SMART, CHARLES ALLAN, homme d’affaires, officier dans la milice et dans l’armée, et homme politique, né le 23 mars 1868 à Montréal, fils de Robert Smart, cordonnier, et de Margaret Clark ; le 28 juin 1893, il épousa dans la même ville Ellen Maud McWood, et ils eurent une fille ; décédé le 4 juin 1937 à Westmount, Québec.

Charles Allan Smart grandit à Montréal dans une famille d’immigrants écossais laborieux. Son père était originaire d’Aberdeen et sa mère venait d’Arbroath. Il étudia dans des écoles publiques et à la High School of Montreal. En 1881, il occupa son premier emploi, à titre de commis, à la papeterie Alexander Buntin and Company (entreprise qui s’appellerait Buntin, Boyd and Company à partir de 1883) [V. Alexander Buntin*]. Il y resta trois ans, puis partit travailler chez un négociant en huiles, Tellier, Rothwell and Company, où il passa sept ans. Il fut ensuite voyageur de commerce pour la Dominion Bag Company Limited, entreprise où il fut promu aux postes de gérant et de secrétaire. En 1906, il deviendrait représentant de la Consumers’ Cordage Company.

En 1898, Smart se joignit au 6th Hussars, régiment de cavalerie de la milice dans les Cantons-de-l’Est. Il accéda très rapidement au grade de lieutenant en second et fut affecté à l’unité de Clarenceville (Saint-Georges-de-Clarenceville). Au mois d’août 1900, titulaire d’un certificat de première classe de l’école de cavalerie de Toronto, il s’éleva au rang de lieutenant et, dès 1902, dirigeait son unité en qualité de major. Lord Dundonald [Cochrane], officier général britannique commandant la milice canadienne, invita Smart à mettre sur pied un nouveau régiment, le 13th (Scottish) Light Dragoons. Les officiers de cavalerie qualifiés étaient rares. Ceux que Smart recruta pour former son régiment partageaient une caractéristique qui attira l’attention des membres du cabinet libéral de sir Wilfrid Laurier* : cinq d’entre eux, à l’instar de Smart, étaient d’actifs conservateurs. Sydney Arthur Fisher*, ministre de l’Agriculture et ministre intérimaire de la Milice et de la Défense au moment où Smart soumit sa liste d’officiers pour approbation, biffa le nom d’un candidat peu qualifié et approuva les autres à contrecœur. Dundonald, déjà furieux contre le gouvernement pour son indifférence envers ses préparatifs en vue de l’invasion américaine qu’il croyait imminente, dénonça publiquement l’ingérence partisane de Fisher. Dundonald fut précipitamment rappelé en Grande-Bretagne.

Entre-temps, Smart, récemment promu lieutenant-colonel, se consacrait à l’entraînement de son régiment, qui était, après deux ans d’existence, hautement considéré. En 1907, il termina son mandat d’officier commandant. Il se retira alors, joignit la réserve des officiers et mit à profit son expérience des affaires pour fonder, en 1906, la Smart Bag Company Limited, dont il fut président et directeur général. L’entreprise produisait des sacs de jute et de coton, de la toile de tailleur, du bougran, de la toile de jute, de la ficelle et de la doublure pour cols de chemise dans une fabrique sise au 800, rue Mullins, à Montréal. Smart ouvrit bientôt des manufactures à Toronto et à Winnipeg, puis, après que James William Woods d’Ottawa fut devenu son associé vers 1913, la firme Smart-Woods Limited construisit d’autres usines, à Ottawa et à Welland. La gamme de produits s’agrandit ; elle incluait désormais tentes, auvents, coutil et tissu écru.

Avant même de lancer sa propre entreprise, Smart était devenu membre de la Société Saint-André de Montréal, de l’Engineers’ Club, du Montreal Military Institute, de la Société calédonienne de Montréal et du chapitre Carnarvon des Royal Arch Masons of Quebec. Presbytérien en vue, il avait atteint le rang de maître au sein de sa loge maçonnique, appartenait à l’ordre des Shriners et des Knights Templar, et était également vice-président de la section locale de l’Association des manufacturiers canadiens. Pour nouer des relations de loisirs et d’affaires, il adhéra aux clubs de golf de Beaconsfield et de Westmount. La prospérité permit aux Smart de quitter leur maison modeste de la rue du Sussex pour s’installer dans la nouvelle ville de Westmount. La politique locale y était simple. La Westmount Municipal Association, composée de résidents influents, proposait une liste de candidats approuvés qui étaient systématiquement élus. En 1910, Smart devint conseiller. Deux ans plus tard, il défit facilement le libéral William Rutherford dans la circonscription provinciale de Westmount récemment créée, devenant ainsi son premier représentant à l’Assemblée législative.

Ayant acquis de l’expérience dans la distribution de produits, Smart exerça ses talents dans la mise en marché de fruits de mer en tant que président de la Maritime Fish Corporation Limited en 1910. À cette époque, il était déjà président de la Canadian International Corporation Limited. Des investissements judicieux dans des exploitations minières de la province de Québec l’amenèrent à siéger aux conseils d’administration de plusieurs sociétés minières. En 1911, il fut nommé directeur de la Banque d’Hochelaga, poste qu’il occuperait jusqu’à la fusion avec la Banque nationale en 1924. Il ne négligeait pas pour autant ses intérêts militaires. Samuel Hughes*, nommé ministre fédéral de la Milice et de la Défense après la victoire du Parti conservateur en 1911, tenait à récompenser de vieux amis et des tories loyaux. Smart entrait dans les deux catégories. Au début de 1912, il reçut le commandement de l’Eastern Townships Cavalry Brigade, puis, peu après sa promotion au grade de colonel, il prit la tête de la Provisional Cavalry Division pendant les manœuvres de 1914 à Petawawa, en Ontario.

Au déclenchement de la Première Guerre mondiale, la présence de la cavalerie ne semblait pas nécessaire sur le front de l’ouest. La conjoncture changea quand la Turquie se prépara à attaquer l’Égypte, sous occupation britannique à cette époque. Ottawa offrit d’envoyer 12 régiments de fusiliers à cheval. Hughes donna à Smart le commandement de la 2nd Canadian Mounted Rifles Brigade, ainsi que des 4e, 5e et 6e régiments. Smart rassembla ses hommes à Valcartier, dans la province de Québec, et s’embarqua pour l’Angleterre à la mi-juillet 1915. Entre-temps, les Turcs s’étaient retirés de l’Égypte et Ottawa avait renoncé à l’idée de les attaquer. Le 22 octobre, Smart et sa brigade se rendirent plutôt en France pour se joindre au Corps d’armée canadien nouvellement constitué, mais ce dernier avait besoin d’une troisième division d’infanterie et non de cavaliers. Déçu et impuissant, Smart tomba malade et insista pour qu’on l’envoie en convalescence au Voluntary Aid Detachment Hospital, dans le sud de la France. Pendant ce temps, son contingent forma le noyau de la nouvelle 8e brigade d’infanterie, commandée par le brigadier-général Victor Arthur Seymour Williams*. Une fois rétabli, Smart retourna en Angleterre, le 1er janvier 1916, pour diriger la 15e brigade d’infanterie, formation de renfort.

Le 31 octobre, Smart se chargea de l’entraînement des Canadiens à Crowborough. En avril 1917, il remplaça Samuel Benfield Steele*, parvenu à un âge avancé, à titre de commandant à Shorncliffe, où il demeura jusqu’à sa démobilisation le 15 décembre 1918. Même si, de toute évidence, il était le protégé de Hughes, il semblait avoir satisfait ses supérieurs, comme en témoignèrent deux mentions dans les dépêches, une décoration comme compagnon de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges décernée le 4 juin 1917 et la promotion au rang de brigadier-général en 1918. Cependant, diriger des hommes dans des camps d’entraînement était une façon peu noble de participer à la guerre et la profonde amertume de Smart ne tarderait pas à se manifester.

Pendant que Smart se trouvait outre-mer, sir Lomer Gouin*, premier ministre libéral de la province de Québec, présenta en Chambre des motions pour demander que la rémunération du représentant de Westmount soit versée au complet malgré son absence. Aux élections provinciales du 22 mai 1916, il s’était assuré que le « brave colonel Smart » soit élu sans opposition. Quand Smart prit son siège à nouveau, il fut accueilli par une ovation. Les 4 et 5 mars 1919, dans le camp de Kinmel Park, dans le nord du pays de Galles, des troupes canadiennes, frustrées de la lenteur de leur démobilisation, déclenchèrent des émeutes qui causèrent la mort de cinq hommes. Après cet épisode de violence, Smart donna libre cours à son ressentiment contre l’administration canadienne en Angleterre devant une assemblée sidérée. Smart ranima des allégations au sujet de l’influence de lady Perley, femme de sir George Halsey Perley, ancien ministre responsable des Forces militaires d’outre-mer, selon lesquelles elle aurait persuadé son mari de laisser des Canadiens entre les mains de médecins anglais non qualifiés et d’infirmières anglaises bénévoles et sans formation tout en gaspillant des millions de dollars. Smart décrivit son commandant en Angleterre, le lieutenant-général sir Richard Ernest William Turner*, comme un « homme faible » entouré d’incompétents de son propre choix.

Les attaques de Smart, bien connues de ceux qui avaient passé la guerre au sein du ministère outre-mer, mais inconnues de la majorité des Canadiens, furent saisies avec enthousiasme par l’opposition libérale et les journaux qui s’efforçaient de reprendre leur attitude partisane d’avant-guerre. La plupart de ses victimes, tels Turner et le major-général Gilbert Lafayette Foster, directeur général des services médicaux, ne purent protester que par correspondance privée. Foster demanda si Smart avait partagé les désagréments subis par ses soldats et s’il avait affronté l’ennemi. Il enchaîna : « Non. Il est resté moins de trois mois en France et a passé tout le temps qu’il a pu sous les soins attentifs du service médical. » Le gouvernement unioniste de sir Robert Laird Borden bénéficia d’une réfutation prudente de sir Andrew Macphail, historien officiel des services médicaux du Canada. Peu de Canadiens souhaitaient ressasser la politique de la période de guerre, encore moins les vétérans qui étaient pleins de mépris à l’égard des généraux restés en lieu sûr en Angleterre pendant les combats.

La carrière de Charles Allan Smart s’orienta dès lors vers la politique et les affaires. Il conserva son siège de Westmount aux élections générales de 1919 (qu’il remporta de nouveau sans opposition), 1923, 1927, 1931 et 1935. Il prenait rarement la parole en Chambre et n’intervenait qu’au cours du débat sur le budget annuel ou pour défendre les intérêts des manufacturiers, des vétérans, de Westmount et des municipalités voisines. En 1926, quand le gouvernement eut à ratifier la charte fédérale de l’Église unie du Canada, il tenta en vain de convaincre la majorité catholique de protéger les intérêts presbytériens. Des problèmes de santé l’empêchèrent de se porter candidat en 1936. Le nouveau premier ministre, Maurice Le Noblet Duplessis*, de l’Union nationale, était cependant un vieil ami qui se rappelait que Smart l’avait aidé à ses débuts sur la scène politique. Le 18 mai 1937, Duplessis le nomma à la division d’Inkerman du Conseil législatif. L’état de Smart s’améliora et on le vit même marcher sans le soutien de sa femme. Le 4 juin, il mourut subitement, à son domicile de Westmount, avant de pouvoir siéger au conseil. Ses cendres furent inhumées au cimetière Mont-Royal, à Outremont (Montréal). À sa mort, ses collègues en politique le qualifièrent de gentleman, mais avaient du mal à se souvenir de ses contributions parlementaires. À titre d’officier de milice, il avait consacré temps, énergie et argent pour assurer la sécurité des Canadiens, même si peu d’entre eux s’étaient crus en danger. Pendant la guerre, il avait manifestement satisfait ses supérieurs ; ses commentaires ultérieurs illustraient néanmoins certains conflits politiques internes qui avaient déchiré le commandement canadien.

Desmond Morton

BAC, R2421-0-0.— BAnQ-CAM, CE601-S66, 28 juin 1893 ; CE601-S121, 26 avril 1868.— Gazette (Montréal), 9 juin 1904, 15 mars 1919, 5 juin 1937.— Annuaire, Montréal, 1891–1937.— J. S. Bryce, « The making of Westmount, Quebec, 1870–1929 : a study of landscape and community construction » (mémoire de m.a., McGill Univ., Montréal, 1990).— Canada, Dép. de la Milice et de la Défense, Militia list (Ottawa), 1898–1905.— Canadian annual rev., 1917, 1919.— Desmond Morton, Ministers and generals : politics and the Canadian militia, 1868–1904 (Toronto et Buffalo, N.Y., 1970) ; A peculiar kind of politics : Canada’s overseas ministry in the First World War (Toronto, 1982).— Prominent people of the province of Quebec, 1923–24 (Montréal, s.d.).— Québec, Assemblée législative, Débats, 1912–1937 ; Assemblée nationale, « Dictionnaire des parlementaires québécois depuis 1792 » : www.assnat.qc.ca/fr/membres/notices/index.html (consulté le 4 nov. 2011).— Who’s who and why, 1914, 1915–1916.— Who’s who in Canada, 1922, 1923–1924, 1925–1926, 1928–1929, 1930–1931, 1934–1935.

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Desmond Morton, « SMART, CHARLES ALLAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/smart_charles_allan_16F.html.

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Auteur de l'article:    Desmond Morton
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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2015
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