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SAUGUAARAM, (Layon, Loring, Loron, Sagouarrab, Sagouarrat, Saguaarum, Seguaron), sachem des Abénaquis pentagouets, guerrier et orateur, circa 1724–1751 dans la région de la rivière Penobscot, Massachusetts (aujourd’hui Maine).
Le nom de Sauguaaram apparaît pour la première fois dans les documents à l’occasion de la guerre dite de Dummer (1722–1727) qui mit aux prises les Abénaquis et la province du Massachusetts. Après la mort de Mog* et du père Sébastien Rale* à Narantsouak (Norridgewock, actuellement Old Point, Madison, Maine) en 1724 et la destruction de leur village pour une deuxième fois, au début de 1725, les Pentagouets estimèrent qu’ils avaient perdu la guerre et acceptèrent l’invitation du Massachusetts à négocier un traité. Bien que Wenemouet* occupât un échelon plus élevé que Sauguaaram dans la hiérarchie, c’est ce dernier qui parla au nom de la tribu au cours de la conférence de juillet et août 1725, à celle de novembre et décembre de la même année et, de nouveau, à celle de juillet et août 1726.
Les démarches des Pentagouets en vue d’un traité de paix constituaient une rupture radicale avec la politique des Français et des Abénaquis du Canada. Afin de sauvegarder l’alliance traditionnelle, Sauguaaram, entre les conférences, se rendit au Canada et tenta, mais sans succès, de convaincre les Abénaquis de consentir à la paix. Au cours des pourparlers avec les Anglais, Sauguaaram réussit à obtenir l’acquiescement implicite du Massachusetts à la présence de missionnaires jésuites au sein de sa tribu ; par sa contribution à l’amélioration des relations commerciales entre Pentagouets et Anglais, il posa les assises d’une paix ultérieure. Néanmoins, en dépit de l’argumentation du chef indien, le Massachusetts ne voulut pas reconnaître que ses établissements étaient à l’origine de la guerre et refusa de limiter leur expansion. La province aussi demanda avec insistance que les tribus signataires du traité lui apportent leur concours afin d’empêcher à l’avenir les soulèvements indiens ; cette clause sera, tout au long des guerres coloniales, une grande source de frictions. C’est la lassitude engendrée par la guerre et non de généreuses concessions qui amena Sauguaaram et les Pentagouets à accepter l’entente qu’on leur proposait.
Sauguaaram désavoua l’accord en janvier 1726 (nouveau style), après qu’Étienne Lauverjat, missionnaire à Panaouamské (Pannawambskek, aujourd’hui Indian Island, Old Town, Maine), lui eut interprété le document. Le sachem déclara qu’il n’avait pas été dans son intention de reconnaître le roi d’Angleterre ni d’accepter de contraindre les autres tribus à se soumettre. Qu’il y ait eu malentendu véritable ou que le geste de Sauguaaram ait été une manœuvre diplomatique, le Massachusetts n’en refusa pas moins de faire d’autres concessions. Ainsi, Sauguaaram acquiesça-t-il, et les Pentagouets approuvèrent le traité le 5 août 1726.
Sauguaaram tira une leçon profitable des négociations qui avaient abouti au traité : le Massachusetts n’accepterait pas de compromis concernant ses prétentions, et les Français, de toute façon, étaient hostiles aux conférences. Il en conclut donc qu’il fallait rester en bonnes relations avec les deux colonies. Heureux de la coopération du sachem, William Dummer, lieutenant-gouverneur du Massachusetts, l’appela son « ami spécial » et lui fit présent d’un fusil marqué de son totem. Sauguaaram fut l’objet de faveurs particulières de la part de l’officier en charge du commerce au fort St George (aujourd’hui Thomaston, Maine), en échange de renseignements.
Lorsque le traité que le Massachusetts avait conclu avec les Pentagouets fut ratifié par l’ensemble des tribus abénaquises, en juillet 1727, Sauguaaram le signa. Toutefois, pour réaffirmer sa première interprétation du document, il écrivit au gouverneur Charles de Beauharnois : « Si donc quelqu’un produirait quel qu’écrit qui me fit parler autrement n’y ait aucun égard car je ne sais pas ce qu’on me fait dire en une autre langue. »
Même si Sauguaaram avait à cœur de demeurer en bons termes avec les deux colonies, il n’oubliait pas pour autant les intérêts des Pentagouets. Lorsque le père René-Charles de Breslay* fut l’objet de mauvais traitements en Nouvelle-Écosse, Sauguaaram rappela avec colère au gouverneur du Massachusetts que « pour ce qui est de notre Religion, nous n’étions pas pour nous interrompre dans sa pratique ». Pour les mêmes raisons, il refusa une offre de missionnaires protestants en 1732 et prit la tête du mouvement d’opposition de sa tribu à l’établissement de colons anglais dans la région de la rivière Penobscot. La querelle au sujet de ces établissements amena les Pentagouets à se rapprocher davantage des Français et plusieurs sachems remirent au gouverneur Beauharnois les « commissions » (symboles d’autorité) qu’ils tenaient des Anglais. Personnellement, Sauguaaram n’avait jamais accepté une de ces marques de faveur de la part des Anglais et il se plaignit au gouverneur du Massachusetts que ces témoignages rendaient les Indiens « excessivement orgueilleux, engendraient des révoltés, lesquels refusaient de se rendre à la Prière et ne faisaient rien d’autre que de s’enivrer ».
Les Pentagouets étaient toujours décidés à sauvegarder leurs bons rapports avec les Anglais aussi bien qu’avec les Français ; conformément aux clauses du traité, Sauguaaram passa l’été de 1740 à apaiser les Abénaquis de Saint-François, fort mécontents de l’expansion que le Massachusetts donnait à son territoire. À son retour, il exaspéra le gouverneur Jonathan Belcher en conseillant au Massachusetts d’éviter de déplaire aux autres tribus abénaquises. Belcher lui fit remarquer : « On dirait que vous êtes prêts à lever la Hache de guerre et que vous êtes guidés en cela par les Français. » « Nous sommes un Peuple libre », lui rétorqua Sauguaaram.
Le sachem se faisait toujours le champion des efforts tentés en vue d’obtenir de meilleures conditions de commerce. Il se plaignit des prix au gouverneur du Massachusetts et aussi de celui qui agissait en qualité d’officier en charge du commerce au fort St George. Il demanda à plusieurs reprises que le commerce du rhum soit l’objet d’une réglementation plus sévère parce qu’ « il interrompait [leurs] Prières et [leur] causait du Tort ».
À l’automne de 1744, les Indiens de la Nouvelle-Écosse et de la rivière Saint-Jean étaient partis en guerre ouverte contre les Anglais. William Shirley, gouverneur du Massachusetts, avait espéré pouvoir empêcher les Abénaquis de s’allier aux Français mais des Pentagouets, exaspérés en partie par la demande qu’il leur avait faite de se joindre aux Anglais pour arrêter la lutte, attaquèrent le fort St George en juin 1745. Sauguaaram chercha à apaiser les Anglais en octobre lorsque, en compagnie de trois autres Indiens, il leur apporta la nouvelle que « les Jésuites leur avaient dit [aux Indiens] de ne plus s’en prendre aux Anglais ». Cette nuit-là, Sauguaaram et ses compagnons furent attaqués par un parti d’éclaireurs et seul Sauguaaram réussit à s’échapper. Avec les autres Pentagouets, il s’enfuit au Canada où il informa Beauharnois que 25 guerriers s’étaient mis en route pour aller exercer leur vengeance contre le Massachusetts. Les Pentagouets demeurèrent au Canada pour le reste de la guerre et se livrèrent à des incursions en Nouvelle-Angleterre. Un des fils de Sauguaaram fut tué au cours d’un engagement et le sachem se montra peu disposé à faire la paix. Même si Sauguaaram prévoyait que « dans le cas d’une guerre française il faudrait briser l’entente de nouveau », les Pentagouets mirent finalement un terme à leur participation à la guerre de la Succession d’Autriche par un traité signé à Falmouth (Portland, Maine) en octobre 1749.
Le traité fut rompu presque immédiatement à la suite du meurtre d’un Indien caniba à Wiscasset, Massachusetts (aujourd’hui Maine), en décembre 1749. Vous nous avez promis justice, rappela Sauguaaram au lieutenant-gouverneur, « c’est pourquoi nous comptons que c’est ce que vous ferez vraiment ». Néanmoins, déjà en juin 1750, un des trois Anglais accusés du crime était acquitté et le procès des deux autres était remis. Même si les Français poussaient les Abénaquis à la vengeance, Sauguaaram et les Pentagouets assurèrent les autorités du Massachusetts qu’ils désiraient la paix. La dernière mention qui est faite de Sauguaaram dans les documents du Massachusetts indique qu’en septembre 1751 il travaillait toujours en faveur de la paix ; cependant, ses efforts et ceux du sachem caniba Nodogawerrimet étaient impuissants à empêcher l’intrusion anglaise en territoire indien.
La vie de Sauguaaram illustre les grandes difficultés qui opposèrent les Abénaquis et le Massachusetts. Sous sa direction, les Pentagouets protégèrent leur religion, mirent tout en œuvre pour obtenir de meilleures conditions de commerce, s’opposèrent à la fondation de nouveaux établissements et ajustèrent leur politique de façon à répondre aux exigences de la Nouvelle-France et à celles de la Nouvelle-Angleterre.
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Kenneth M. Morrison, « SAUGUAARAM (Laron, Loring, Loron, Sagouarrab, Sagouarrat, Saguaarum, Seguaron) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/sauguaaram_3F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |