SERREAU (Sarreau) DE SAINT-AUBIN, JEAN, soldat, marin et seigneur, né au Poitou en 1621, arrivé au Canada vers 1660, mort probablement à Port-Royal (Annapolis Royal, N.-É.) le 29 mars 1705.

Installé à l’île d’Orléans en 1662 dans la seigneurie d’Argentenay, Serreau y vivait paisiblement avec sa femme Marguerite Boileau depuis un certain temps, lorsqu’un nommé Jean Terme, d’origine suisse, vint troubler le bonheur du ménage en entretenant des relations trop intimes avec Marguerite. Malgré les avertissements réitérés du mari, ces fréquentations continuèrent un an environ et furent bientôt la cause de menaces entre les deux rivaux. Un jour de juillet 1665, Jean Terme, surpris par le mari, mit la main à son épée mais l’autre lui assena un coup de bâton qui lui fut fatal. Comme il s’agissait d’un cas de légitime défense, Saint-Aubin fut entièrement exonéré de ce meurtre. Il obtint des lettres de grâce, signées par Louis XIV, et les présenta au Conseil souverain de Québec en janvier 1667. Un mois plus tard, le Conseil fit enregistrer les lettres. En avril, à la demande de Mme d’Ailleboust [Boullongne*], la seigneuresse d’Argentenay, Saint-Aubin fut chassé de la terre qu’il occupait dans l’île d’Orléans.

Peu après 1676, il vint s’établir à Pesmocadie (Passamaquoddy) sur la rivière Sainte-Croix, en Acadie. En juin 1684, il reçut une concession assez étendue qu’il érigea en une seigneurie prospère. Installé dans l’île Archimagan, près de la ville actuelle de St. Andrews au Nouveau-Brunswick, il devint le citoyen le plus influent de l’endroit.

Cependant, des difficultés d’un autre genre l’attendaient. Au mois d’août 1692, William Phips*, qui venait d’être nommé gouverneur du Massachusetts, voulant fortifier la côte du Maine contre les Français, envoya le major Benjamin Church avec ses troupes à la poursuite de l’ennemi, avec ordre de faire autant de prisonniers que possible ; s’étant dirigé vers la baie Penobscot, Church saisit Saint-Aubin et Jacques Petitpas, son gendre, avec leurs familles, et les amena à Boston. Les Bostoniens convoitaient à cette époque une proie qui leur était beaucoup plus précieuse, à savoir, le baron Jean-Vincent d’Abbadie de Saint-Castin, qu’ils considéraient comme leur bête noire. Les deux chefs de famille, pour obtenir leur liberté, feignirent d’accepter la proposition qu’on leur fit d’aller avec deux déserteurs de Québec enlever ou assassiner Saint-Castin. Mais arrivés dans la baie Penobscot, ils ligotèrent les deux traîtres et les conduisirent au gouverneur Robinau* de Villebon qui les fit exécuter. Villebon récompensa les deux Acadiens par une somme d’argent assez considérable « pour leur donner moyen de retirer leurs femmes et enfans des mains des Anglois ».

Il faut croire qu’ils ne purent obtenir la liberté de tous les leurs car, dans une lettre que Saint-Aubin envoya à Boston en 1695, il est question d’une rançon de 30# pour sa fille. Cette lettre laisse croire aussi que Saint-Aubin, ruiné par le raid de Church, rêvait d’aller s’établir ailleurs. Il demandait en effet au gouverneur du Massachusetts, dont le territoire comprenait à cette époque toute l’Acadie, de lui accorder pour sa « terre de Pesmoncady une petite riviere apellee par les Sauvages Secoudec pour y faire construire un moulin à sys [scie] ». De plus, il tenta d’obtenir, du côté de l’île Saint-Jean, une concession appelée Picquetou (Pictou), ainsi qu’une petite rivière appelée Artigonyche (Antigonish, N.-É.). L’année suivante, il demande aux autorités françaises la confirmation de la concession de sa « seigneurie qu’il a été contraint d’abandonner par l’invasion des Anglais et qu’il se trouve en état de rétablir ».

Saint-Aubin s’illustra encore à Terre-Neuve, au service de sa patrie ; ce fut probablement au cours de l’hiver de 1696–1697, lorsque Pierre Le Moyne d’Iberville, après avoir détruit Pemaquid, alla à la conquête de l’île. À cette époque, Jacques-François de Brouillan [Monbeton] était gouverneur à Plaisance (Placentia). Celui-ci, devenu gouverneur de l’Acadie, offrit à Saint-Aubin en 1703 un certificat attestant ses services, sa fidélité et sa bravoure, tant sur le continent qu’à Terre-Neuve.

Pour une brève période, Saint-Aubin passa en France, sans doute pour rentrer en possession de sa terre qu’un arrêt général de 1703 lui avait enlevée. L’année suivante il obtint gain de cause et revint en Acadie, probablement à Port-Royal, où il mourut à l’âge de 84 ans.

C. J. d’Entremont

AAQ, Registres d’insinuation A, 362s.— AN, Col., B, 25, 123 ; Col., D2C, 47/2, f.366 ; Section Outre-Mer : G1, 466 (Recensements de l’Acadie, 1686, 1693).— ASQ, Séminaire, XXXVII, 62.— Mass. Archives, II, 536–538.— Church, King Philips war (Dexter), II : 82–92.— Coll. de manuscrits relatifs à la N.-F., I : 386, 429 ; II : 92–96, 407.— Jug. et délib., I : 371–373, 375s., 379–381, 388, 394s. ; II : 25.— A. Roy, Inv. greffes not., III : 145.— P.-G. Roy, Inv. concessions, IV : 116.— Tanguay, Dictionnaire, I : 548.— Pierre Daviault, Le baron de Saint-Castin, chef abénaquis (Montréal, 1939), 106s.— Guy Murchie, Saint Croix, the sentinel river : historical sketches of its discovery, early conflicts and final occupation by English and American settlers with some comments on Indian life (New York, 1947), 92–97, 99.— Murdoch, History of Nova-Scotia, I 168, 214.— Un drame en l’île d’Orléans en 1665 : Jean Terme tué par Jean Serreau, sieur de Saint-Aubin, NF, II (1927), 79–81.— Ganong, Historic sites in New Brunswick, 266, 304, 307.— P.-G. Roy, Le Suisse Jean Terme, dans Les petites choses de notre histoire, VI : 24–28.— [PANS, RG1, 26, 29 mars 1705.]

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C. J. d’Entremont, « SERREAU (Sarreau) DE SAINT-AUBIN, JEAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/serreau_de_saint_aubin_jean_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
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