VALOIS, SALOMÉE, dite Marie du Sacré-Cœur, sœur de Sainte-Anne, enseignante et hospitalière, née le 13 avril 1830 à Vaudreuil, Bas-Canada, fille de Joseph-Eustache Valois et d’Angélique Lefaivre ; décédée le 12 novembre 1906 à Victoria.

Salomée Valois était l’aînée des six enfants d’une famille de cultivateurs de Vaudreuil, près de Montréal. Ses parents l’envoyèrent à l’école de la paroisse, l’académie Blondin. En 1848, la directrice, Esther Sureau*, dit Blondin, parrainée par l’évêque de Montréal Mgr Ignace Bourget*, fonda l’ordre qui serait connu sous le nom de Sœurs de Sainte-Anne, et l’école de Vaudreuil devint son couvent. Trois ans plus tard, Salomée entra au noviciat. Elle prononça les vœux de pauvreté, chasteté et obéissance, et se voua à l’enseignement en 1853 sous le nom de sœur Marie du Sacré-Cœur. Cette année-là, la maison mère fut transférée à Saint-Jacques-de-l’Achigan (Saint-Jacques), et elle dut faire la navette entre ses classes de Vaudreuil et la maison mère, où elle remplissait diverses fonctions.

En 1857, les Sœurs de Sainte-Anne répondirent à une demande d’enseignantes et d’hospitalières pour le diocèse de l’île de Vancouver, dont Mgr Modeste Demers* était l’évêque. On nomma sœur Marie du Sacré-Cœur pour remplacer la première directrice des religieuses missionnaires, qui était tombée malade. Contrairement à deux de ses quatre compagnes, elle n’avait pas étudié dans les hôpitaux de la région pour se préparer, mais elle était l’une des sœurs qui avait la plus grande expérience de l’enseignement.

Lorsque les religieuses arrivèrent à Victoria, le 5 juin 1858, elles eurent la surprise de découvrir, tout comme l’évêque qui les avait accompagnées durant leur voyage, que la ruée vers l’or du continent avait transformé un fort de traite des fourrures en petite ville bourdonnante d’activité. Dans l’unique pièce de la cabane de bois rond qui servait de couvent, la directrice organisa des classes pour les enfants indiens et sang-mêlé et pour ceux des colons blancs, des soins infirmiers à domicile, ainsi que l’entretien de la résidence de l’évêque et celui de la cathédrale. Dans ses lettres à sa supérieure, elle souligna le besoin de religieuses parlant l’anglais et formées en musique pour enseigner dans un couvent « sélect ». Les droits perçus pour les élèves « sélects », particulièrement les pensionnaires, serviraient à financer les « élèves non payants », le soin des orphelins laissés par les pionniers et l’expansion du travail des religieuses auprès de la population autochtone. Même si la mère supérieure avait demandé, en 1859, au gouverneur James Douglas* de retirer ses trois filles du couvent parce qu’il avait jugé qu’elles devaient l’accompagner à un bal de la marine, les familles fortunées continuèrent de confier leurs filles aux religieuses.

En novembre 1859, sœur Marie du Sacré-Cœur remit la direction des Sisters of St Ann (comme la congrégation fut appelée dans l’Ouest) à sœur Marie de la Providence, nouvellement arrivée. Puis elle se rendit à Quamichan (Duncan) en compagnie de sœur Marie de la Conception pour fonder une école de mission en 1864. C’était une tâche difficile : peu d’Indiens y vinrent ou y restèrent et il y avait peu de colons pour fournir des élèves payants. Des orphelins furent laissés à la charge des religieuses avant que la ferme qu’elles exploitaient ne produise de la nourriture en quantité suffisante. En 1869, sœur Marie du Sacré-Cœur travaillait au couvent de Victoria. Elle aidait à l’administration, supervisait le travail manuel et s’occupait des pensionnaires. Ces jeunes filles avaient beaucoup d’affection pour la religieuse, qu’elles appelaient « ma tante du Sacré-Cœur », malgré sa difficulté persistante à parler l’anglais.

Lorsque le St Joseph’s Hospital fut ouvert par les Sisters of St Ann en 1876, sœur Marie du Sacré-Cœur fut chargée de responsabilités qu’elle allait assumer longtemps, soit la buanderie et la salle des hommes âgés. Ses patients chinois et japonais ainsi que les démunis n’étaient pas acceptés par les autres hôpitaux de la ville. Elle ne revint chez elle qu’une seule fois, en 1894–1895, mais elle écrivit pour encourager ses neveux et nièces à poursuivre des vocations religieuses et signait toujours ses lettres, « sœur missionnaire ».

Sœur Marie du Sacré-Cœur mourut en 1906. Son travail auprès des orphelins d’origine autochtone, des Indiens de Quamichan, des patients du St Joseph’s Hospital et de sa buanderie a été jusqu’à maintenant peu reconnu. Pourtant, ce sont ces humbles efforts qui ont contribué à la réputation de la communauté des Sisters of St Ann de la Colombie-Britannique, que leur historienne a immortalisée dans A century of service. Sœur Marie du Sacré-Cœur a laissé le souvenir d’une Canadienne française dont l’entreprise missionnaire dans l’Ouest attira des femmes vers les Sisters of St Ann et façonna l’âme de la congrégation.

Jacqueline Gresko

ANQ-M, CE1-50, 13 avril 1830.— Sisters of St Ann Arch. (Victoria), RG I, S 17, box 8 ; S 24-2-2 (sœur Marie du Sacré-Cœur, lettres à la révérende mère supérieure, 17 juill., 10 déc. 1858, 17 mars, 5 août, 9 nov. 1859) (copies).— Daily Colonist (Victoria), 1861–1875.— Sœur Marie-Angèle [Gauthier], « Lettre de la sœur Marie-Angèle, sœur de Ste. Anne, à Vancouver », l’Ordre (Montréal), 1er, 5, 19, 22 avril 1859 [on en trouve une traduction dactylographiée intitulée « Journal of Sister Mary Angèle, Vancouver, 1858 », aux Sisters of St Ann Arch., RG I, S 24-1-5 ; le même dossier contient un autre article intitulé « Sisters of Saint Ann on the north Pacific shores, 1858–1940, valuable notes [...], » sœur Mary Theodore, compil., dont une courte notice consacrée à sœur Marie du Sacré-Cœur à la p. 5].— Jean Barman, « Transfer, imposition or consensus ? The emergence of educational structures in nineteenth-century British Columbia », Schools in the west : essays in Canadian educational history, N. M. Sheehan et al., édit. (Calgary, 1986), 241–264.— Marie Besner, dite sœur Marie-Rollande, Sœur Marie du Sacré-Cœur, s.s.a., 1830–1906 (Lachine, Québec, 1949).— Marta Danylewycz, Profession : religieuse ; un choix pour les Québécoises (1840–1920), P.-A. Linteau et al., édit., Gérard Boulard, trad. (Montréal, 1988).— Sœur Mary Margaret [Edith] Down, A century of service, 1858–1958 : a history of the Sisters of Saint Ann and their contribution to education in British Columbia, the Yukon and Alaska (Victoria, 1966).— Micheline Dumont et Nadia Fahmy-Eid et al., les Couventines : l’éducation des filles au Québec dans les congrégations religieuses enseignantes, 1840–1960 (Montréal, 1986).— Sœur Marie-Jean de Pathmos [Laura Jean], les Sœurs de Sainte-Anne ; un siècle d’histoire (Lachine, 1950) [un exemplaire de la traduction faite par sœur Marie Anne Eva, A history of the Sisters of St. Anne (New York, 1961) est conservé aux Sisters of St Ann Arch.].— Wayne Suttles, Coast Salish essays (Vancouver, 1967).

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Jacqueline Gresko, « VALOIS, SALOMÉE, dite Marie du Sacré-Cœur », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/valois_salomee_13F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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