TAIT, JAMES SINCLAIR, médecin, homme politique, fonctionnaire et auteur, né le 4 mars 1849 à Wallace, Nouvelle-Écosse, fils de James Tait et de Catherine Sinclair ; le 19 décembre 1882, il épousa à St John’s Sarah Elizabeth Calkin, et ils eurent trois fils et deux filles, dont l’une mourut bébé ; décédé le 5 juillet 1928 dans cette ville.

Après avoir fréquenté des écoles de Wallace et d’Amherst, en Nouvelle-Écosse, James Sinclair Tait alla au Mount Allison Wesleyan College de Sackville, au Nouveau-Brunswick, et en sortit en 1877 avec une licence ès sciences et littérature anglaise. Actif dans la vie étudiante, il avait été directeur commercial du magazine Argosy en 1875 et président de l’Eurhetorian Society en 1876–1877. Dans cette association, on pouvait parler en public, débattre et s’adonner à des activités littéraires, ce qui lui serait très utile dans l’avenir. Pendant l’été de 1877, après réception de sa licence (il obtiendrait une maîtrise ès arts de Mount Allison en 1891 et une licence ès sciences ad eundem de Dalhousie à Halifax en 1897), il suivit un cours d’instituteur à l’école normale de Truro, en Nouvelle-Écosse. Ensuite, il enseigna deux ans à Brigus, à Terre-Neuve, où il se mit à étudier la médecine avec le docteur William Anderson.

Tait avait découvert sa vocation. Entré en 1879 à l’école de médecine de la University of Pennsylvania, il y décrocha trois ans plus tard un doctorat en médecine avec mention très bien. Il retourna à Brigus, où il exerça jusqu’en 1885, puis alla poursuivre ses études en Grande-Bretagne. L’année suivante, il reçut un permis du Royal College of Physicians de Londres et du Royal College of Surgeons d’Édimbourg. À son retour en 1886, il ouvrit un cabinet à St John’s.

Tait ne mit pas longtemps à entrer sur la scène politique. Candidat libéral de l’équipe de sir William Vallance Whiteway* aux élections générales de 1889, il remporta l’un des deux sièges du district de Burin, sur la côte Sud. Il n’avait pas d’attaches dans la région, mais parachuter dans des districts ruraux des candidats établis à St John’s se faisait couramment à Terre-Neuve au xixe siècle. Le projet de loi de 1893 sur la pratique de la médecine et de la chirurgie – le premier du genre dans la colonie, qui mena à la création d’un bureau médical de sept membres [V. William Munden Allan*] – fut adopté surtout grâce à sa détermination. Tait conserva son siège aux élections de 1893, qui se déroulèrent dans un climat assez acrimonieux, même pour Terre-Neuve. Le 6 janvier 1894, date limite du dépôt des contestations en vertu du Corrupt Practices Act, les conservateurs portèrent plainte pour corruption contre 15 des libéraux élus, dont Tait, et le député indépendant James Murray. Tous furent jugés coupables et privés de leur siège, et tous sauf un se virent interdire d’exercer des fonctions politiques dans l’avenir. Une loi annula cette pénalité l’année suivante, ce qui permit à Tait de se porter candidat à l’Assemblée en 1897, mais il perdit.

Si la condamnation de Tait mit un terme à sa carrière à la Chambre d’assemblée, elle ne signifia pas la fin de son affiliation partisane. Il reçut par faveur plusieurs nominations, dont celle de secrétaire et registraire du Newfoundland Medical Board (1894–1909) et de membre du bureau de santé de St John’s (1904–1909). En outre, il fut inspecteur de la santé publique ainsi que chirurgien et médecin visiteur au General Hospital de St John’s. Il exerça ses fonctions les plus lucratives à l’Hospital for the Insane de Waterford (St John’s) : de 1895 à 1897 et de 1900 à 1907, il y fut surintendant médical et, de 1902 à 1907, médecin résident.

En 1890, Tait avait rempli une première mission officielle dans cet hôpital, connu sous le nom de Newfoundland Asylum jusqu’en 1899 : il avait fait partie d’une commission qui avait enquêté sur le fonctionnement de l’établissement, alors sous l’autorité du médecin résident Henry Hunt Stabb*. Trois ans plus tard, il y fut nommé médecin visiteur. Remplacé peu après l’accession des conservateurs au pouvoir en avril 1894, il obtint, quelques semaines après le retour d’un gouvernement libéral en décembre, le poste de médecin non résident, qu’il avait sollicité avec insistance. Dans une lettre adressée le 21 décembre 1893 au secrétaire de la colonie, Robert Bond, il avait réclamé un salaire minimum fixe de 3 000 $ par an (à l’époque, la rémunération annuelle des personnes exerçant une profession libérale, tels les magistrats, les instituteurs et les membres du clergé, se situait en moyenne bien en dessous de 1 000 $). Il eut le poste mais non le salaire demandé. Cependant, lorsqu’il accéda à la fonction de surintendant médical, le 25 mars 1895, ses émoluments furent fixés à 2 000 $ plus une part des frais de ménage, ce qui en faisait l’un des fonctionnaires les mieux payés. La construction d’une imposante résidence pour le surintendant, sur un terrain adjacent à l’asile et acheté de Tait lui-même en 1896–1897, le plaça encore plus sous la dépendance financière de l’État et rendit sa position encore plus confortable.

Mécontent de la nomination de Tait, le gouverneur, sir John Terence Nicholls O’Brien*, fit valoir dans une lettre au secrétaire d’État aux Colonies en Grande-Bretagne que sa récente expulsion de la Medical Society de St John’s pour conduite contraire au code professionnel était un motif suffisant pour annuler cette nomination. (Prononcée, semble-t-il, à la suite de la condamnation de Tait en vertu du Corrupt Practices Act, l’exclusion ne semble pas avoir nui à sa carrière médicale.) Le parti au pouvoir resta sourd à l’objection d’O’Brien. Tait occupa la surintendance jusqu’en septembre 1897 et démissionna alors pour se présenter aux élections de l’automne. La victoire des conservateurs l’empêcha de réintégrer sa fonction, qui alla au docteur Lawrence Edward Keegan. Cependant, peu après la reprise du pouvoir par les libéraux en 1900, le premier ministre Bond le nomma de nouveau surintendant médical.

L’approche thérapeutique de Tait s’appuyait sur une conviction qui avait gagné beaucoup de crédibilité en pathologie psychiatrique à la fin du xixe siècle, à savoir que la maladie mentale résultait surtout de facteurs héréditaires. Selon lui, la plupart des patients avaient peu de chances de guérir et, en 1895, il avait déclaré que, à cause de la présence de ces cas prétendument désespérés, l’asile était en train de devenir « un foyer pour incurables plutôt qu’un hôpital pour le traitement et le rétablissement des aliénés ». Il préconisait de loger ces malades ailleurs et ne voyait pas d’un mauvais œil leur transfert à l’hospice local des pauvres. Contrairement à Keegan, qui avait lancé un ambitieux programme de travail, Tait estimait que ce type de traitement ne servait à rien et que c’était de la mauvaise gestion financière. Il mit d’ailleurs fin à bon nombre des initiatives de Keegan lorsqu’il le remplaça en 1900. Peu à peu, il reconnut que les programmes de travail faisaient du bien à certains patients, mais il en limita l’accès aux malades classés valides – qui représentaient rarement plus du tiers des pensionnaires. Il administrait des sédatifs avec parcimonie, et l’emploi de contraintes physiques était pratique courante pendant sa surintendance.

La conduite personnelle et professionnelle de Tait fut mise en cause en mai 1902 par l’infirmière en chef de l’asile, Mlle M. E. Scott, qui porta plusieurs accusations contre lui, la plus grave étant d’avoir causé la mort d’un patient par une injection. Tait fut exonéré de tout blâme, mais une seconde enquête, tenue en 1907 à la suite d’allégations selon lesquelles il avait une liaison avec une femme du personnel, aboutit à une recommandation de congédiement. Il démissionna.

Tait retourna à la pratique privée, qu’il n’avait d’ailleurs pas abandonnée pendant qu’il travaillait à l’Hospital for the Insane. Toutefois, dans ses dernières années, il ferait uniquement de la consultation. Il avait suivi les progrès de la médecine en étudiant à Édimbourg, à Glasgow et à Londres, et il reçut divers certificats, accréditations et permis. En 1896, il fut nommé membre du Royal College of Surgeons d’Édimbourg ; il était alors la seule personne à Terre-Neuve à détenir ce titre. Auteur assez renommé, il publia des articles médicaux, des essais et des poèmes patriotiques dans des périodiques locaux tels le Newfoundland Quarterly et le Cadet. Son opuscule intitulé Tuberculosis parut à St John’s en 1902. Tait fut élu au conseil municipal de la ville en 1916 et y demeura jusqu’en 1920. Méthodiste puis membre de l’Église unie du Canada, il mourut en 1928.

La femme de Tait, Sarah Elizabeth Calkin, était décédée en 1925. Tout en jouant son rôle de maîtresse de maison et de mère, elle s’était dévouée pour des œuvres sociales et religieuses, surtout les initiatives missionnaires de la congrégation méthodiste Gower Street. Leur fille, Mary Elsinore (Elsie), était une musicienne de talent ; elle fut la première titulaire d’un diplôme en musique de Mount Allison. Également diplômée du Toronto Conservatory of Music, elle tint l’orgue de l’église Gower Street durant de nombreuses années. Deux des garçons de la famille, Archibald Campbell et Harold Sinclair, suivirent les traces de leur père et devinrent médecins. Le troisième, Robert Holland*, fit carrière en droit et détint des postes dans des bureaux d’information de Terre-Neuve aux États-Unis. Tous trois se distinguèrent pendant la Première Guerre mondiale, Archibald Campbell et Harold Sinclair au sein du Royal Army Medical Corps et Robert Holland au Newfoundland Regiment.

James Sinclair Tait, selon l’historienne Patricia O’Brien, « paraît avoir été un homme à l’imagination faible et à la fibre humanitaire encore plus ténue », surtout pendant les années où il fut surintendant médical de l’Hospital for the Insane. Il aurait été plus efficace en tant qu’administrateur et chef du personnel soignant de cet asile s’il n’avait pas été aussi réfractaire aux innovations thérapeutiques. Il perdit son poste de surintendant à cause de sa mauvaise conduite. Pourtant, le succès de son cabinet privé et le fait qu’il ne cessa jamais de parfaire ses connaissances en médecine indiquent qu’il était dévoué à sa profession et avait la confiance de ses malades. Il fit œuvre très utile au cours de son mandat à l’Assemblée en convainquant le gouvernement de mettre de l’ordre dans la pratique de la médecine à Terre-Neuve. Durant les 15 premières années d’existence du Medical Board, il put veiller, à titre de secrétaire et de registraire, à ce que cet organisme devienne l’outil de réglementation qu’il avait souhaité.

Bertram Riggs

En plus de son opuscule Tuberculosis, James Sinclair Tait a écrit Allan Lee, ballade parue dans Songs of Newfoundland (St John’s, 1917), 7. Trois articles de Tait ont été publiés dans le Newfoundland Quarterly de St John’s : « Heredity and environment », 1 (1901–1902), nº 4 : 21–24 ; « The ideal in education », 12 (1912–1913), nº 1 : 6–10 ; et « The jubilee of years », 11 (1911–1912), nº 3 : 21. Un poème a aussi été publié : Britain’s call, 14 (1914–1915), nº 2 : 30. Deux autres poèmes ont paru dans le Cadet de St John’s : The conflict, déc. 1917 : 23, et King and empire, déc. 1918 : 1.

Arch. privées, Bertram Riggs (St John’s), corr. par courrier électronique de Cheryl Ennals, archiviste à la Mount Allison Univ., contenant de l’information sur les programmes de cérémonies de collation des grades.— Daily News (St John’s), 20 nov. 1894, 23 févr. 1925, 6 juill. 1928.— Evening Telegram (St John’s), 6 juill. 1928.— Argosy (Sackville, N. B.), févr. 1875, sept. 1876, oct. 1877, janv. 1879, mars 1888, févr. 1893, mars 1897.— Births, deaths and marriages in Newfoundland newspapers, Gert Crosbie, compil. (13 vol., St John’s, 1997–1999 ; disponible aussi sur CD-ROM), 8 (1881–1882) ; 13 (1890).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Encyclopedia of Nfld (Smallwood et al.), 1 : 679–749.— Newfoundland Medical Board, Newfoundland medical register (s.l.), 1912, 1914.— Newfoundland men [...], H. Y. Mott, édit. (Concord, N.H., 1894).— Notable events in the history of Newfoundland : six thousand dates of historical and social happenings, M. A. Devine et M. J. O’Mara, compil. (St John’s, 1900).— Patricia O’Brien, Out of mind, out of sight : a history of the Waterford Hospital (St John’s, 1989).— T. N., House of Assembly, Journal, 1893–1896.— Vital statistics from N.B. newspapers (Johnson), 60 (1882–1884).— Who’s who and why, 1914.— Who’s who in and from Newfoundland [...] (St John’s), 1927.— Yearbook and almanac of Newfoundland (St John’s), 1887–1929.

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Bertram Riggs, « TAIT, JAMES SINCLAIR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/tait_james_sinclair_15F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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