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STEPHANSSON, STEPHAN GUDMUNDUR (Stefán Guðmundsson), cultivateur et poète, né le 3 octobre 1853 près de Víðimýri, Islande, fils de Guðmundur Stefánsson et de Guðbjörg Hannesdóttir ; le 28 août 1878, il épousa au Wisconsin Helga Sigríður Jonsdóttir, et ils eurent cinq fils et trois filles ; décédé le 10 août 1927 près de Markerville, Alberta.
Stefán Guðmundsson naquit dans une ferme louée appelée Kirkjuhóll et située dans le Skagafjörður, région du nord de l’Islande. Il fit ses études à la maison et, adolescent, il s’exerça à composer des vers en suivant des vieilles traditions scaldiques. Si la poésie était sa vocation, l’agriculture était son métier. En Islande, son travail se limita à l’élevage du mouton. Quand il immigra aux États-Unis en 1873 avec sa famille et un petit groupe d’Islandais, des fonctionnaires américains, à cause d’une méprise au sujet du patronyme de son père, Stefánsson, donnèrent le nom de Stephansson à toute la famille. Plus tard, Stephan choisit de signer Stephan G. Stephansson, mais il continua d’utiliser son nom de naissance, Stefán Guðmundsson, parmi ses amis islandais. La famille s’établit d’abord au Wisconsin, où Stephan s’initia au labourage et épousa en 1878 sa cousine germaine, Helga Sigríður Jonsdóttir. En 1888, à Garðar (Gardar, Dakota du Nord), il s’attira les foudres de bon nombre de ses pieux compatriotes en participant à l’organisation de la Hins Islenzka Menningarfelags (Société culturelle islandaise), club de débats inspiré de la Society for Ethical Culture, que l’éminent libre-penseur Felix Adler avait fondé à New York.
L’effondrement du marché céréalier obligea la famille à partir en 1889 pour le district de l’Alberta, dans les Territoires du Nord-Ouest, où elle s’installa définitivement. Stephansson recevrait la citoyenneté canadienne cinq ans plus tard. Il obtint au bord de la rivière Medicine, au nord de Calgary, la concession statutaire portant le numéro SW10-T37-R2-W5 et se mit à y élever des bovins et des moutons. Il fut le premier secrétaire de la société par actions à responsabilité limitée que des fermiers formèrent en 1899 pour soutenir une crémerie du gouvernement fédéral dans une localité voisine, Markerville. Éleveur avant tout, Stephansson sema néanmoins diverses céréales et, en 1900, il fut le premier membre de la colonie islandaise à récolter du seigle. En plus du poste qu’il occupait à la compagnie de la crémerie, il était juge de paix et membre du conseil scolaire local.
Stephansson avait écrit de la poésie avant d’arriver en Alberta, mais ce fut au cours de ses années dans les Prairies canadiennes qu’il raffina son art, mariant à la philosophie des libres-penseurs américains le mètre islandais traditionnel (et expérimentant de nouveaux mètres). Sa large vision de l’histoire et de la place de l’homme dans celle-ci est évidente dans son poème Staddur a grothrarstoth (À la station forestière), daté de 1917 :
Les monuments croulent. Les œuvres de l’esprit
[résistent
Aux rafales des ans. Le nom des hommes s’efface.
Le temps oublie qui a du mérite.
Les meilleures constructions de l’esprit, elles,
[persistent.
Stephansson écrivait et lisait surtout la nuit. Les questions littéraires et intellectuelles sont très présentes dans sa correspondance. Il recourait à la poésie et à la prose pour critiquer l’Église luthérienne d’Islande, dont les dogmes et les schismes menaçaient, selon lui, la culture islandaise. Par exemple, il croisa le fer avec le révérend Jón Bjarnason*, qu’il considérait cependant comme un authentique nationaliste islandais. La Première Guerre mondiale était une autre question brûlante pour les Islandais de l’Ouest (nom donné à ceux qui étaient venus en Amérique du Nord). Stephansson exprima ouvertement sa vive opposition au conflit et à la participation des Islando-Canadiens. Publié en 1920 à Reykjavik, en Islande, Vígsloða (le Sentier de la guerre) rassemble des poèmes pacifistes dont quelques-uns seulement avaient paru pendant les hostilités. La vente d’exemplaires du recueil à Winnipeg suscita des dénonciations énergiques. Politiquement, Stephansson soutenait les Fermiers unis de l’Alberta et flirta avec le marxisme, en lequel il voyait la théorie logique du socialisme scientifique.
Malgré la controverse, Stephansson était un poète respecté. Il n’écrivait qu’en islandais et excellait dans les métaphores complexes, l’imagerie merveilleuse et les néologismes. Une bonne partie de ses vers font voir l’Islande et son histoire sous un jour romantique. Composé en 1903, le poème intitulé þó þú langförull legðir (Chanson pour l’Islande) a été mis en musique et est considéré comme un grand chant national. Dans la veine narrative, A ferð og flugi (En route), qui date de 1898, est un excellent exemple de son talent descriptif. Il y est question d’un immigrant qui traverse les Prairies en train en plein hiver :
La neige, marée bleutée, avait recouvert
La moindre butte, le moindre creux,
Et les arbres glacés semblaient des spectres
Hagards, venus des froides forêts de
[l’enfer.
La valeur du travail acharné, l’adversité comme occasion de se dépasser, le caractère éphémère de l’existence, voilà d’autres thèmes traités par Stephansson. La beauté du paysage albertain l’a aussi inspiré, au point que, en Islande, on en est venu à l’appeler Klettafjallaskadið, c’est-à-dire le poète des Rocheuses. Les trois premiers volumes de ses œuvres complètes, Andvökur (Nuits sans sommeil), ont paru en 1908–1909 à Winnipeg. Ses satires mordantes, son recours à des archaïsmes et son style tarabiscoté lui ont valu des critiques, mais Andvökur l’a également fait connaître et aimer davantage, ce qui lui a permis de parcourir le Dakota du Nord, le Manitoba et la Saskatchewan en 1908–1909, puis la côte Ouest en 1913, pour des tournées de lecture. En 1917, il eut l’insigne honneur d’être invité par le peuple de l’Islande pour une tournée de quatre mois. Nombreux étaient alors ceux qui, dans son pays d’origine, voyaient en lui le meilleur poète islandais depuis le xiiie siècle. Avec la publication de deux autres volumes en 1923 et d’un sixième, posthume, en 1938, sa production dépasse les 2 000 pages, ce qui en fait l’un des poètes les plus prolifiques du Canada.
Victime d’une crise d’apoplexie en 1926, Stephan Gudmundur Stephansson mourut à sa ferme un an plus tard. Il fut inhumé dans un cimetière privé appelé Kristinsson, non loin de Markerville. En 1976, l’Alberta a classé son exploitation agricole lieu historique provincial.
On trouve une bibliographie complète des œuvres de Stephan Gudmundur Stephansson dans Stephan G. Stephansson : the poet of the Rocky Mountains ([Edmonton], 1982), ouvrage que l’auteure de la présente biographie a rédigé sous le nom de J. W. McCracken. Certains écrits de Stephansson ont été traduits et réunis sous les titres de : [S. G. Stephansson], Selected prose & poetry, Kristjana Gunnars, trad. (Red Deer, Alberta, 1988) ; Selected translations from Andvökur, Jane Ross, édit. (Edmonton, 1982).
Arch. privées, Edwin Stephansson (Markerville, Alberta), papiers de Stephan G. Stephansson.— BAC, RG 15, DIII, 10, 144, f.25 (mfm aux PAA).— Univ. of Manitoba Libraries, Elizabeth Dafoe Library (Winnipeg), Icelandic Coll., Stephansson’s book coll.— Peter Carleton, ” Tradition and innovation in twentieth century Icelandic poetry » (thèse de ph.d., Univ. of California, Berkeley, 1967).— F. S. Cawley, ” The greatest poet of the western world : Stephan G. Stephansson », Scandinavian Studies and Notes (Menasha, Wis.), 15 (1938) : 99–109.— M[agnús] Einarsson, ” Oral tradition and ethnic boundaries ; « West » Icelandic verses and anecdotes », Études ethniques du Canada (Calgary), 7 (1975), no 2 : 19–32.— Stefán Einarsson, A history of Icelandic literature (New York, 1957).— V. J. Eylands, Lutherans in Canada, introd. par F. C. Fry (Winnipeg, 1945).— J. C. F. Hood, Icelandic church saga (Londres, 1946).— Icelandic lyrics : originals and translations, Richard Beck, édit. (Reykjavik, 1930).— Skuli Johnson, ” Stephan G. Stephansson (1853–1927) », Icelandic Canadian (Winnipeg), 9 (1950–1951), no 2 : 9–12, 44–56.— Watson Kirkconnell, ” Canada’s leading poet : Stephan G. Stephansson (1853–1927) », Univ. of Toronto Quarterly, 5 (1935–1936) : 263–277 ; The North American book of Icelandic verse (New York et Montréal, 1930).— W. J. Lindal, The Icelanders in Canada (Winnipeg, 1967).— Kerry Wood, The Icelandic-Canadian poet, Stephan Gudmundsson Stephansson, 1853–1927 : a tribute (Red Deer, [1974]).
Jane Ross, « STEPHANSSON, STEPHAN GUDMUNDUR (Stefán Guðmundsson) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/stephansson_stephan_gudmundur_15F.html.
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Auteur de l'article: | Jane Ross |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
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