WILLSON (Wilson), DAVID, chef spirituel, auteur, né le 7 juin 1778 dans le comté de Dutchess, New York, fils « de parents presbytériens pauvres et pieux », John et Catherine Willson ; il épousa Phébé (Phoebe) Titus et ils eurent trois fils et deux filles ; décédé le 16 janvier 1866 à Sharon, East Gwillimbury, Haut-Canada.

John Willson quitta l’Irlande pour venir en Amérique en 1770. Il s’établit, près de Poughkeepsie sur le fleuve Hudson, dans un pays où on pouvait louer une terre mais non l’acheter. Son fils eut pour première occupation « les durs travaux de la culture du sol [...] jusqu’au moment où [...] resté orphelin [...] à l’âge de 14 ans [... il fut], selon son propre témoignage, attiré par la mécanique en reliant les pièces de bois les unes aux autres ». Il fut aussi matelot sur le navire The Farmer, qui appartenait à des parents et dont l’équipage devait se défendre contre les pirates au cours des voyages entre New York et les Antilles. Willson épousa peu avant 1800 une jeune quakeresse originaire de son pays natal. Celle-ci le pressa d’abandonner ces expéditions périlleuses, et, en 1801, ils partirent pour le Haut-Canada où d’autres quakers s’étaient établis et où il était facile d’obtenir des terres. Au cours du voyage, le bateau sur lequel Willson voyageait avec sa famille fit naufrage dans les eaux du lac Ontario. Willson jeta la roue d’un métier à tisser à l’eau, y attacha ses deux fils, « et les parents les poussèrent jusqu’au rivage [...] ayant perdu tous leurs biens dans le naufrage et dans le but de garder le peu d’argent qui leur restait, ils firent à pied le trajet entre York et Sharon [appelé alors Hope], en portant les enfants [...] sur leur dos. »

Dès 1805, Willson était propriétaire d’une terre, mais il n’était pas satisfait : « J’ai été éloigné, écrit-il, de tout ce qui est d’ordre charnel, religieux ou profane, par la force d’un Esprit [...] recherchant souvent des endroits isolés où me retirer et rendre un culte à l’Esprit qui avait reçu la garde de mon âme, en lequel j’avais une foi entière et auquel j’obéissais [...] J’ai été admis [6 février 1805] dans la société de personnes appelées quakers, après plusieurs années de tribulations et des hauts et des bas dans mon état d’esprit. » Après avoir été un membre éminent et respecté, mais silencieux, du Yonge Street Meeting, Willson dut céder à son « Esprit » qui « exigea qu’il témoigne publiquement de l’existence d’un Dieu ». « J’avais cru, note-t-il, qu’ils étaient comme je savais être – sentant les forces de l’Esprit agissant sur l’âme. » Peu avant d’être officiellement chassé du Yonge Street Meeting, le 15 octobre 1812, Willson a dû se rendre compte que la plupart des quakers, gens pieux, ordinaires, réservés, austères, peu aventureux dans le domaine spirituel, méfiants à l’égard de la musique et de l’art comme moyen de culte, n’étaient pas comme lui. « Les anciens et les ministres de l’Église, ajoute-t-il, me voyaient comme un sauvage sorti du désert [...] j’ai pleuré amèrement [...] on m’ordonna de m’asseoir et de garder le silence. » « Il se retira alors paisiblement chez lui ; quelques-uns le suivirent, désireux d’obtenir plus de renseignements. Ils écoutèrent patiemment, soupesèrent ses propos et se trouvèrent entièrement en accord et en sympathie avec lui. » « En conséquence, conclut Willson, nous sommes devenus un peuple séparé [... et], comme notre discipline, plus que toute autre à notre connaissance, conduisait à la paix entre tous les peuples, nous nous appelions les Enfants de la paix, parce que nous étions jeunes à cet égard. »

Dans l’esprit de Willson, comme en témoignent ses multiples publications et manuscrits, ses centaines d’hymnes et même le symbolisme des immeubles dont il a dressé les plans, « Dieu est paix » et réside au « centre » de l’âme, esprit divino-humain. « L’âme, selon lui, a autant de composantes qu’il en existe dans la création, et nous désirons trouver le centre. » La lumière, ou sagesse, est le guide qui indique la voie vers ce centre de paix, dans lequel l’innocence et l’expérience, la joie et la misère, le ciel et l’enfer sont unis. Willson attachait une très grande importance à la lumière, aussi bien intérieure qu’extérieure, comme le confirme une visite au temple dont il avait dressé les plans dès 1822. Construit par les Enfants de la paix sous la direction de l’entrepreneur de bâtiments, Ebenezer Doan, et inauguré le 29 octobre 1831, le temple compte « 2 952 carreaux de fenêtre et est illuminé une fois par an par 116 bougies », la veille de la fête de la Récolte en septembre, une des trois fêtes instituées par Willson pour célébrer l’unité entre voisins. Comme la célébration mensuelle de sacrifices de charité, lors de laquelle la congrégation venait d’elle-même au temple avec ses aumônes, ces fêtes comportaient des processions de chanteuses vêtues de blanc marchant sous les bannières au son d’une fanfare et des orgues construites par Richard Coates. On chantait des poèmes et il y avait des sujets de méditation proposés par Willson, le tout pour prouver, comme il en était convaincu, qu’il « est bien de se réjouir dans les choses de Dieu ». Sous la conduite officieuse de Willson, les quelques centaines de disciples qui s’étaient rassemblés autour de lui à Sharon le suivirent vers le « centre », si bien que, sans le cadre d’une doctrine détaillée et rigide, ils furent capables dans leurs actions de tous les jours d’honorer Dieu en utilisant pleinement diverses ressources telles que la musique, la cuisine, la coopération économique (« un fonds pour le bien commun ») et l’entretien d’une école d’enseignement ménager pour jeunes filles. Un des plus beaux exemples de leur architecture est le cabinet qu’ils construisirent pour Willson, « entièrement en verre », où, installé à son bureau, il continuait à démontrer la vérité de sa conviction selon laquelle « le paradis terrestre ne consiste pas en une certaine étendue de terrain, mais [...] est reconnu par une certaine disposition de l’esprit [...] ; il n’y avait pas de pauvres à Sharon ».

La musique, entre autres, avait été à l’origine des querelles qui s’étaient élevées entre Willson et les quakers : les implications politiques de son expérience avec les Enfants de la paix faillirent causer la destruction du temple en 1837. Les autorités (le « Family Compact ») connaissaient bien Sharon depuis que Willson annonçait publiquement les processions qu’il organisait, avec chœur et fanfare, à York (Toronto), où il déclara un jour dans un sermon qu’il « ne devrait y avoir ni maître ni serviteur, que tous les hommes devraient être égaux ». Méprisé, menacé de prison et d’exil dans les débuts de son mouvement, Willson eut à subir par la suite des propos moqueurs tels que « village de Priape », « orgies », « superstition et idolâtrie », « Enfants de la colère ». Toutefois, lorsqu’en 1837 il refusa d’approuver la politique de violence de William Lyon Mackenzie, certains de ses propres disciples le qualifièrent de tory ; quelques-uns des Enfants, dont deux de ses fils, joignirent les rangs des rebelles de Mackenzie, puis furent arrêtés et emprisonnés pour plusieurs mois ; « ce ne fut pas facile d’empêcher la milice de détruire leur temple ». Cependant, en 1842, ces difficultés rencontrées sur le chemin de la « Paix » avaient été aplanies. De nouveau on accepta Willson comme guide et, jusqu’à sa mort, le mouvement prospéra comme jamais auparavant.

On sent à la lecture des derniers écrits de Willson qu’il tentait de trouver une voie à travers un autre passage difficile : comment, dans un organisme aussi peu structuré, pouvait-on s’assurer que l’écoute de la voix de « Son Esprit » continuerait à servir de guide après la disparition de la première personne à avoir entendu la voix ? Son fils aîné « lut les sermons de son père », mais nul autre auteur ne se manifesta. Les querelles juridiques qui éclatèrent entre les héritiers de Willson et les représentants de ses disciples au sujet des immeubles furent des moments pénibles. La dernière illumination du temple, au xixe siècle, eut lieu en septembre 1888. Le 2 septembre 1890, un petit-fils de Willson vendit le temple à un étranger. Toutefois, il fut réouvert en 1918 comme musée et il existe toujours. Bien entretenu, très populaire et fréquenté par de nombreux visiteurs, il apparaît comme le symbole du pouvoir d’imagination de Willson, pouvoir qu’on lui reconnaît finalement et qui était d’amener les gens ensemble vers la « Paix » et à un « autel à toutes les nations, avec 48 fenêtres claires », situé, comme il l’a écrit en 1822, sur le mont « Ararat ».

James Reany

PAO, Davidite record books, 1831–1871 ; Misc. 1 803, Families of Friends (Quakers) who settled on Yonge St., 1803.— UWO, Archives of the Religions Soc. of Friends (Quakers) in Can., H 7 2 (Pelham Monthly Meeting of Friends, 1799–1806), f.135 ; 0 11 6 (Yonge Street Monthly Meeting, 1806–1818), f.150.— York Pioneer and Hist. Soc. Archives (Sharon, Ont.), L 24 (carnet contenant divers textes et poèmes de David Willson, 1815) ; L 1230 (38 copies de poèmes de la main de Willson à la mémoire des morts publiés en format in-plano) ; Account book containing miscellaneous prose and poetry by David Willson, including a « Memorial of David Willson – 27 déc. 1838 » ; Collection of 42 loose sheets of handwritten sermons and poetry by David Willson.

Les York Pioneer and Hist. Soc. Archives conservent un exemplaire de David Willson, The Lord’s celebration (in-plano, 1822). David Willson a aussi écrit Hymns and prayers for the Children of Sharon : to be sung in worship on sabbath days (Newmarket, Ont., 1846) ; The impressions of the mind : to which are added some remarks on church and state discipline, and the acting principles of life (Toronto, 1835) ; The practical life of the author, from the year 1801 to 1860 (Newmarket, Ont., 1860) ; The rights of Christ, according to the principles and doctrines of the Children of Peace (Philadelphia, 1815), brochure qui contient aussi Address to the crown of England et The pattern of Peace, or Babylon overthrown.

D’autres écrits de David Willson se trouvent à la MTCL et aux York Pioneer and Hist. Soc. Archives ; ce dernier dépôt conserve aussi d’autres manuscrits écrits par Willson ou le concernant. De plus, mentionnons une lettre de Carolyn Mann à l’auteur, 1er févr. 1973, qui fut très utile.— A. G. Dorland, A history of the Society of Friends (Quakers) in Canada (Toronto, 1927) ; réimpr. sous le titre de The Quakers in Canada ; a history ([Toronto, 1968]).— Helmut Kallmann, A history of music in Canada, 1534–1914 (Toronto et Londres, 1960).— C. E. McFaddin, A study of the buildings of the Children of Peace, Sharon, Ontario (2 vol., thèse de m.a., University of Toronto, 1953).— E. W. Trewhella, The story of Sharon, Newmarket Era (Newmarket, Ont.), 14 juin 1951–27 mars 1952.

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James Reany, « WILLSON (Wilson), DAVID », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/willson_david_9F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
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