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CAMERON, JOHN HILLYARD, avocat, homme d’affaires et homme politique, orangiste, laïc éminent de l’Église d’Angleterre, né le 14 avril 1817 à Blendecques, France, décédé à Toronto, Ont., le 14 novembre 1876.
Son père, Angus Cameron, fut soldat dans le 79e régiment des Highlanders, au cours des guerres napoléoniennes ; après 1815, il resta en France avec les forces britanniques d’occupation. C’est là que naquit son fils John Hillyard. En 1825, lorsque Angus fut affecté à Kingston, la famille émigra dans le Haut-Canada. Hillyard fit ses études au Kilkenny College en Irlande, puis à Kingston, à l’école secondaire du district de Midland et dans une école mixte dirigée parle révérend John Cruikshank. Pendant une brève période, il eut pour condisciples Oliver Mowat* et John Alexander Macdonald*.
En 1831, Angus Cameron fut transféré à York (Toronto), et John Hillyard fut envoyé à Upper Canada College. Il commença ensuite ses études de droit sous la direction de Henry John Boulton*, un tory appartenant au « Family Compact ». Quand éclata la rébellion de 1837, John Hillyard terminait son droit. Il était capitaine dans les Queen’s Rangers quand, le 4 décembre 1837, le colonel James FitzGibbon* l’envoya à Toronto, pour qu’il l’avertisse de l’approche des forces de William Lyon Mackenzie*. Après avoir servi quelque temps dans la région de Toronto, il fut affecté à la garde de la frontière à Niagara. Cameron n’avait que 20 ans à l’époque et il est à peu près certain que la rébellion contribua à renforcer ses opinions conservatrices.
Cameron revint à Toronto, fut admis au Barreau du Haut-Canada en 1838 et s’associa immédiatement avec John Godfrey Spragge*. Au cours des années 1840, Cameron s’attira une excellente clientèle comme avocat ; il fit de bonnes affaires et sa réputation s’étendit à toute la province. Il plaida dans plusieurs procès au criminel et publia deux recueils de lois. En 1840, il fut l’un des commissaires chargés de la révision des statuts du Haut-Canada. En sa qualité de rapporteur auprès de la Cour du banc de la reine, dans le Canada-Ouest (qu’on appelait encore communément Haut-Canada), de 1843 à 1846, il commença la publication des Upper Canada Law Reports. Il fut nommé conseiller de la reine en 1846 et fut président de la commission pour la refonte des statuts du Haut-Canada en 1856–1857. En 1860, il fut élu trésorier de la Law Society of Upper Canada, et il fut admis au Barreau de la province de Québec en 1869. En 1843 il avait épousé Elizabeth, troisième fille de H. J. Boulton. Elle mourut en 1844, lui laissant un fils, et, en 1849, John Hillyard épousa Ellen Mallet, fille d’un général américain. Ils eurent deux fils et deux filles.
À l’époque, la politique était un moyen sûr de s’attirer la considération générale. C’était une voie qui s’ouvrait facilement aux avocats et, en 1846, Cameron se lança dans la politique municipale et dans la politique provinciale. À Toronto, il fut échevin du quartier St Andrew en 1846–1847 et en 1851–1852, puis du quartier St John en 1854 – alors qu’il eut pour collègue Ogle Robert Gowan – et en 1855.
Au niveau provincial, Cameron fut naturellement attiré par le groupe conservateur. William Henry Draper, « conservateur modéré », était alors le chef du gouvernement ; il ne parvenait toutefois à se maintenir au pouvoir qu’en conservant un équilibre précaire au sein de l’Assemblée législative. Draper s’appuyait sur les modérés du Haut-Canada et les tories, élus à la suite des appels émus qu’avait lancés lord Metcalfe* pendant les élections de 1844, mais ces partisans étaient loin de former un groupe homogène. Les modérés refusaient de suivre la politique des tories et les tories, à leur tour, étaient amèrement déçus du soutien que Draper avait donné, en 1841, au projet d’union du Haut et du Bas-Canada. Afin de conserver l’appui des modérés, le gouvernement n’avait nommé que peu de représentants du groupe tory au Conseil exécutif et, si les tories approuvaient Draper, c’est que, à leurs yeux, l’abandonner eût été trahir Metcalfe et sa politique. De plus Draper n’avait pratiquement aucun partisan personnel et peu de Canadiens français étaient en sa faveur.
Devant cette absence presque complète de direction dans le parti conservateur, Cameron, encore très jeune, semblait être un homme politique séduisant. C’était un avocat réputé et un administrateur avisé, d’opinions assez modérées. À Toronto, sa popularité aurait pu suffire à contenir les tories dans leur place forte. En 1845, Cameron s’était opposé, en sa qualité de conseiller juridique du conseil d’administration de King’s College, à l’adoption du projet de loi concernant l’université présenté par Draper. Malgré cela, il se vit offrir immédiatement le poste de solliciteur général du Haut-Canada, fonction non ministérielle. Il l’accepta le 1er juillet 1846 et sa décision n’était certainement pas pour plaire au groupe tory : Draper venait en effet de révoquer un chef tory, Henry Sherwood*, de ce poste car, disait-il, « il n’avait pas soutenu sincèrement le gouvernement ». Beaucoup plus tard, Cameron fut souvent traité « d’ultra conservateur » mais, en 1846, il se considérait nettement comme l’un des partisans de Draper et non pas de Sherwood. Il fut chargé de rédiger deux projets de loi, l’un prévoyant « un système uniforme pour juger les élections contestées », et l’autre en vue « d’une meilleure administration de la justice dans le Haut-Canada ». Mais, pour présenter ses projets de loi, il lui fallait entrer à l’Assemblée. La circonscription de Cornwall fut libérée ; Cameron s’y porta candidat et fut élu au mois d’août 1846.
Ayant évincé Sherwood, son successeur en puissance, Draper désirait maintenant atteindre un objectif plus personnel, devenir juge puîné de la Cour du banc de la reine, dans le Haut-Canada. Le titulaire du poste, Christopher Hagerman*, étant mourant, Draper résigna sur-le-champ ses fonctions de procureur général et fut nommé juge le 28 mai 1847. Il espérait choisir lui-même son successeur et demanda tout d’abord à Cameron d’accepter les charges de chef du gouvernement et de procureur général pour le Canada-Ouest. Cameron déclina son offre en disant « qu’en restant solliciteur général du Haut-Canada, il servirait mieux les intérêts de cette province ». Sherwood succéda à Draper. Comme consolation, Cameron obtint le 22 mai 1847 un siège au Conseil exécutif.
Cette invitation à prendre la tête des conservateurs du Haut-Canada marque l’apogée de la carrière politique de Cameron. En réalité, il ne pouvait pas accepter la succession de Draper. L’offre lui avait été faite parce qu’il répugnait à Draper d’abandonner le poste à Sherwood, sans offrir au moins une résistance symbolique. Draper avait peu de partisans et son choix se limitait à une poignée d’hommes notamment Cameron, John A. Macdonald et William Morris*. Aucun de ces derniers n’était identifié à Metcalfe comme l’était Draper, ce qui avait permis à celui-ci d’exercer un certain pouvoir sur les tories. Dès lors, ceux-ci, dirigés par Allan Napier MacNab* et Sherwood et formant le groupe le plus important des partisans du gouvernement, prirent le contrôle du parti.
Malgré tout, les perspectives politiques s’annonçaient peu favorables aux conservateurs. Le nouveau gouverneur général, lord Elgin [Bruce*], n’avait nullement l’intention de soutenir le gouvernement de Sherwood lorsque l’Assemblée fut dissoute à la fin de l’année 1847. Aux élections qui s’ensuivirent, les réformistes, dirigés par Robert Baldwin* et Louis-Hippolyte La Fontaine*, infligèrent une défaite écrasante au gouvernement. Cameron fut battu dans la circonscription de Kent par Malcolm Cameron et ne parvint à conserver son siège dans la circonscription de Cornwall, qu’avec une majorité de 16 voix et malgré « des preuves d’irrégularités flagrantes ». Lui et ses collègues démissionnèrent le 10 mai 1848.
Cameron était un des rares chefs conservateurs sortis indemnes des élections et, en 1850, George Duck le considérait comme « l’homme fort des tories ». Mais, le retour au pouvoir des conservateurs, virtuellement écrasés dans le Bas-Canada et réduits à quelques membres dans le Haut-Canada, nécessiterait une alliance avec les Canadiens français, ainsi qu’une politique conçue pour attirer l’opinion modérée du Haut-Canada. Cameron était incapable de jouer un rôle semblable. Il n’avait aucun lien important avec les Canadiens français ou avec leurs chefs, et la part qu’il avait prise au sein de l’Église d’Angleterre, comme ami intime de l’évêque John Strachan* et comme ferme défenseur des revendications de l’Église, au sujet des « réserves » du clergé, lui aliénait l’opinion modérée du Haut-Canada. Acquis comme il l’était aux positions de son Église qui réclamait des droits dans le domaine des écoles et pratiquement identifié à MacNab et au milieu conservateur de Toronto, Cameron, bien qu’il fût un homme avisé, dynamique et populaire dans de nombreux milieux, n’était pas sympathique à la plupart des modérés du Haut-Canada.
De plus, le désordre qui régna chez les réformistes après 1849 n’aida nullement les conservateurs. En 1851, au contraire, les nouveaux chefs réformistes, Francis Hincks* et Augustin-Norbert Morin*, remportèrent facilement la victoire aux élections. Cameron n’avait pas été candidat. Il avait été malade plusieurs fois au cours des années 1840 et il est possible qu’il ait voulu se reposer. Jusqu’en 1854, il s’occupa de politique municipale, domaine dans lequel ses activités étaient moins astreignantes. Toujours en 1854, il acheta le British Colonist, journal de Toronto, à Samuel Thompson* qu’il garda comme rédacteur en chef. Selon ce dernier, « le journal avait été jusque-là un bihebdomadaire et Cameron offrit de verser $5 000 par an pour en faire un quotidien indépendant de tout parti politique ». Thompson ajoutait : « Il est entendu que Cameron n’influencera aucunement les opinions exprimées dans les éditoriaux, les laissant entièrement à ma discrétion. » Cet arrangement dura jusqu’en 1857.
Cameron se présenta aux élections de 1854 dans la circonscription de Toronto. Lui et John George Bowes* furent élus, battant ainsi Henry Sherwood, William Henry Boulton et George Percival Ridout. Cameron était alors le doyen des députés de la plus grande et de la plus riche ville du Haut-Canada. Son retour à l’Assemblée coïncidait avec la formation du gouvernement libéral-conservateur de Morin, MacNab et Macdonald. Ce dernier, qui avait précédemment repoussé Cameron en disant qu’il manquait « d’ouverture d’esprit, et [...] qu’il était en même temps dépourvu de connaissance politique », parvint à l’évincer du gouvernement.
Pourtant, dans l’importante question des réserves du clergé que le ministère avait à régler, la position de Cameron, qui s’efforçait d’obtenir le plus possible pour l’Église d’Angleterre, différait peu de celle de Macdonald. Ce dernier acceptait que les Églises les plus favorisées puissent conserver la plus grande partie de leurs revenus. Par le règlement de 1854, aux termes duquel les pasteurs ayant des droits à un revenu acceptèrent une conversion de ces droits, l’Église d’Angleterre, en perdant ses réserves, acquit un important capital qui ne fit que s’accroître à mesure que les détenteurs de rentes moururent. On attribua à Cameron une grande partie du mérite de ce succès remporté par son Église. À cette occasion, il avait travaillé en étroite collaboration avec Strachan et, au cours des longues et délicates négociations avec les nombreux détenteurs de rentes, il avait représenté à la fois le gouvernement et l’Église. Toutefois, la vigueur avec laquelle il s’accrochait aux privilèges dont jouissait l’Église et le refus qu’il opposait au gouvernement de coalition dans son projet d’une chambre haute élective firent que dans beaucoup d’esprits on l’assimila « à la vieille garde tory ». La position qu’il adopta dans ces questions lui aliéna Macdonald qui, d’autre part, fut encore plus irrité en 1856, lorsque Cameron soutint George Brown dans le conflit qui opposa ce dernier à Macdonald, au sujet des conclusions du comité que Brown avait présidé en 1849, et qui avait pour objet d’enquêter sur les conditions existant au pénitencier de Portsmouth.
« L’affaire Corrigan » donna à Cameron la chance d’intensifier sa campagne contre le gouvernement de coalition. En février 1856, un jury acquitta les sept catholiques accusés du meurtre de Robert Corrigan*, à Lotbinière, et, à la suite de cette décision, de nombreux protestants du Haut-Canada manifestèrent leur indignation. Cameron prit la tête des protestataires et, le 7 mars, présenta au parlement une résolution demandant la publication de l’allocution au jury prononcée par le juge Jean-François-Joseph Duval, discours que beaucoup de protestants trouvaient irrégulier. La résolution fut adoptée, mais le gouvernement, après avoir obtenu un vote de confiance, refusa de démissionner ou de fournir le texte de l’allocution prononcée par le juge Duval. Néanmoins, le mal était fait : divisé à l’intérieur de ses rangs et battu en brèche par Cameron, par Brown, par les Grits et par les « rouges », le gouvernement de MacNab se désagrégeait. MacNab fut évincé du poste de premier ministre en mai 1856, et Macdonald devint le chef des conservateurs du Haut-Canada. John Charles Dent* avait sans doute raison quand il observa que « Cameron était extrêmement désireux de recevoir les insignes de la grandeur ». Mais remplacer MacNab par Cameron n’était pas une solution viable. Les facteurs qui avaient empêché Cameron de réussir entre 1847 et 1851 gardaient toute leur importance. L’usage qu’il avait fait de « l’affaire Corrigan » montrait à quel point il n’hésitait pas à faire appel aux passions religieuses et racistes pour s’attirer des partisans dans le Haut-Canada. En outre, il ne pouvait compter exercer une influence quelconque au Canada français. Dès lors, Cameron « entra pour de bon dans l’opposition », avec quelques partisans qu’il avait trouvés parmi les députés mécontents. Enfin les quelques ambitions qu’il avait pu conserver de jouer un grand rôle politique se trouvèrent réduites à néant à la suite de la panique financière de 1857.
Comme beaucoup de ses contemporains, Cameron s’était intéressé aux entreprises de transport. Il fut l’un des administrateurs du Toronto and Guelph Railway, absorbé en 1856 par le chemin de fer du Grand Tronc. Cameron fut aussi conseiller juridique du Great Western Railway et copropriétaire de la Niagara Falls Suspension Bridge Company. Il avait, en outre, investi énormément dans les assurances. En 1847, il contribua à la fondation de la Compagnie d’assurances du Canada sur la vie, dont il fut élu un des administrateurs. En 1859, il fut nommé président de la Provincial Insurance Company, poste qu’il conserva pendant de nombreuses années et, par la suite, il fut président du conseil d’administration canadien de l’Edinburgh Life Insurance Company, puis l’un des administrateurs de la Canadian Life Assurance Company et de la Beaver Mutual Fire Insurance Association.
Au début de sa carrière d’homme d’affaires, il avait acheté de grandes étendues de terrains dans la région de Toronto. Toutefois, c’est grâce aux fortes spéculations sur les valeurs anglaises, qu’il fit par l’intermédiaire de la maison de courtage Duncan Sherman and Company de New York, qu’il s’enrichit. L’économie était prospère vers 1855 et les bénéfices qu’il réalisa sur les valeurs furent énormes ; mais, à l’automne de 1857, les investissements tombèrent à néant, à la suite d’une panique dans le monde des affaires, qui provoqua une dépression économique internationale. Le Canada, qui avait connu une spéculation démesurée dans le domaine des terres et des chemins de fer au début des années 1850, fut durement éprouvé, d’autant plus que la crise économique coïncida alors avec de mauvaises récoltes. La firme Duncan Sherman and Company s’effondra, et, comme l’expliquait Samuel Thompson, « les effets tirés sur Londres ne furent pas honorés et les banquiers de M. Cameron, dans cette ville, pour se protéger, vendirent sans le prévenir les valeurs qu’il avait placées chez eux ».
Les pertes de Cameron atteignirent la somme énorme de £100 000. Il promit de les rembourser jusqu’au dernier penny, bien qu’il n’eût pas été sans se rendre compte de la futilité d’une telle décision. Les biens qui lui restaient furent liquidés ou hypothéqués, et une grande partie de ses terres furent vendues. Il utilisa ses propriétés de Toronto comme garantie additionnelle pour emprunter des sommes importantes à la Church Society ; ces transactions furent plus tard vivement critiquées car elles étaient, disait-on, trop favorables à Cameron. La Commercial Bank lui fit aussi des prêts considérables. Pendant le reste de sa vie, Cameron eut à porter le fardeau de ses lourdes dettes. Tous ses autres intérêts y furent sacrifiés et il dut se débattre, surtout dans l’exercice de sa profession d’avocat, pour recueillir d’énormes sommes d’argent. À sa mort, le passif de sa succession dépassait encore de $200 000 le montant de son avoir.
Après la crise financière de 1857, sa carrière politique connut immédiatement un déclin. Il ne pouvait plus commanditer le Colonist et la feuille devint alors l’organe du gouvernement de Macdonald et de George-Étienne Cartier. Cameron perdit de ce fait beaucoup de son indépendance politique et, quelques mois plus tard, Macdonald le favorisa en recourant à ses services comme avocat pour le compte du gouvernement.
Les relations de Cameron avec l’Église d’Angleterre avaient été l’une de ses assises politiques les plus solides. Il s’était engagé à défendre les intérêts de l’Église et, partant, à promouvoir l’instruction ; il servit ces deux causes de plusieurs façons. En compagnie de l’un de ses premiers associés, l’avocat James McGill Strachan, le fils de l’évêque, il représenta dans le Haut-Canada le service missionnaire et la Society for the Propagation of the Gospel. En sa qualité de membre influent de l’Église d’Angleterre, il fut nommé, en 1850, au sein du premier « sénat » de l’University of Toronto et, la même année, fit partie de l’University Visitation Commission, instaurée « dans le but de rédiger les statuts, les règlements et les ordonnances concernant la direction de l’University [of Toronto] ». La même année, il devint membre du conseil chargé d’administrer la dotation de l’université et d’Upper Canada College ; il faisait partie du conseil d’administration de cette dernière institution. Lorsque, à la suite de la création de l’University of Toronto, John Strachan fonda une université anglicane, ce fut Cameron qui présenta à l’Assemblée, en 1851, le projet de loi constituant juridiquement Trinity College. Il enseigna le droit à partir de 1852 dans cette institution et fit partie de son conseil pendant plusieurs années. En 1863, il fut élu pour prendre la succession de sir John Beverley Robinson* aux fonctions de deuxième chancelier du collège, poste qu’il conserva jusqu’à sa mort. Dans le domaine de l’éducation, Cameron prit son rôle au sérieux. Il créa des bourses et s’occupa de gestion financière. Il avait assez d’influence au sein de l’Église d’Angleterre pour vaincre la résistance de Strachan et l’amener à se faire nommer un successeur comme évêque de Toronto. À la réunion du synode diocésain en 1865, Cameron présenta une résolution qui rendit possible en 1866 l’élection d’Alexander Neil Bethune au poste de coadjuteur.
Mais, si ses relations avec l’Église lui donnèrent bien des satisfactions, elles furent aussi pour lui une source de déceptions. L’Église d’Angleterre se trouvait de plus en plus divisée entre partisans de la Low Church et partisans de la High Church. En 1857, à l’occasion de l’élection de l’évêque du nouveau diocèse de Huron, la rupture éclata au grand jour. Trinity College devint la principale cible des accusations des adhérents de la Low Church et particulièrement de l’évêque Benjamin Cronyn de Huron. C’est pourquoi en 1863 le Huron College fut fondé pour contrecarrer l’influence du Trinity College. Les relations étroites entre Cameron et Trinity College, de même que sa collaboration avec Strachan et Bethune, considérés tous deux comme des membres de la High Church, l’assimilèrent à ce même groupe et il perdit ainsi sa position d’homme d’Église bien vu de tous.
Son association à l’Église, en matière de gestion des placements, lui fit également beaucoup de tort. En 1861, selon le Globe de Toronto, Cameron se trouvait dans l’incapacité de dire ce qu’il avait fait de l’argent du fonds de conversion provenant des réserves du clergé, fonds que la Church Society lui avait donné à placer. L’article du Globe affirmait qu’il avait remis, au contraire, « un certain nombre de terres qui, bien que ne correspondant pas à la pleine valeur des fonds qu’on lui avait confiés, avaient apparemment été acceptées par la Church Society ». John William Gamble, président du comité d’administration du fonds de conversion, et C. J. Campbell, du comité exécutif, opposèrent immédiatement un « démenti formel » à ces accusations. Le Globe, influencé sans aucun doute par le fait que Gamble et Campbell étaient des piliers du parti conservateur, maintint ses dires.
En mai 1865, une accusation plus sérieuse fut portée contre lui par William Henry Boulton, un cousin de sa première femme. Boulton affirma que d’importantes sommes administrées par la Church Society avaient été utilisées par Cameron pour son avantage personnel, et que la Church Society, dont les principaux membres étaient des collègues et des amis politiques de Cameron, avait camouflé la situation au moyen d’une comptabilité inadéquate. Cameron fut disculpé par le comité de gestion de la société, mais sa réputation en souffrit. Le Globe souligna que la Church Society se refusait à une vérification des comptes en bonne et due forme, et le journal établit, avec de solides preuves à l’appui, que Cameron avait emprunté plus de $40 000 sur les fonds de l’Église, en donnant des garanties « insuffisantes ».
Après cette série de revers, tant dans les affaires que dans ses rapports avec l’Église, et Macdonald étant devenu le chef conservateur en titre, il fallait à Cameron un nouveau tremplin s’il voulait conserver tant soit peu d’autorité et d’indépendance politiques. Il trouva ce nouvel élan dans le mouvement orangiste. Pendant les années 40 et 50, cette association était devenue de plus en plus respectable et avait vu croître le nombre de ses adhérents. Sous la direction d’Ogle R. Gowan, le mouvement s’était allié à des conservateurs modérés du genre de Macdonald. En 1846, George Benjamin* devint grand maître de l’ordre. Il était en faveur d’une politique axée autour du Haut-Canada ; il se méfiait en effet des alliances entre les conservateurs et les catholiques de langue française et, par ailleurs, il était prêt à collaborer avec les réformistes. Un schisme se produisit en 1853 lorsque Gowan tenta de déloger Benjamin de ses fonctions de grand maître. Cameron, affilié à la loge 507 de Toronto depuis 1856, contribua largement, la même année, à la réunion des deux grandes loges sous la direction de George Lyttleton Allen. Cameron était un des partisans de Benjamin, mais bien qu’il fût prêt à s’opposer au gouvernement Cartier- Macdonald sur des questions régionales et ethniques, il n’était pas en faveur d’une alliance avec les réformistes. Il fut élu grand maître de l’ordre en 1859, et occupa ces fonctions jusqu’en 1870, date à laquelle Mackenzie Bowell* lui succéda.
Grâce au mouvement orangiste, le parti conservateur put s’implanter solidement dans les basses classes. On’ peut penser, comme certains le firent, que le rôle de Cameron en sa qualité de chef de ce groupe avait quelque chose d’anormal. Il ne faisait pourtant qu’imiter dans cette voie ce qu’avait fait auparavant en Grande-Bretagne le duc de Cumberland, un des grands maîtres des loges britanniques. Si Cameron utilisait le mouvement pour servir ses fins politiques personnelles, les orangistes en revanche y trouvaient leur avantage du fait qu’ils avaient un chef appartenant à l’élite sociale, un homme qui, en plus de son prestige personnel, possédait des talents d’organisateur de premier ordre. En 1859, dès qu’il fut grand maître, Cameron entreprit immédiatement une refonte du mouvement en établissant trois grandes loges dans les deux Canadas : une pour l’est, une pour l’ouest et une pour la partie centrale. Son plan prévoyait aussi une grande loge pour chacune des colonies maritimes. De plus, les régions de l’Ouest, celles de la Saskatchewan, de la Colombie-Britannique et de l’Île-de-Vancouver, furent autorisées à former chacune une grande loge séparée, dès qu’elles auraient mis sur pied dix loges primaires. Dès 1863, le travail d’organisation était en cours à Terre-Neuve et en Colombie-Britannique. Cameron prit part également aux activités orangistes à l’étranger.
En 1860, le mouvement orangiste fut entraîné dans une crise occasionnée par la visite du prince de Galles au Canada. Du fait que l’ordre était interdit en Grande-Bretagne, le duc de Newcastle conseilla au prince de n’accorder aucune reconnaissance officielle au mouvement au Canada. Furieux, les orangistes considérèrent cette façon d’agir comme un affront à leur réputation de loyaux sujets. À Kingston et ailleurs, au cours d’une série d’incidents relevant de l’opéra bouffe, les orangistes s’efforcèrent de faire passer le prince sous un arc de triomphe portant leur emblème ou de faire reconnaître leur mouvement par d’autres procédés du genre. Newcastle parvint généralement à éviter les rencontres officielles entre le prince et les orangistes, qui s’en prirent alors au gouvernement canadien, et à Macdonald plus particulièrement. Cameron parvint à apaiser le ressentiment des orangistes envers Macdonald, en recueillant des signatures en vue d’une pétition destinée à protester contre l’intervention de Newcastle, et pour affirmer la loyauté du mouvement orangiste. Il présenta cette pétition à Londres en 1861. On peut difficilement expliquer les motifs qui le portèrent à agir ainsi. Peut-être, comme le pensait Richard Cartwright*, voulait-il éviter « que le mouvement orangiste ne se détachât complètement de sir John Macdonald », mais un historien de notre époque, D. G. Creighton, voit dans cette pétition en masse une menace pour le gouvernement conservateur, et c’est ce qui lui fait dire : « Porté au pinacle une fois de plus, ayant retrouvé quelque chose qui lui rappelait son importance de jadis, Cameron était pratiquement à la tête d’une faction antiministérielle de conservateurs orangistes. » Il est certain que Cameron voulait acquérir une plus grande influence qui, ajoutant à son prestige, lui donnerait plus de facilité pour distribuer les faveurs politiques, ainsi que la possibilité d’intervenir dans les décisions gouvernementales. Partisan fidèle des opinions de Benjamin, il était, de plus, fortement en faveur de la représentation basée sur la population et, en prônant une politique axée autour du Haut-Canada, il ne faisait que renforcer sa position dans cette partie du pays. Mais ses difficultés financières personnelles l’empêchèrent d’accepter des fonctions publiques ; en fait, Cameron désirait surtout avoir de l’influence, et non un poste de dirigeant. Le prestige que lui conférait son poste de grand maître pouvait peut-être lui apporter cette influence comme allié de Macdonald au sein du parti conservateur. Encore fallait-il que Macdonald veuille bien reconnaître le fait que Cameron ne constituait pas, à son avis, une menace pour son leadership.
En 1858, l’arrivée au pouvoir des réformistes provoqua une élection partielle dans Toronto ; Cameron se présenta contre George Brown, mais fut battu, car il ne s’était probablement pas préparé sérieusement à cette lutte. Sa situation financière s’étant améliorée, il se présenta aux élections générales de 1861 dans la circonscription de Peel, une place forte orangiste. Il fut élu et conserva son siège jusqu’en 1867. De retour à l’Assemblée, après une absence de quatre ans, puisqu’il ne s’était pas présenté aux élections de 1857, il y retrouva un ministère en pleine confusion. En 1861 et 1862, le cabinet fut remanié plusieurs fois et Macdonald se maintenait difficilement au pouvoir. Dans le Haut-Canada, la représentation basée sur la population était devenue si populaire que de nombreux conservateurs en épousaient l’idée, malgré l’entêtement avec lequel Macdonald refusait d’y adhérer, craignant de mettre en danger son alliance avec les Canadiens français. Il fallait donc faire entrer dans le cabinet des conservateurs partisans de la représentation basée sur la population, mais Macdonald ne voulait pas de Cameron. Il n’existe aucune preuve concluante que Cameron désirait entrer dans le cabinet en 1861. L’année suivante, il affirma avoir été pressenti à cet effet mais, là encore, il n’en existe aucune preuve. En 1862, Cameron collabora avec Macdonald dans la délicate tâche de réorganiser le cabinet et servit d’intermédiaire entre Macdonald et Thomas Clark Street, un tory de Welland, partisan de la représentation basée sur la population.
La même année, après la chute de gouvernement Cartier-Macdonald, Macdonald surmonta la méfiance qu’il avait toujours éprouvée envers Cameron en qui il voyait un rival éventuel à la tête du parti. Cameron en retour accepta de jouer un rôle de second plan dans les affaires publiques canadiennes. Le rapprochement entre les deux hommes fut consacré au cours d’un banquet en février 1863. À cette occasion, Cameron affirma sa loyauté envers Macdonald et assura les conservateurs que ses différends avec Macdonald avaient été réglés. Dès lors des différences d’opinions ne pouvaient plus être nuisibles et ne pouvaient que se révéler fécondes. En 1863, par exemple, lorsque Cameron vota contre la présentation en troisième lecture par Richard Scott* du projet de loi sur l’éducation, il contribua à apaiser les militants conservateurs protestants qui voyaient dans ce projet une manifestation de la « domination française ». Leur réconciliation était si totale que Macdonald essaya de faire entrer Cameron, en 1864, dans le gouvernement de Macdonald et de sir Étienne-Paschal Taché*, qui fut d’ailleurs de courte durée. Ne pouvant obtenir le poste de procureur général, Cameron déclara « qu’il n’occuperait jamais dans aucun ministère un poste qui l’éloignerait trop de sa profession ». Néanmoins, Cameron n’était pas sans savoir que Macdonald, en sa qualité de chef du gouvernement, serait, par le fait même, procureur général pour le Canada-Ouest. Cameron, qui exerçait le droit à plein temps, ne pouvait se permettre de l’exercer à temps partiel, mais il était décidé à appuyer le ministère. « Je dois me montrer à la chambre, disait-il, autrement mes amis croiraient que les choses vont mal et que je ne’ donne pas au gouvernement tout l’appui auquel il a droit. »
En 1865, Cameron se montra favorable à la Confédération tout en formulant certaines restrictions. C’était un fervent partisan de l’expansion transcontinentale et de l’adoption à bref délai de la représentation basée sur la population. Il avait également le sentiment que, si l’on ne réalisait pas le projet de confédération, le Canada finirait par s’annexer aux États-Unis. Il aurait préféré une union législative, mais il avait bon espoir que cela viendrait avec la Confédération. Sa principale objection était que le public n’était pas entraîné dans le mouvement en faveur de cette idée. Lui-même désirait « soumettre la question au peuple », mais il se résigna lorsque la proposition qu’il présenta dans ce sens fut repoussée. Quand on en vint à discuter la nouvelle constitution de l’Ontario, Cameron présenta une motion en faveur de la création d’une législature à deux chambres, mais elle fut également repoussée.
En 1866, lors des troubles provoqués par les Féniens, on vit combien Cameron pouvait être utile au gouvernement. À cette occasion, lord Monck* lui demanda d’aider à adoucir le climat d’hostilité qui régnait entre les orangistes et les catholiques, car, disait-il, « on constate qu’il commence à régner un certain antagonisme entre les protestants et les catholiques [...] au sujet des récentes incursions des Féniens ». Par la suite, en 1866 et en 1867, il participa avec Robert Alexander Harrison aux poursuites judiciaires engagées contre plusieurs envahisseurs féniens. En 1868, il fit preuve de beaucoup d’impartialité en assurant la défense de Patrick James Whelan*, l’assassin de Thomas D’Arcy McGee*.
En 1867, Cameron se présenta aux premières élections fédérales dans la circonscription de Peel. Il fut absent pendant presque toute la durée de la campagne, se trouvant à Londres, où il assistait à l’assemblée de fondation de l’Imperial Grand Orange Council. Dans cette campagne électorale, dont l’issue était très douteuse, il eut besoin de l’aide de Macdonald, qui retarda aussi longtemps qu’il put l’élection dans la circonscription de Peel. Ceci était possible à l’époque, car la loi n’obligeait pas à la tenue du scrutin le même jour dans tous les comtés. Cameron remporta finalement la victoire, mais à une très faible majorité.
Après 1867, l’importance politique de Cameron diminua rapidement. En 1856, Macdonald avait offert à Cameron de le nommer juge et, lorsque quelqu’un fit une proposition dans le même sens en 1867, Macdonald la repoussa. La même année, Cameron voulut obtenir la présidence de la chambre des Communes, et fit valoir ses droits « avec fermeté », mais ce fut James Cockburn* qui obtint le poste. Plus il perdait son indépendance politique, plus il se montrait loyal envers le ministère. Il lui arriva d’aider le premier ministre à rédiger des lois et il représenta souvent les conservateurs dans les causes d’élections contestées. Le chef libéral, Edward Blake*, voyait en Cameron une créature du gouvernement et disait de lui, en 1873, que c’était « un personnage qui n’avait jamais hésité à se porter à la défense de causes douteuses et désespérées ».
Cameron fut mêlé au scandale du chemin de fer canadien du Pacifique, ce qui mit tragiquement en lumière son déclin politique. En 1873, il fut nommé président du comité parlementaire chargé d’une enquête à la suite des accusations portées par Lucius Seth Huntington*. Ce dernier affirmait qu’il existait un lien évident entre l’obtention par Hugh Allan* d’une charte pour la construction du chemin de fer transcontinental et les énormes contributions d’Allan au parti conservateur pour la campagne électorale de 1872. Cameron aida le ministère dans ses manœuvres dilatoires en proposant, le 5 mai 1873, l’ajournement des travaux du comité jusqu’au 2 juillet, date à laquelle le parlement siégerait de nouveau. Il donna à ce retard une raison assez spécieuse : l’impossibilité de continuer l’enquête en l’absence de Cartier et de John Joseph Caldwell Abbott*. Cameron finit par éveiller les soupçons des libéraux ; Alexander Mackenzie* était persuadé que Cameron avait lui-même obtenu d’Allan « un prêt de $5 000 sine die », et Mackenzie d’ajouter : « C’est là le personnage qui préside le comité d’enquête. » Macdonald affirma alors qu’il n’avait pas approuvé la nomination de Cameron au comité parlementaire et qu’il n’avait même pas proposé son nom.
Il est exact que Cameron avait obtenu $5 000 d’Allan, par l’intermédiaire de Macdonald, pour financer sa campagne électorale dans les circonscriptions de Peel et de Cardwell en 1872. Il fut battu dans Peel en 1872, mais fut élu dans Cardwell, un fief orangiste et conservateur de tout repos, dans lequel il avait demandé l’aide de Macdonald lors de la présentation des candidatures. Malgré la vague libérale, il conserva son siège de Cardwell en 1874 ; il était encore député lorsqu’il mourut à Toronto, victime d’une crise cardiaque, à sa demeure « The Meadows », le 14 novembre 1876.
Grâce à son éducation, à ses talents d’avocat et aux liens étroits qu’il entretenait avec l’élite de la province, John Hillyard Cameron avait un avenir extrêmement prometteur au début de sa carrière. Son assise politique initiale établie sur le conservatisme torontois, l’Église d’Angleterre et le monde des affaires ne suffit pourtant pas à lui donner un rôle de premier plan au sein du parti conservateur, dominé, après 1856, par John A. Macdonald ; de plus, la situation de Cameron se trouva gravement compromise en 1857 quand il perdit son énorme fortune. Le rôle qu’il joua par la suite dans le mouvement orangiste et l’intérêt qu’il montra pour des revendications régionales comme la représentation basée sur la population ne lui permirent pas de remonter la côte après les énormes pertes qu’il avait subies. C’est pourquoi son rôle politique ne fut jamais très important et a été sans doute surestimé, autant par ses contemporains que par les historiens. D’abord et avant tout un homme politique, il demeura au parlement jusqu’à la fin de sa vie, en dépit de ses déboires et de ses humiliations.
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Donald Swainson, « CAMERON, JOHN HILLYARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cameron_john_hillyard_10F.html.
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Auteur de l'article: | Donald Swainson |
Titre de l'article: | CAMERON, JOHN HILLYARD |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1972 |
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