SMART, THOMAS, officier de marine qui mena l’attaque contre les pêcheries françaises de Canseau (Canso) en septembre 1718, décédé le 8 novembre 1722 (ancien style).

Smart fut nommé capitaine et commandant du Squirrel (frégate de sixième ordre comprenant une centaine d’hommes et armée de 20 ou 22 canons) le 26 juillet 1715. Il participa à l’action anti-jacobite de Sir George Byng en Écosse au cours des années 1715 et 1716 puis servit dans la flotte métropolitaine, au large de la côte française, en 1716 et 1717. Envoyé en Amérique du Nord pour prendre part à « une action d’ensemble contre les pirates » le 18 avril 1717, il servit au large de la côte de la Nouvelle-Angleterre de juillet 1717 à juillet 1720.

Le conflit anglo-français pour la possession des pêcheries de Canseau, qui résultait de l’ambiguïté de l’article XIII du traité d’Utrecht (1713) et qui ne fut définitivement réglé qu’avec le traité de Paris (1763), éclata en septembre 1718. En réaction contre le relèvement de la position française à Canseau et une nouvelle revendication par la France des droits de souveraineté, le gouverneur Shute du Massachusetts décida de faire respecter les droits britanniques. Le Squirrel, commandé par le capitaine Thomas Smart, fit voile vers l’île de Canseau et l’île Royale (île du Cap-Breton) le 26 août.

Smart avait reçu ordre : d’étudier la situation sur les lieux ; de se rendre à l’île Royale où il demanderait au gouverneur de Saint-Ovide de Brouillan [Monbeton*] d’ordonner l’évacuation immédiate des pêcheurs français ; en cas de refus, de revenir à Canseau, de démolir les installations des Français, de confisquer leurs vaisseaux et leurs effets et de les chasser de la région. Bien qu’il y ait des contradictions dans les différents comptes rendus que nous avons de l’entrevue qui se déroula entre Smart et Saint-Ovide, il semblerait que ce dernier accepta le retrait des pêcheurs. Mais il consentit seulement à une évacuation temporaire, qui serait retardée jusqu’à la fin de la saison de la pêche et accompagnée d’une même évacuation chez les Anglais. Smart retourna ensuite à Canseau où, du 14 au 25 septembre (25 septembre au 6 octobre, nouveau style), il mit à exécution les autres ordres qu’il avait reçus. Le Squirrel rentra dans le port de Boston le 4 octobre escortant un brigantin, un sloop et plusieurs « chaloupes » qui avaient été confisqués « pour avoir servi à la pêche et au commerce, en violation des 5e et 6e articles du traité de paix et de neutralité en Amérique ».

Sur la recommandation du Conseil du Massachusetts, on garda les vaisseaux dans le port, on vendit aux enchères les denrées périssables de la cargaison et on plaça le produit de la vente en dépôt en attendant que Londres prenne une décision. Une querelle s’éleva alors entre Smart et Shute au sujet du butin, exemple typique des nombreuses querelles qui opposèrent les commandants de la flotte aux gouverneurs de la colonie à l’époque. Les pêcheurs français s’empressèrent en outre de réclamer réparation. Finalement, le 5 juin 1719, tout en niant la validité des arguments français et en faisant même l’éloge de Smart, les membres du Board of Trade résistèrent à leur premier mouvement qui avait été de rejeter ces réclamations et, dans le but de « cultiver des relations de bonne entente entre les deux nations », mais uniquement « comme une grâce et une faveur », ordonnèrent que les navires et les effets qui avaient été confisqués soient rendus ou, le cas échéant, leur valeur remboursée. Toutefois, il n’y a pas de preuve que la restitution prescrite par les juges de la cour de cassation fut effectuée ; la cause du principal réclamant, Joannis de Hiriberry, traîna en longueur jusqu’en 1722, puis fut peu à peu mise de côté sans jamais être réglée.

D’après Shute et le Board of Trade, les pêcheries de Canseau étaient « les meilleures en Amérique et préférables à celles de Terre-Neuve ». De toutes les crises qui éclatèrent dans la lutte pour la possession des pêcheries de Canseau après 1713, c’est l’épisode de septembre 1718 qui eut le plus de conséquences, en grande partie à cause de l’affaire Hiriberry. Cet incident révéla en outre que des intérêts de la Nouvelle-Angleterre étaient à l’œuvre dans la lutte, intérêts dont l’influence ne fit que grandir en Nouvelle-Écosse jusqu’à devenir un des facteurs qui provoquèrent l’expulsion des Acadiens en 1755.

Quant à Smart, ni les plaintes des Français, ni l’attitude compréhensive qu’adoptèrent certains historiens à l’égard de ces plaintes, ne changèrent quoi que ce fût au fait qu’il n’ait fait qu’exécuter les ordres reçus. En effet, comme le reconnut le Board of Trade, même s’il eût été plus judicieux d’employer des « procédés moins durs », Smart et les autorités responsables de son action avaient fait preuve « d’un zèle digne d’éloges dans le service du roi ». Apparemment, Smart ne reçut jamais la gratification qu’une ordonnance du 9 mai 1719 lui avait accordée ainsi qu’à ses officiers « pour services rendus et pour les inciter, ainsi que les autres commandants et officiers des navires de Sa Majesté, à agir de façon semblable à l’avenir ». Mais il méritait vraisemblablement l’acquittement que recommanda le Conseil privé dans le jugement de la cause Hiriberry qui fut rendu en 1722. Quand en avril 1721 le Squirrel fut désarmé et mis en rade, Smart prit sa retraite. Il mourut l’année suivante.

G. P. Browne

AN, Col., B, 44 ; Col., C11B, 1, 2, 3, 5, 6, 8 ; Col., E, 233 ; Section Outre-Mer, Dépôt des fortifications des colonies, carton 5, nos, 276, 277, 278.— APC, Nova Scotia A, 9, 10.— Mass. Hist. Soc., Gay papers, II, III.— PRO, Adm., 1/ 2 451, 1/ 2 452, 8/ 14 ; C.O. 5/ 867, 217/ 2, 217/ 3, 218/1.— The Byng papers, [W. C.] Brian Tunstall, édit. (3 vol., « Navy Records Soc. », LXVII, LXVIII, LXX, Londres, 1932), III.— Coll. de manuscrits relatifs à la N.-F., III : 30, 3439.— Mémoires des commissaires, IV : 429435 ; Memorials of the English and French commissaries, I : 487493.— PRO, CSP, Col., 1719–20, 1720–21.— John Chamberlayne, Magnae Britanniae notitia (25e éd., Londres, 1718).— G.B., Admiralty, List of sea officers, 1660–1815, III.— McLennan, Louisbourg.

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G. P. Browne, « SMART, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/smart_thomas_2F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
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