TURNER, WILLIAM, missionnaire morave, né le 3 juin 1743 à Halifax, Angleterre ; décédé en 1804 à Fulneck (près de Pudsey, Angleterre).
William Turner, cardeur de laine, était issu d’une famille anglicane, mais il se joignit en juin 1762 aux frères moraves ; l’année suivante, il était admis comme membre de leur congrégation, à Fulneck. Il y rencontra sans aucun doute, à la fin des années 1760, Jens Haven* et Christian Larsen Drachart*, qui tentaient de fonder une mission morave chez les Inuit du Labrador. En 1771, Turner fut l’un des trois célibataires anglais, au sein d’un groupe de 14 personnes, pour la plupart des Allemands ou des Danois, qu’on envoyait établir cette mission. Cadet du groupe, il s’imposa lentement, devant apprendre à la fois l’allemand et l’inupik. Il était apparemment devenu compétent dans cette dernière langue à la fin de 1775, et, trois ans plus tard, il fut autorisé à l’utiliser pour prononcer son premier sermon.
Le but de la mission, qui avait son centre à Nain, sur la côte du Labrador, résidait dans la création de communautés sédentaires d’Inuit chrétiens sur cette même côte. Un des obstacles à la réalisation de cet objectif était la dépendance des indigènes par rapport au caribou, dont ils utilisaient la viande, les peaux et les tendons, ce qui les obligeait à faire de longues expéditions à l’intérieur des terres pendant l’été, et parfois même en hiver. Les autorités de la mission se préoccupaient de ce que les périodes de chasse, qui soustrayaient les Inuit à l’influence directe des moraves, fussent aussi courtes que possible, et désiraient que toute la viande et toutes les peaux fussent apportées sur la côte. Les supérieurs de la mission étudièrent aussi la possibilité d’envoyer régulièrement un missionnaire chargé d’accompagner les chasseurs, non seulement pour les inciter à se hâter, mais aussi pour s’assurer que les convertis ne retourneraient pas à leurs anciennes coutumes. En 1780, on envoya Turner faire deux voyages à l’intérieur des terres, à partir de Nain, en vue d’obtenir des renseignements sur lesquels on établirait ensuite la ligne de conduite à suivre dans la mission.
Seul avec des Inuit locaux, Turner voyagea pendant la plus grande partie du mois de février, puis du 8 août au 25 septembre ; en ces deux occasions, il souffrit psychologiquement et physiquement, et ne tira aucun plaisir de ses aventures. Il était le seul morave du Labrador à avoir jamais accompagné des Inuit à une expédition de chasse, et peut-être aussi le premier Blanc à l’avoir fait au Canada. Son journal fournit une description unique, aux détails précieux, d’une chasse au caribou, de même que du mode de vie des Inuit sur le plateau du Labrador avant l’introduction des armes à feu. Plus immédiatement, son expérience persuada sans doute les autorités de la mission de l’impossibilité de régir la chasse au caribou, puisque les Inuit parcouraient de longues distances sur un terrain difficile, se séparaient en petites bandes constamment en déplacement et subissaient de grandes épreuves.
En 1782, Turner quitta Nain pour se joindre au personnel d’un nouveau poste, appelé Hoffenthal en allemand, ou Hopedale en anglais, et construit cette année-là sous la direction de Haven. Dès lors reconnu comme un missionnaire compétent et expérimenté, il fut ordonné diacre le 12 mai 1784 et obtint l’autorisation de se marier. Célébré le 25 août, le mariage de Turner avec Sybilla Maria Willin, laquelle venait probablement de l’établissement morave de Barby, en Saxe (République démocratique allemande), eut lieu peu après son ordination, comme c’était fréquemment le cas. Les épouses des missionnaires étaient souvent fournies par les établissements européens, et il est probable que le couple ne s’était jamais rencontré avant l’arrivée de Maria à Hopedale, quatre jours plus tôt.
En 1789, Turner fit un court voyage en Angleterre ; il retourna à Hopedale en juillet 1790. Il était dès lors devenu l’un des doyens parmi les missionnaires du poste. Le début de la décennie de 1790 fut une période difficile pour la mission en général et pour Hopedale en particulier, car les Inuit, baptisés ou non, étaient fortement attirés vers le sud par les trafiquants de la baie des Esquimaux (inlet Hamilton) et de la baie de Sandwich, entre autres lieux ; cette attirance vers le sud compromettait l’objectif poursuivi par les missionnaires de convertir et de sédentariser les indigènes – tâche rendue difficile, d’autre part, par les chefs religieux (ou angakut) de ces derniers [V. Tuglavina*]. De 1790 à 1792, les autorités moraves envisagèrent sérieusement l’abandon de Hopedale, et le nombre des conversions n’augmenta pas de façon importante avant la fin des années 1790.
Peut-être à cause des tensions provoquées par des années difficiles, et certainement à cause de préjugés ethniques, les relations entre William Turner et le premier aide ou chef allemand des missions du Labrador, le frère Christian Ludwig Rose, se gâtèrent tout à fait. En janvier 1791, Rose et les Turner eurent un violent désaccord, à la suite duquel Mme Turner, qui était enceinte de son deuxième enfant (le couple avait déjà un fils), dut garder le lit. Une fille naquit en avril et ne vécut que 11 jours. Mme Turner ne se remit jamais complètement de ce difficile accouchement, et Turner en imputa la cause à leurs relations tendues avec Rose. En septembre, Turner écrivit aux frères moraves, en Angleterre, que Rose était « à ce point ennemi des frères anglais, qu’[il] n’en [avait] jamais rencontré de pareil dans la congrégation, et qu’il [Rose] pouvait difficilement supporter que quiconque parlât de l’Angleterre ». Ce même mois, Turner fut muté au poste d’Okak pour y prendre charge du commerce ; il y resta jusqu’à sa retraite en Angleterre, en 1793, conséquence, peut-être, de la poursuite des frictions entre lui et ses supérieurs allemands.
Les manuscrits concernant l’établissement des missions moraves au Labrador sont conservés aux Moravian Arch. à Bethlehem, Pa., et aux Moravian Church in Great Britain and Ireland Arch. à Londres. Les APC (MG 17, D1) de même que la Memorial Univ. of Nfld. (St John’s) possèdent des documents sur microfilm. Les données personnelles sur William Turner ont été puisées dans l’Okak church book qui se trouve maintenant aux Arch. de la mission morave de Nain (Nain, T.-N.). Turner est l’auteur d’un journal déposé dans les archives moraves de Londres et qui fut édité par J. Garth Taylor sous le titre de « William Turner’s joumeys to the caribou country with the Labrador Eskimos in 1780 », dans Ethnohistory (Tucson, Ariz.), 16 (1969) : 141–164.
J. K. Hiller, « The foundation and the early years of the Moravian mission in Labrador, 1752–1805 » (thèse de m.a., Memorial Univ. of Nfld., [1968]).
james K. Hiller, « TURNER, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/turner_william_5F.html.
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Auteur de l'article: | james K. Hiller |
Titre de l'article: | TURNER, WILLIAM |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |