SPLINTLUM, PAUL, Indien lillooet, ouvrier condamné pour meurtre ; décédé le 12 décembre 1913 à Kamloops, Colombie-Britannique.

On ne sait rien des jeunes années de Paul Splintlum, sinon que ce membre de la nation lillooet était connu de certains éleveurs de la région de Clinton, en Colombie-Britannique, pour avoir travaillé comme ouvrier agricole pendant la fenaison. Le fait qu’il existe des archives sur lui est inhabituel ; les raisons pour lesquelles il est passé à l’histoire rendent son cas encore plus exceptionnel. En 1912, Splintlum fut condamné, avec son compatriote et ami Moses Paul, pour le meurtre d’Alexander Kindness, constable de la police provinciale. Kindness avait été abattu tandis qu’il poursuivait deux Amérindiens – les « enragés », comme les surnommaient les autochtones – recherchés pour avoir tué près de Clinton en 1911 un mineur, William Whyte, et un bûcheron, Ah Wye. On prétendait que Whyte avait été tué par Moses Paul. Arrêté, Paul s’était évadé puis, croyait-on, avait tué l’unique témoin de la couronne, le bûcheron. Apparemment, Splintlum l’avait aidé, semble-t-il, tant pour l’évasion que pour le meurtre. Plus d’un an après, les deux hommes couraient toujours.

Puis, en mai 1912, un éleveur de la région, Charles Truarn, aperçut deux Amérindiens qu’il prit pour ces « hors-la-loi ». Au cours de la poursuite et de la fusillade qui s’ensuivirent, Kindness fut tué et un autre constable blessé. Les deux Amérindiens, quels qu’ils furent, restèrent au large, « terrorisant » la population non autochtone du district en dépit des efforts redoublés de la police provinciale. Convaincus que les fugitifs ne pouvaient pas leur échapper depuis si longtemps sans l’assistance de leurs compatriotes, les policiers provinciaux, avec l’aide de l’inspecteur des Affaires indiennes Thomas J. Cummiskey, sollicitèrent le concours des chefs de bande des environs de Lillooet et de Kamloops. Leur requête ne reçut pas une réponse immédiate, mais à la mi-décembre 1912, le chef lillooet Jimmy Retasket (Tyee Jimmy) informa le constable en poste à Clinton qu’il connaissait les allées et venues des hors-la-loi et pouvait obtenir leur reddition si on lui laissait une certaine marge de manœuvre. En fait, il réclamait ni plus ni moins qu’une garantie de non-intervention de la police et la promesse que la province rembourserait les frais de ceux qui auraient participé à la capture. Bien que les implications de ces conditions l’aient inquiété, le constable pressa son superviseur et le gouvernement d’accepter, ce qu’ils firent. Ainsi, Retasket, avec les chefs shuswaps des réserves Kamloops, High Bar, Leon Creek, Pavilion, Canoe Creek et Clinton, se trouva investi d’un pouvoir judiciaire.

Trois jours après Noël, les chefs convoquèrent Cummiskey et le constable en chef de Kamloops, Joseph Burr, à une rencontre au palais de justice d’Ashcroft. Après avoir comparé Cummiskey à sir Matthew Baillie Begbie* et à George Anthony Walkem*, deux juges qui avaient gagné la faveur des nations autochtones de la Colombie-Britannique, ils annoncèrent leur intention de « faire leur devoir » en livrant Paul et Splintlum. De son côté, Burr leur assura que les hors-la-loi auraient droit à un procès équitable mais les prévint que, si on les jugeait coupables, ils devraient « payer de leur vie ». Une fois les préliminaires terminés, le groupe se rendit non loin de là, dans la réserve Bonaparte, où s’étaient rassemblés une centaine d’Amérindiens. Cummiskey leur demanda de « s’agenouiller et [de] faire le signe de la rédemption – la croix –, ce qu’ils firent », et, après avoir prononcé un discours sur les dix commandements, il prit sous sa garde les « hors-la-loi en larmes ».

Jugé deux fois pour le meurtre de Kindness – au premier procès, à Vernon, les jurés n’arrivèrent pas à s’entendre –, Splintlum fut trouvé coupable aux assises de New Westminster et condamné à mort. Les deux procès tournèrent autour de questions d’identité. Même si tous les témoins affirmaient que c’était un Amérindien qui avait tiré sur Kindness, seulement un, l’éleveur James Dunbar Boyd, identifia formellement Splintlum. La crédibilité de Boyd fut mise en doute, mais, de toute évidence, le jury le crut. En outre, des preuves indirectes reliaient Splintlum au crime.

Le 12 décembre 1913, un an moins deux semaines après sa reddition, Splintlum monta sur l’échafaud dans la cour du palais de justice de Kamloops. Au lever du soleil, la trappe s’ouvrit ; ainsi s’acheva ce qui avait été jusqu’alors la plus longue affaire criminelle de l’histoire de la province. Condamné à perpétuité en tant que complice de Splintlum, Moses Paul mourrait au pénitencier de New Westminster en 1917.

Le reportage simpliste et « excitant » que l’Inland Sentinel de Kamloops consacra à la capture et à la pendaison de Splintlum laisse dans l’ombre les controverses et le ressentiment engendrés par son procès et sa sentence. Les chefs avaient l’impression d’avoir été trahis par les autorités provinciales et fédérales : ils affirmaient avoir organisé la reddition de Paul et de Splintlum en croyant qu’aucun des deux ne serait pendu.

Dans une perspective plus globale, les circonstances de la capture des deux hommes indiquent que les nations autochtones ne furent pas simplement les victimes d’un processus judiciaire étranger qui avait contribué à les marginaliser après la période de la traite des fourrures. Le constable A. N. O’Daunt, qui avait participé à l’arrestation de Paul et de Splintlum, nota dans son rapport que la police avait « simplement employé une méthode utilisée depuis des années, [à savoir] traiter avec les tribus indigènes, et tenté de parvenir jusqu’[aux suspects] en passant par les chefs ». De fait, la police avait suivi l’exemple des trafiquants de fourrures, qui avaient souvent tenté de s’assurer la coopération des Amérindiens pour capturer des malfaiteurs. Même après l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération en 1871 et au début du xxe siècle, il n’était pas rare que la police recoure à des Amérindiens pour dépister des fugitifs ou rappelle aux groupes autochtones leur devoir d’aider à capturer des criminels. Les homicides n’étaient pas les seuls cas où l’on faisait appel aux Amérindiens : leur participation était essentielle à la poursuite de ceux qui leur vendaient de l’alcool et à l’application de la loi sur les Indiens. Le rôle des Amérindiens dans le maintien de l’ordre était si important qu’O’Daunt considérait la méthode en question comme « le seul moyen sûr de venir à bout des délinquants indiens dans [le] pays ».

L’intervention de Jimmy Retasket et des chefs shuswaps dans le cas de Paul Splintlum et de Moses Paul suggère que les nations autochtones pouvaient utiliser la loi de manière stratégique dans leur propre intérêt. Le fait que les chefs aient d’abord souhaité recevoir des médailles pour leur contribution peut indiquer qu’ils espéraient gagner du prestige et du pouvoir au sein de leur communauté et par rapport à d’autres groupes autochtones. En outre, O’Daunt signale des désaccords dans les groupes sur la question de savoir qui devait récolter le mérite de la capture des « enragés ». Les Lillooets, écrit-il, « sont dépités de se voir retirer le mérite de leur action ». Les Shuswaps, qui ne furent pas associés directement à la capture (même si elle se produisit sur leur territoire), revendiquaient aussi une part du mérite. Leur prétention était d’autant plus sérieuse que les « enragés » furent d’abord jugés à Vernon, en territoire shuswap (même si les chefs lillooets tentèrent de faire tenir le procès à Lillooet, près d’où vivaient la famille et les proches de Paul Splintlum), et que l’exécution de Splintlum eut lieu à Kamloops, aussi en territoire shuswap. Compte tenu de ces événements, la participation des Amérindiens au processus judiciaire peut être interprétée comme un moyen d’utiliser le pouvoir étatique pour avoir plus de prise sur la société civile, ce qui est d’autant plus intéressant étant donné le contexte transculturel dans lequel cette participation s’inscrivait.

Tina Loo

AN, RG 13, B1, 1463, dossier 494a.— BCARS, GR 419, vol. 178, 1913, dossier 184.— Inland Sentinel (Kamloops, C.-B.), 12, 31 déc. 1913.— Robin Fisher, Contact and conflict : Indian-European relations in British Columbia, 1774–1890 (Vancouver, 1977).— Tina Loo, Making law, order and authority in British Columbia, 1821–1871 (Toronto, 1994).— T. W. Paterson, Outlaws of western Canada (Langley, C.-B., 1977).— J. P. Reid, « Principles of vengeance : fur trappers, Indians, and retaliation for homicide in the transboundary North American west », Western Hist. Quarterly (Logan, Utah), 24 (1993) : 21–43.

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Tina Loo, « SPLINTLUM, PAUL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/splintlum_paul_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
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