avaient grandement chuté. Au cœur de cette mauvaise période, Lowe se vit confier de nouvelles attributions : le 1er juillet 1888, il accéda à la fonction de sous-ministre de l’Agriculture. En fait, il dominait le département depuis de nombreuses années déjà, en raison de sa forte personnalité et de la mauvaise santé du sous-ministre Joseph-Charles Taché*. Lowe et John Carling, ministre de l’Agriculture de 1885 à 1892, formaient un tandem dynamique.
En août 1895, au cours d’une visite au Manitoba, Lowe, alors âgé de 71 ans, lut dans le Manitoba Morning Free Press qu’on allait nommer un autre sous-ministre à sa place. Furieux, il demanda à des amis appartenant aux milieux politiques de l’aider à obtenir justice. Ce fut en vain. Le 1er décembre 1895, il fut mis à la retraite et William Bain Scarth*, nommé pour des raisons politiques, lui succéda. Le décès de sa femme bien-aimée, Almira, assombrit davantage cette année éprouvante. Néanmoins, il ne se laissa pas abattre : il continua de jardiner et d’écrire, et tenta d’acquitter les dettes de sa ferme manitobaine. Il survécut à tous ses enfants et mourut chez lui, à Ottawa, à l’âge de 89 ans, au terme de deux mois de maladie. Il fut inhumé au village de ses amis les Chamberlin, Frelighsburg.
Le département de l’Agriculture était responsable de l’enregistrement des brevets et des marques de commerce, de l’immigration, du recensement et de l’agriculture, autant de secteurs qui ont l’air disparate, mais qui, pour John Lowe et ses contemporains, formaient un ensemble cohérent. Le Canada luttait contre d’autres colonies et les États-Unis pour attirer de la main-d’œuvre. Selon le département, chacune des vaches que l’on exportait représentait une réclame autant qu’un revenu pour les fermiers canadiens. Les statistiques servaient à mesurer le succès du dominion et à alimenter la campagne d’immigration. Les inventions témoignaient de l’ingéniosité des entrepreneurs canadiens et offraient de nouveaux moyens d’exploiter les richesses naturelles. John Lowe ne se contenta pas de son poste de fonctionnaire : il tenta sa chance et prit des risques. À compter des années 1880, sa vie privée et sa vie professionnelle se confondirent presque : pour lui, la Lowe Farm devait être non seulement un investissement, mais aussi une ferme modèle et un lieu d’expérimentation pour les innovations agricoles. D’ailleurs, le rapport annuel du département rendit compte des débuts encourageants de cette ferme. Quant au Year book, qu’il avait pu continuer à publier après 1870, Lowe l’utilisait comme outil de promotion. Que ce fût pour convaincre les fermiers tenanciers d’Europe de venir au Canada ou pour persuader son frère et d’autres d’investir dans sa ferme, il employait la même rhétorique et déployait la même énergie. Lowe consacra toutes ses ressources personnelles et professionnelles à un objectif à la fois individuel et national : le peuplement et le développement du Canada, l’Ouest canadien surtout. Malheureusement pour lui, le moment propice pour la réalisation de ses projets n’était pas encore venu. Il mérite néanmoins que l’on se souvienne de lui en raison de ses talents, de son dynamisme et de sa foi inébranlable en l’avenir du Canada.
John Lowe a rédigé beaucoup de documents publicitaires pour le département de l’Agriculture, dont un grand nombre à titre anonyme. Quatre ouvrages de Lowe sont mentionnés dans Canadiana, 1867–1900 : Report on alleged exodus to western United States at Port Huron ([Ottawa], 1884) et Population, immigration, and pauperism in the Dominion of Canada ([Montréal ?, 1884 ?]), deux opuscules destinés à réfuter le contenu de messages publicitaires américains, dans le premier cas sur le nombre de Canadiens et d’immigrants entrés au Canada qui s’installaient aux États-Unis, et, dans le deuxième, sur le sort des arrivants au Canada ; Report on Canadian flax industries (Ottawa, 1894) ; et The Lowe Farm hydraulic-colonization syndicate ([Ottawa, 1891]), exposé sur son projet de colonisation. À l’exception de son rapport sur le lin, toutes ces publications ont été conservées sur microfiches par l’ICMH et sont énumérées dans le Répertoire.
Lowe est aussi mentionné dans AN, Catalogue of pamphlets [...], Magdalen Casey, compil. (2 vol., Ottawa, 1932) comme l’auteur de Canadian north-west climate and productions ; a misrepresentation exposed (2e éd., Ottawa, 1883). La première édition n’est consignée dans aucune source connue, mais celle-ci et la cinquième édition de la même année sont indiquées, sans mention de l’auteur, dans le Répertoire de l’ICMH.
AN, MG 29, E18.— ANQ-E, CE2-47, 16 août 1852.— Canada, Parl., Doc. de la session, 1871, n° 64 ; 1874, n° 9 ; 1875, n° 40 ; 1877, n° 8 ; 1881, n° 1 ; 1885, n° 8 ; 1886, n° 2 ; 1897, n° 1.— Canadian men and women of the rime (Morgan ; 1912).— Canadian who’s who (1910).— J. Hamelin et al., la Presse québécoise, 1 : 193.— Douglas Owram, Promise of Eden : the Canadian expansionist movement and the idea of the west, 1856–1900 (Toronto, 1980).
Gwynneth C. D. Jones, « LOWE, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lowe_john_14F.html.
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Auteur de l'article: | Gwynneth C. D. Jones |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
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