SPENCE, THOMAS, rédacteur en chef, marchand, homme politique, fonctionnaire et auteur, né le 3 juin 1832 à Edimbourg, fils de Peter Spence, solicitor ; il épousa en premières noces Charlotte Cook, et ils eurent deux enfants ; décédé le 22 mars 1900 à Edmonton.

Il semble que Thomas Spence soit arrivé au Canada en 1852. Selon une source, il était l’un des officiers britanniques envoyés avec les ingénieurs militaires pour construire des fortifications à Pointe-Lévy (Lévis et Lauzon, Québec) au début des années 1860, mais son nom ne figure pas sur les listes d’officiers de l’armée. Il se peut qu’il ait participé à ces travaux et à d’autres en qualité d’arpenteur. Spence manifesta pour la première fois son intérêt pour la question de l’immigration au Canada en 1856–1857 durant un séjour qu’il faisait en Écosse : il y publia une éphémère feuille d’informations intitulée Scottish Canadian Emigration Advocate. Le 1er février 1858, le conseil municipal d’Ottawa le recommanda pour le poste de directeur d’un organisme gouvernemental en Europe. Quand il reçut finalement l’offre huit ans plus tard, Spence avait déjà décidé d’aller s’établir dans la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba). Il arriva avec sa famille à Upper Fort Garry (Winnipeg) le 1er novembre 1866 après un « très dur voyage » et, le lendemain, Charlotte Spence donnait naissance à un fils.

Devenu rédacteur en chef du Nor’Wester, Spence fit rapidement siennes les idées procanadiennes du propriétaire de ce journal, John Christian Schultz, et annonça une assemblée le 8 décembre pour discuter de l’avenir de la colonie. Ce jour-là, Spence, Schultz et trois autres personnes se réunirent promptement (ou, comme le prétendirent leurs détracteurs, prématurément) pour adopter à la hâte des propositions qui préconisaient tant la création d’une colonie de la couronne que son inclusion dans l’éventuelle confédération d’Amérique du Nord britannique. Après l’assemblée, les cinq hommes rencontrèrent un autre groupe, dirigé par le tavernier George Emmerling, qui préférait l’annexion aux États-Unis et leur demanda de reprendre la réunion. Celle-ci se déroula dans une confusion totale et prit fin sans qu’on adopte aucune proposition. Par la suite, Spence recueillit 84 signatures à l’appui des propositions de la première assemblée et envoya une requête officielle à la reine Victoria.

Spence concocta ensuite un plan en vue d’attirer l’attention sur la colonie isolée. Il fit écrire en cri, sur une écorce de bouleau, une adresse censée provenir des Indiens de la Rivière-Rouge qui invitait le prince de Galles à visiter le territoire et à y chasser. On disait railleusement que le seul autochtone au courant de cette dépêche était le jeune Métis qui avait transcrit le texte en caractères syllabiques. La réponse du prince, au regret de ne pouvoir se rendre, arriva au mois de juin suivant.

Au printemps de 1867, Spence exploitait un petit commerce à Portage-la-Prairie, village qui échappait à la compétence du Conseil d’Assiniboia et se trouvait sans lois ni gouvernement officiel. Le 31 mai, des gens se réunirent au magasin de Spence pour adopter des propositions qui soulignaient l’urgence d’intégrer l’établissement dans la nouvelle Confédération. Une fois de plus, Spence envoya une pétition à la reine. Il écrivit également à George Brown* pour lui demander d’appuyer les propositions dans le Globe de Toronto.

En janvier 1868, les colons procédèrent à la réorganisation de leur conseil non officiel pour former le gouvernement de New Caledonia, plus tard appelé la république du Manitoba, et ils élirent Spence président d’un territoire qui devait s’étendre du lac Manitoba jusqu’à la frontière américaine, et du district d’Assiniboia jusqu’au centième méridien. Le 17 janvier, Spence écrivit à Angus Morrison*, député de Niagara, pour demander que la chambre des Communes reconnaisse le gouvernement provisoire ; il ajoutait que, si la chambre ne tenait pas compte de cette requête, le Manitoba se trouverait dans l’obligation de demander protection aux États-Unis. Morrison montra la lettre au premier ministre sir John Alexander Macdonald, qui la remit au gouverneur général lord Monck. On discuta également de cette lettre au Conseil exécutif. Dans sa réponse, Morrison pria instamment Spence de ne pas rendre publique son intention de s’adresser aux États-Unis, car cette menace provoquerait une invasion des féniens [V. John O’Neill*]. Entre-temps, le 19 février, Spence avait envoyé une requête au ministre britannique des Affaires étrangères pour lui demander de reconnaître officiellement le Manitoba. Dans sa réponse, datée du 30 mai suivant, le ministère des Colonies affirmait que les colons n’avaient « aucune autorité pour créer ou organiser un gouvernement ou même mettre en place des institutions municipales » sans consulter la Hudson’s Bay Company ou la couronne.

Pour amasser l’argent nécessaire à la construction d’une résidence pour le gouverneur et d’une prison, Spence, avec son conseil, imposa une taxe sur les importations en provenance de Winnipeg. Un cordonnier nommé MacPherson, qui avait lancé la rumeur selon laquelle les membres du conseil retenaient une partie de cet argent pour étancher leur soif, fut accusé de trahison et sommé de comparaître devant un tribunal présidé par Spence. Une bagarre éclata, on tira des coups de feu dans le plafond, la lampe à huile se renversa, et l’audience prit fin. Sur ce fiasco, le gouvernement s’effondra et l’ancien président partit extraire du sel sur les rives du lac Manitoba.

Revenu dans la colonie de la Rivière-Rouge pendant les troubles de 1869–1870, Spence y fut arrêté trois fois par les partisans du chef métis Louis Riel*. Le 4 décembre 1869, James Ross*, porte-parole des anglophones de la colonie, notait dans son journal qu’on avait détenu Spence, mais pas longtemps. Le mois suivant, un autre chroniqueur, Alexander Begg, écrivait que Spence, délégué de l’Indian Settlement (Dynevor), avait été fait prisonnier parce qu’on le soupçonnait de servir de courrier à des adversaires de Riel ; le 17 mars 1870, il ajoutait qu’un groupe de Métis avait ramené Spence et deux autres prisonniers de Portage-la-Prairie. Pourtant, 11 jours plus tard, Spence devenait rédacteur en chef du journal de Riel, New Nation, publié à Winnipeg.

Après la formation de la province du Manitoba le 15 juillet 1870, on procéda à un recensement à des fins électorales et le lieutenant-gouverneur, Adams George Archibald, confia à Spence et à George H. Young le soin de compiler les rapports des recenseurs. Spence agirait d’ailleurs en qualité de commissaire du recensement dans les Territoires du Nord-Ouest en 1881 et en 1885. Nommé greffier du Conseil législatif du Manitoba le 10 mars 1871, il occupa ce poste jusqu’à l’abolition du conseil le 4 février 1876. Deux ans plus tard, il devenait greffier de l’Assemblée législative. Après que le gouvernement de John Norquay* l’eut congédié en 1885, apparemment pour des raisons politiques car tant le conseil que l’Assemblée avaient fait son éloge, Spence tenta, mais sans succès, d’obtenir une pension ou la réintégration dans ses fonctions.

Dès son arrivée dans la colonie de la Rivière-Rouge en 1866, Spence avait préconisé d’entreprendre une vigoureuse campagne pour y attirer des colons. En 1871, il avait publié Manitoba and the north-west of the dominion [...], la première de six brochures destinées à favoriser l’immigration ; bien écrites et basées sur des faits, elles incitèrent fort probablement des milliers de personnes à s’établir au Manitoba.

Vers 1895, Spence devint greffier adjoint au bureau d’enregistrement des titres de propriété des terres du dominion, à Edmonton, poste qu’il occuperait jusqu’à sa mort. Au début de l’année 1900, soit environ deux ans après le décès de sa seconde épouse, il demanda au ministre de l’Intérieur, Clifford Sifton*, d’être nommé agent d’immigration en Californie, où il souhaitait s’établir pour des raisons de santé. Il mourut peu après.

À son arrivée dans la colonie de la Rivière-Rouge, Thomas Spence s’était vu comme un catalyseur qui pousserait la couronne à trouver rapidement une solution à la situation politique anormale de la colonie. Comme on ne tenait pas compte de ses requêtes, il avait adopté l’approche populiste. Les pionniers de son entourage voyaient en lui un homme vaniteux et peu réaliste qui cherchait d’une manière prétentieuse et parfois même risible à exercer une direction politique. Plus tard dans sa vie, Spence en vint à croire qu’on lui refusait une reconnaissance qu’il estimait légitime : en effet, ses activités politiques avaient secoué les autorités et les avaient amenées à conclure le transfert de Rupert’s Land au Canada, et ses écrits avaient encouragé beaucoup de gens à s’établir dans le Nord-Ouest canadien.

Bruce Peel

Thomas Spence est l’auteur de : Manitoba and the northwest of the dominion [...] (Toronto, 1871 ; 2e éd., Ottawa, 1874 ; réimpr., Québec, 1876) qui fut traduit sous le titre de Manitoba et le nord-ouest du Canada [...] (Ottawa, 1874 ; 2e éd., 1875) ; The Saskatchewan country [...] (Montréal, 1877) ; The prairie lands of Canada [...] (Montréal, 1879 ; 2e éd., 1880) ; Useful and practical hints for the settler on Canadian prairie lands [...] ([Montréal, 1881] ; 2e éd., Saint-Boniface, Manitoba, 1882) ; The question of the hour ! 1883 ; where to emigrate ! [...] ([Montréal, 1883]) ; Canada : the resources and future greatness of her great northwest prairie lands [...] (Ottawa, 1886) ; et d’un manuscrit sur les troubles de la rivière Rouge en 1869–1870, dont une copie est conservée aux AN.

AN, MG 26, G : 45085a–45085g ; MG 29, E2.— PAM, MG 12, A ; MG 13, E.— Begg, Red River journal (Morton).— Canadian north-west (Oliver), 2 : 872–878.— G.-B., Parl., House of Commons paper, 1870, 50, no 443 : 481–492, Red River, copy of all petitions that have been addressed to Her Majesty [...].— J. J. Hargrave, Red River (Montréal, 1871 ; réimpr., Altona, Manitoba, 1977).— Edmonton Bulletin, 23, 26 mars 1900.— A bibliography of the Prairie provinces to 1953 with biographical index, B. B. Peel, compil. (2e éd., Toronto, 1973).— Pioneers of Manitoba (Morley et al.).— R. B. Hill, Manitoba ; history of its early settlement, development and resources (Toronto, 1890).— [J. W.] G. MacEwan, Fifty mighty men (Saskatoon, 1958).

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Bruce Peel, « SPENCE, THOMAS (1832-1900) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/spence_thomas_1832_1900_12F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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