CHASSEUR, PIERRE, doreur, sculpteur et fondateur d’un musée d’histoire naturelle, né le 10 octobre 1783 à Québec ; décédé le 21 mai 1842 dans la même ville.
On connaît peu de chose des origines, sans doute modestes, et des premières années de Pierre Chasseur. Il reçoit une instruction élémentaire et fait, on ne sait où, l’apprentissage de l’art de la dorure. En 1815, il se déclare doreur, établi à Québec au faubourg Saint-Jean. Comme il est d’usage à l’époque, il pratique aussi la sculpture. En 1816, il offre en vente, dans la Gazette de Québec, des « Estampes Françoises et Angloises » que les acheteurs pourront faire encadrer par ses soins. L’année suivante, il argente quelques cadres pour la fabrique Notre-Dame de Québec.
Dès 1824, Chasseur rassemble une collection de spécimens d’histoire naturelle dans la maison qu’il occupe rue Sainte-Hélène (rue McMahon), dans la haute ville. Cependant, ce n’est qu’en 1826 qu’il ouvre son musée au public. On peut se demander comment Chasseur, modeste artisan, en est venu à l’histoire naturelle. Québec à cette époque est le théâtre d’un remarquable éveil de l’intérêt pour les arts, les lettres et les sciences. En 1824, sous le patronage de lord Dalhousie [Ramsay], s’est constituée la Société littéraire et historique de Québec. Quelques jeunes médecins de la ville lancent en 1826 le Journal de médecine de Québec, dont les pages sont largement ouvertes aux sciences et à l’histoire naturelle. Chasseur compte d’ailleurs au nombre des abonnés. L’année suivante, le même groupe, auquel se joignent des notables tels Joseph Bouchette et le marchand William Sheppard*, fervent botaniste, forme la Société pour l’encouragement des sciences et des arts en Canada.
Toutefois, cet intérêt du public québécois pour les sciences n’est pas suffisant pour assurer le succès de l’entreprise de Chasseur. Dès l’année de la création de son musée, il doit solliciter l’appui du gouvernement. Cette première démarche reste vaine, mais en 1828, la chambre d’Assemblée, où il peut compter sur l’appui de plusieurs députés, dont John Neilson et le docteur François Blanchet*, lui accorde £350. Après avoir épuisé cette somme et s’être endetté d’autant pour l’achat et l’aménagement de la maison où il a établi son musée, Chasseur doit revenir à la charge auprès des députés du Bas-Canada dès 1830 ; il obtient alors £400.
Malheureusement, les affaires de Chasseur ne s’améliorent pas et, après plusieurs tentatives auprès de l’État pour obtenir son appui, le naturaliste se voit forcé de remettre sa collection entre les mains du gouvernement en 1836. On envisage alors de créer un musée provincial à partir des pièces réunies par Chasseur. Un inventaire du docteur Jean-Baptiste Meilleur*, homme politique et naturaliste, révèle que la collection comprenait notamment 500 spécimens d’oiseaux, près d’une centaine de mammifères, une quarantaine de reptiles et des poissons. Chasseur ignorait les classifications scientifiques, mais il avait fait des efforts pour présenter ses spécimens de manière à évoquer leur milieu naturel et leurs mœurs. Conformément au goût de l’époque, il avait également rassemblé des artefacts amérindiens, des objets exotiques, tel un parapluie chinois, et quelques curiosités, comme la hache d’un meurtrier célèbre et un canon de bronze que Jacques Cartier* ou Giovanni da Verrazzano* aurait perdu dans le Saint-Laurent.
À partir du moment où le gouvernement prend possession de la collection, le sort de celle-ci devient incertain. Selon quelques sources, les pièces seraient disparues dans un incendie survenu entre mars 1836 et novembre 1837, vraisemblablement dans la maison de la rue Sainte-Hélène. Selon d’autres, plus nombreuses, on aurait transféré la collection dans le nouvel édifice du Parlement dès 1836. Cependant, sans doute à cause des événements politiques de cette époque, le projet d’un musée public n’a pas de suite. Lorsqu’en 1841 le gouvernement de la province du Canada s’établit à Kingston, dans le Haut-Canada, on offre à la Société littéraire et historique de Québec certaines des salles laissées vacantes dans le Parlement de Québec, pour qu’elle y installe sa bibliothèque et son musée. Par la même occasion, la société se voit confier le soin de veiller à la conservation du musée de Chasseur, dont l’existence se confond dès lors avec celle du musée de la société. Le 1er, février 1854, un incendie ravage l’ancien édifice du Parlement et entraîne la perte de toutes les collections.
Quant à Pierre Chasseur, il fut étroitement mêlé aux événements de 1837 et de 1838. Dès 1826, il avait affiché ses convictions en prenant pour devise Dieu et la Liberté. De plus, il comptait parmi ses amis et relations de nombreuses personnalités du parti patriote. En 1830, nul autre que Louis-Joseph Papineau* avait fait son éloge dans les pages de la Minerve. Pendant les troubles de 1837, c’est dans sa maison que se réunissait le Comité permanent de Québec. En raison de ces activités politiques, on l’arrêta à deux reprises. Le 11 novembre 1837, après une enquête du juge de paix Robert Symes, on le mit aux arrêts et on l’incarcéra à la prison de Québec. Il recouvra sa liberté dès le 18, grâce à une ordonnance d’habeas corpus qu’accorda le juge en chef Jonathan Sewell, moyennant un cautionnement personnel de £500 et deux autres cautions de £250, de Narcisse-Fortunat Belleau* et du docteur Jean Blanchet*. En novembre 1838, on l’arrêta de nouveau, cette fois sous une accusation de haute trahison ; il ne put recouvrer sa liberté que cinq mois plus tard. Il mourut à Québec, ruiné, le 21 mai 1842.
ANQ-Q, CE1-1, 23 mai 1842 ; CN1-230, 16 oct. 1815, 12 mai 1817 ; P-239/21.— APC, MG 24, B2, 1–3 ; RG 4, A1 : 351.— Arch. du séminaire de Chicoutimi (Chicoutimi, Québec), Fonds Léon Provancher, lettre de J.-B. Meilleur à Léon Provancher, 16 mars 1869.— MAC-CD, Fonds Morisset, 2, dossier Pierre Chasseur.— B.-C., chambre d’Assemblée, Journaux, 1828–1833 ; 1835–1836.— Amable Berthelot, Dissertation sur le canon de bronze que l’on voit dans le musée de M. Chasseur, à Québec (Québec, 1830).— Journal de médecine de Québec, 2 (1827).— Le Canadien, 16 août 1833, 8 avril 1836, 24 févr. 1840, 23 mai 1842.— La Gazette de Québec, 6, 13 juin 1816, 1er mai, 19 oct. 1826.— La Minerve, 25 févr. 1830.— F.-M. Bibaud, le Panthéon canadien (A. et V. Bibaud ; 1891).— Fauteux, Patriotes.— P.-G. Roy, Fils de Québec, 3 : 184–186.— I.[-F.-T.] Lebrun, Tableau statistique et politique des deux Canadas (Paris, 1833).— J. R. Porter, l’Art de la dorure au Québec du XVIIIe siècle à nos jours (Québec, 1975).— « Combat entre un aigle et un enfant », la Bibliothèque canadienne (Montréal), 5 (1827) : 159.— Raymond Duchesne, « Magasin de curiosités ou Musée scientifique ? Le musée d’histoire naturelle de Pierre Chasseur à Québec (1824–1854) », HSTC Bull. (Thornhill, Ontario), 7 (1983) : 59–79.— Damase Potvin, « le Musée Chasseur », Carnets de zoologie de Québec (Québec), 12 (1952), no 2 : 47–50.— Antoine Roy, « les Patriotes de la région de Québec pendant la rébellion de 1837–1838 », Cahiers des Dix, 24 (1959) : 241–254.— Henri Têtu, « le Musée Chasseur à Québec », BRH, 8 (1902) : 251–252.— « Zoologie du Bas-Canada », la Bibliothèque canadienne, 2 (1825–1826) : 74–75.
Raymond Duchesne, « CHASSEUR, PIERRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/chasseur_pierre_7F.html.
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Auteur de l'article: | Raymond Duchesne |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
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