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TONENÉ, IGNACE (Nias) (aussi connu sous le nom de Maiagizis, c’est-à-dire « vrai soleil »), employé de la Hudson’s Bay Company, trafiquant de fourrures, chef sauteux et prospecteur, né en 1840 ou en 1841 aux environs du lac Temagami, Haut-Canada, fils aîné de Kabimigwune (François) et d’une prénommée Marian ; décédé le 15 mars 1916 dans la région du lac Abitibi, Québec.
Ignace Tonené était membre d’un groupe nomade d’autochtones connu au xixe siècle et pendant une bonne partie du xxe siècle comme la bande Temaqami de la tribu des Sauteux ; ce groupe se considère maintenant comme un « peuple frontalier » non sauteux et se désigne sous le nom de Teme-Augama Anishnabai. Probablement né au lac White Bear (lac Cassels), Tonené entra dans les annales eurocanadiennes en 1857, quand la Hudson’s Bay Company l’engagea pour transporter le courrier entre son siège régional du lac Témiscamingue et son poste hivernal du lac Temagami. Dès lors, durant de nombreux étés, il travailla au fort Témiscamingue (près de Ville-Marie, Québec) ; sans doute est-ce là qu’il apprit le français, la langue de la traite dans la région. Dans les années 1870, il concurrença la Hudson’s Bay Company dans la région de Temagami en achetant des fourrures avec des biens fournis par des marchands de l’Outaouais. Ses liens avec cette région l’avantageaient à un point tel que la compagnie faisait tout son possible pour le réengager.
En 1860, Tonené avait épousé Angèle, fille de Nebenegwune, ancien chef principal, ou ogima, de la bande Temagami. En 1871, deux ans après que sa femme soit morte en donnant naissance à leur quatrième enfant, il épousa Elisabeth Pikossekat, de la bande Témiscamingue, avec qui il aurait trois filles. Aucun de ses deux fils ne parviendrait à l’âge adulte, mais ses cinq filles se marieraient et auraient une nombreuse descendance.
Vers 1868, Tonené succéda par élection à son père au titre de chef en second (anike ogima) de la bande, puis fut chef principal de 1878 à 1888. Après la mort de son successeur John Paul, en 1893, il reprit le poste de chef principal, même s’il s’absentait longuement pour faire du piégeage en Abitibi. À compter de 1910, il fut chef honoraire ou chef à vie ainsi que premier conseiller du nouveau chef principal Frank White Bear, son jeune frère.
Du temps où il était chef en second, Tonené souleva la question de la non-participation de son peuple au traité négocié par William Benjamin Robinson* en 1850 avec les bandes de Sauteux du lac Huron. Ainsi, en 1877, lui-même et deux autres Sauteux rencontrèrent au lac Nipissing l’agent fédéral des Affaires indiennes Charles Skene et lui expliquèrent que leur bande n’avait jamais cédé sa terre, mais voulait désormais une réserve et une somme annuelle en vertu du traité. Le motif invoqué par eux était l’arrivée d’entrepreneurs forestiers [V. Migisi*]. Au jour de l’An 1879, dans un remarquable discours devant une assemblée réunie au poste de la Hudson’s Bay Company à l’île Bear, dans le lac Temagami, Tonené lança cet avertisssement à son peuple : « les hommes blancs se rapprochent d’année en année, et le chevreuil et les fourrures se font de plus en plus rares [...] si bien que, d’ici quelques années, le nombre d’Indiens incapables de vivre uniquement de la chasse augmentera ».
Tonené maintint ses pressions en faveur de l’obtention de subventions et d’une réserve en rencontrant plusieurs fois Skene et son successeur et en adressant, à des fonctionnaires et députés fédéraux, des lettres écrites dans sa langue. Bien que le surintendant général adjoint des Affaires indiennes, Lawrence Vankoughnet, ait reconnu en 1880 que la terre de la bande Temagami, d’une superficie estimée à 2 770 milles carrés, « ne sembl[ait] pas avoir été cédée », le surintendant général (et premier ministre du Canada), sir John Alexander Macdonald*, différait toute intervention puisque seule la province pouvait mettre des terres de côté. Néanmoins, les Affaires indiennes acceptèrent en 1883 de verser une subvention annuelle équivalant à celle accordée aux autres bandes par le traité Robinson-Huron.
En 1884, un conseil tribal convoqué par Tonené dans l’île Bear proposa une réserve d’une centaine de milles carrés autour du lac Cross et de l’extrémité sud du lac Temagami. La même année, l’arpenteur des terres du dominion George B. Abrey visita la région ; dans son rapport, où il estimait la population autochtone à une centaine de membres répartis en 19 familles, il appuya la position du conseil mais se prononça en faveur d’une réserve plus petite. Les autorités fédérales soutenaient que le groupe de Tonené formait une « bande distincte » et pressaient l’Ontario de lui transférer la totalité ou une partie des terres. Le premier ministre provincial Oliver Mowat*, notoirement hostile aux droits des aborigènes et aux droits inscrits dans les traités, veilla à ce qu’aucun transfert n’ait lieu, surtout à cause des riches peuplements de pin de la région. Ottawa soutiendrait à nouveau l’essentiel des revendications de Tonené en 1890 et en 1896, mais l’Ontario persisterait dans son refus de négocier. La question n’est pas encore résolue.
En 1888, peut-être découragé par cette obstination, Tonené s’était installé avec sa famille sur les hauteurs situées entre les lacs Opasatica et Dasserat, en Abitibi, au Québec, où vivait l’une de ses filles mariées. En 1889, il alla à l’île Bear demander des fournitures agricoles pour son peuple à l’agent des Affaires indiennes en visite à cet endroit. Il faisait toujours du piégeage et, pendant la ruée déclenchée en 1903 par la découverte de gisements d’argent à Cobalt, en Ontario, il se fit prospecteur. Il remporta assez de succès pour qu’une de ses concessions lui soit usurpée ; les Affaires indiennes ne purent obtenir justice pour lui. On attribue à Tonené la découverte du corps de minerai qui permit de trouver le fameux gisement d’or Kerr-Addison à l’est du lac Kirkland. Peu avant la Première Guerre mondiale, une société appelée Tonene Old Indian Mining Company publia un prospectus ; on ignore si Tonené en tira des bénéfices. Une photographie de lui, prise en 1909 au cours d’un voyage d’affaires à Haileybury, montre un vieillard vêtu d’un habit noir et portant un chapeau. Décédé en 1916, Tonené fut inhumé près du mont Kanasuta, à la frontière du Québec et de l’Ontario.
Pragmatique en matière de relations avec la société eurocanadienne, Ignace Tonené sut s’adapter à l’économie nordique, fondée sur les richesses naturelles, en trouvant un nouveau rôle pour lui-même et sa famille. Toutefois, vu l’hostilité du gouvernement de l’Ontario envers les droits des aborigènes, l’action politique qu’il mena au nom de son peuple ne pouvait porter fruit de son vivant.
AN, MG 19, D4 ; D21 ; MG 29, C40 (mfm) ; RG 10, 3109, dossier 315190 ; 7757, dossier 27043-9 ; RG 31, C1, 1881, Timagami, [Ontario].— AO, F 470.— Arch. privées, V. R. (Duff) Dufresne (Larder Lake, Ontario), Documents, y compris le prospectus de la Tonene Old Indian Mining Company.— Attorney General for Ontario v. Bear Island Foundation et al. (1984), Ontario Reports (Toronto), 2e sér., 49 : 353–490.— Frank Carrell, « Our fishing and hunting trip in northern Ontario, part iii », Rod and Gun and Motor Sports in Canada (Woodstock, Ontario), 9 (1907–1908) : 39–52.— B. W. Hodgins, « The Temagami Indians and Canadian federalism, 1867–1943 », Rev. de l’univ. Laurentienne (Sudbury, Ontario), 11 (1978–1979), no 2 : 71–100.— B. W. Hodgins et Jamie Benidickson, The Temagami experience : recreation, resources, and aboriginal rights in the northern Ontario wilderness (Toronto, 1989).— S. A. Pain, The way north : men, mines and minerals ; being some account of the curious history of the ancient route between North Bay and Hudson Bay in Ontario [...] (Toronto, 1964).— Gary Potts, « Teme-augama Anishnabai : last-ditch defence of a priceless homeland », dans Drumbeat : anger and renewal in Indian country, Boyce Richardson, édit. (Toronto, 1989), 201–228.— F. G. Speck, Family hunting territories and social life of the various Algonkian bands of the Ottawa valley (Commission géologique du Canada, Memoir no 70, Ottawa, 1915) ; Myths and folk-lore of the Temiskaming, Algonkian and Timagami Ojibway (Commission géologique du Canada, Memoir no 71, 1915).— Supreme Court of Ontario, [Proc. of Attorney General for Ontario v. Bear Island Foundation et al.] (transcription non publiée, 68 vol., 1982–1984 ; exemplaire conservé à la Bear Island Library, Bear Island, Ontario).
Bruce W. Hodgins et James Morrison, « TONENÉ, IGNACE (Nias) (Maiagizis) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/tonene_ignace_14F.html.
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Auteur de l'article: | Bruce W. Hodgins et James Morrison |
Titre de l'article: | TONENÉ, IGNACE (Nias) (Maiagizis) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 2 décembre 2024 |