TALBOT (Talbott), RICHARD, colonisateur, fonctionnaire et officier de milice, né en 1772 dans le comté de Tipperary (république d’Irlande), probablement le fils d’Edward Talbot et d’Esther Allen ; en 1795, il épousa dans le diocèse de Killalow, Irlande, Lydia Baird, et ils eurent cinq filles et trois fils, dont Edward Allen* et John* ; décédé le 29 janvier 1853 dans le canton de London, Haut-Canada.

Il y a lieu de croire que Richard Talbot, qui appartenait aux derniers rangs de la gentry d’Irlande, descendait des Talbot de Mount Talbot, dans le comté de Roscommon, branche cadette des Talbot de Malahide Castle [V. Thomas Talbot]. En 1783, on lui acheta un grade de capitaine dans l’armée britannique, et c’est à ce titre qu’il servit dans le 5e d’infanterie, de 1787 à 1790. Par la suite, il fut mis à la demi-solde jusqu’en 1795. En raison de son mariage, qui fut célébré la même année, il décida de quitter l’armée et de s’établir à Garrane, dans le comté de King (comté d’Offaly).

Pendant les quelques années qui suivirent, Talbot acheta ou loua un certain nombre de terres dans les comtés de King et de Tipperary, et la plupart de ses transactions se firent en société avec son beau-frère Freeman Baird. En 1800, il avait quitté Garrane et il était installé à Cloughjordan, dans le comté de Tipperary. Il devint alors officier de la Cloughjordan Yeomanry et fut nommé officier du commissariat de l’armée britannique, avec le mandat de distribuer les pensions aux veuves et orphelins des soldats britanniques morts pendant les guerres napoléoniennes.

Talbot, tout comme beaucoup d’autres de son milieu, eut à essuyer des pertes considérables au cours de ces guerres, d’abord à cause des crises économiques qui bouleversèrent non seulement l’Irlande mais l’Europe entière et, peut-on supposer, à cause aussi de la mauvaise gestion de ses affaires. Ces déboires, alliés aux maigres perspectives d’avenir qui s’offraient à ses deux fils aînés destinés à la carrière militaire, amenèrent Talbot à envisager la possibilité d’émigrer au Canada avec sa nombreuse famille. Au début de 1816, il entretenait déjà une correspondance avec lord Bathurst, secrétaire d’État aux Colonies, pour obtenir des renseignements au sujet de l’émigration et de l’aide fournie par le gouvernement ; mais ce n’est qu’à la fin de 1817 qu’il fut en mesure de partir. Talbot, Francis Brockell Spilsbury*, John Robertson et Thomas Milburn eurent chacun la responsabilité d’établir un des quatre groupes de colons dans le Haut-Canada, en vertu du plan de 1818 qui prévoyait un dépôt de £10 par colon. Ce plan d’émigration obligeait Talbot à emmener au moins dix colons, à les établir et à faire pour chacun d’eux un dépôt de £10, qui lui était remboursé une fois les conditions du contrat remplies. Pour sa part, le ministère des Colonies s’engageait à lui verser un subside de 100 acres pour chaque colon éventuel. De plus, Talbot devait assumer les frais de subsistance des émigrants, tandis que le gouvernement promettait d’octroyer sans frais les terres aux colons et de payer leur passage pour la traversée de l’Atlantique.

Talbot et son groupe de colons eurent à faire face à de nombreuses difficultés à cause de l’ambiguïté du plan sous plusieurs aspects, de l’imprévoyance du gouvernement britannique ainsi que de l’inaptitude de Talbot à mener à bien le projet. Le groupe de 183 personnes, qui comprenait surtout des anglicans du comté de Tipperary, quitta Cork à bord du Brunswick, à la mi-juin 1818. À son arrivée à Prescott, dans le Haut-Canada, environ la moitié du groupe avait échappé à la gouverne de Talbot et de son fils aîné Edward Allen. Ce fut le sous-quartier-maître général Francis Cockburn* qui, finalement, vit à établir dans les cantons de Goulbourn, de March et de Nepean, situés dans la partie est du Haut-Canada, la majeure partie des colons mécontents qui, avec leurs familles, avaient délaissé le groupe.

Après être débarqué à York (Toronto) le 9 septembre, Talbot rencontra le nouveau lieutenant-gouverneur sir Peregrine Maitland et, selon toute vraisemblance, le colonel Thomas Talbot, qui était un de ses parents. Le lieutenant-gouverneur promit de lui concéder, à titre personnel, au moins 1 000 acres de terre, pour remplacer la proposition du ministère des Colonies, à la condition d’accepter que ce soit le gouvernement de la province qui voit à l’établissement du reste des colons qui l’avaient suivi, selon les modalités habituelles établies pour la colonisation. De son côté, le colonel Talbot lui fit part qu’il était de son autorité de disposer des terres de choix situées près des fourches de la rivière Thames, dans le nouveau canton de London, où environ 70 colons suivirent Richard Talbot. En 1819 et au cours des années qui suivirent, un groupe de parents, d’amis et d’anciens voisins vinrent les rejoindre et, ensemble, ils formèrent une colonie très prospère, qui bientôt s’étendit au nord et à l’est dans les cantons avoisinants.

Malgré le succès de l’établissement, Talbot éprouva des difficultés personnelles sur le plan social et financier. Au cours de la première assemblée municipale tenue le 4 janvier 1819, il fut élu à l’un des deux postes d’estimateur, fonction de peu d’importance au sein d’une administration de canton ; de plus, son nom n’apparaît pas dans les procès-verbaux des assemblées subséquentes. En 1823, il fut nommé capitaine dans le tout nouveau 4 e régiment de milice de Middlesex, mais comme dernier inscrit sur une liste de six capitaines. Enfin, même si les candidats qui se qualifiaient comme juges de paix étaient plutôt rares et malgré le fait que Talbot venait de la gentry anglicane et qu’il était militaire, il n’accéda jamais à ce poste, symbole du squire qu’il avait toujours rêvé d’être.

Quelques années après avoir choisi 1 000 acres des meilleures terres du canton de London, en 1818, Talbot remplaça la première maison qu’il y avait construite par une propriété de style plus prétentieux qu’il nomma Mount Talbot. Néanmoins, il n’avait aucune aptitude pour jouer au gentleman-farmer. Les quelques domestiques qu’il avait emmenés d’Irlande l’avaient abandonné, ses deux fils aînés avaient quitté la région (du moins temporairement) et, selon Edward Allen, sa santé se « détérior[a] rapidement » à partir de 1823. De plus, en 1825, il avait vendu la totalité de sa concession de 1 000 acres, en partie pour réduire les dettes résultant de sa mauvaise gestion financière et venir en aide à son fils aîné dans ses obligations familiales et dans ses entreprises, et en partie pour promouvoir, mais sans succès, un nouveau projet d’émigration. Enfin, en 1836, il vendit à George Jervis Goodhue* et à Lawrence Lawrason* les 200 acres additionnelles qu’on lui avait octroyées en 1822 dans la partie nord du canton de London.

Après avoir vendu Mount Talbot à son fils Edward Allen en 1823, Richard Talbot, sa femme et leurs filles célibataires continuèrent à y demeurer jusqu’en 1842 ou peu après. Puis il alla habiter avec sa femme chez leur plus jeune fils, Freeman, dans un endroit qui, aujourd’hui, se trouve dans la partie nord de London. C’est là qu’il mourut en 1853, une semaine avant le décès du colonel Thomas Talbot.

Daniel J. Brock

APC, RG 5, A1 : 29967–29969, 30292–30294, 30355–30358, 30375–30377, 86779–86782.— Arch. privées, D. J. Brock (London, Ontario), Lettre de Bruce Elliott, 9 oct. 1979, contenant des informations généalogiques.— UWOL, Regional Coll., F. B. Talbot papers.— E. A. Talbot, Five years’ residence in the Canadas [...] (2 vol., Londres, 1824 ; réimpr., 2 vol. en 1, East Ardsley, Angl., et New York, 1968).— G.-B., WO, Army list, 1788 ; 1791 ; 1795.— « State papers – U.C. », APC Report, 1896 : 70, 77 ; 1898 : 217.— D. J. Brock, « Richard Talbot, the Tipperary Irish and the formative years of London Township, 1818–1826 » (thèse de m.a., Univ. of Western Ontario, London, 1969).— H. I. Cowan, British emigration to British North America ; the first hundred years (éd. rév., Toronto, 1961).— F. T. Rosser, London Township pioneers, including a few families from adjoining areas (Belleville, Ontario, 1975).

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Daniel J. Brock, « TALBOT (Talbott), RICHARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/talbot_richard_8F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
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