SASSEVILLE, FRANÇOIS, orfèvre de Québec, né et baptisé le 30 janvier 1797 à Sainte-Anne-de-la-Pocatière (La Pocatière, Québec), fils de Joseph Sasseville, cantinier à Sainte-Anne-de-la-Pocatière, et de Geneviève Roy, décédé à Québec le 28 février 1864.

Le 13 novembre 1819, François Sasseville signe une convention avec Étienne Lajoie, navigateur de Baie-Saint-Paul, au sujet d’une terre dans le comté de Gaspé. Il est dit « garçon majeur apprentif orfebvre demeurant en cette Ville de Québec », mais le mot « apprentif » est rayé, ce qui peut indiquer qu’il venait de terminer son apprentissage. On ne sait rien d’autre sur lui avant 1839 alors que, le 2 juillet de cette année, les descendants de l’orfèvre Laurent Amiot* lui louent la maison de leur père, mort le 3 juin. Le bail stipule que ces derniers « abandonnent au dit Sieur Sasseville toute la boutique maintenant existante telle que laissée par leur père avec le peu de masse en argent qui peut exister, compris tous les ingrédiens et tous effets et articles propres à l’art d’orfèvrie ». François Sasseville a pu faire son apprentissage avec son frère Joseph, de sept ans son aîné et orfèvre à Québec en 1811, mais le don de la boutique d’orfèvre de Laurent Amiot ne laisse aucun doute sur les liens étroits qu’il devait entretenir avec ce dernier.

Plusieurs articles parus dans les journaux de Québec pendant la période d’activité de Sasseville, de 1839 à 1864, font ressortir différents aspects de son œuvre et de sa carrière. Héritier de la clientèle d’Amiot, Sasseville travaille encore plus exclusivement que ce dernier – d’après ce qui nous est connu – à faire des œuvres de type religieux. Il doit pour cela rivaliser avec les importations d’orfèvrerie française : lorsque, en 1846, il exécute un ciboire historié, le Journal de Québec mentionne que c’est là une œuvre « qui ferait honneur aux meilleurs artistes Européens, pour le fini du travail et pour l’élégance des formes, et qui est, de beaucoup préférable à ce qui nous vient d’ordinaire de l’autre côté de l’Atlantique, parce que c’est une œuvre massive, durable et consciencieuse ». En 1850, le même journal mentionne encore que Sasseville « vous fera un calice, un ciboire ou un ostensoir, aussi riche de ciselure que vous le désirez et vous n’aurez pas la douleur, sous une main oublieuse et lourde, de le voir s’affaiser sur sa base, et se briser » comme les œuvres d’importation.

L’introduction de procédés mécaniques tels que le balancier et le mouton dans les ateliers d’orfèvres dès le début du xixe siècle permettait de frapper à froid des pièces d’argent et de créer rapidement et à bon marché des médaillons ornés de diverses scènes historiées, quand ce n’était pas des œuvres tout entières. C’est ce type de pièces d’orfèvrerie importées de France qui avait gagné la faveur du clergé et des fabriques. Sasseville, en plus d’œuvres dont le décor très simple s’apparentait à celui qu’utilisait Amiot, se servit des œuvres françaises comme modèles mais, selon le Journal de Québec du 17 octobre 1850, sans utiliser de procédés mécaniques ; nous savons, toutefois, que Sasseville utilisa de tels procédés.

En octobre 1850, Sasseville et son neveu Pierre Lespérance, qui avait fait son apprentissage chez Laurent Amiot, gagnent un prix à l’exposition industrielle provinciale à Montréal dans la section orfèvrerie : l’œuvre envoyée était un calice. Le 27 mars 1858, on mentionne, dans le Journal de Québec, avoir vu « chez M. Sasseville, orfèvre de Québec, un superbe ostensoir d’argent massif appartenant à la cathédrale et que M. Pierre Lespérance vient de dorer par la galvanoplastie ». Ce procédé de dorure par dépôt électrochimique avait été inventé simultanément en France et en Angleterre en 1839 et son utilisation à Québec nous fait voir que Sasseville et Lespérance suivaient le mouvement de la révolution industrielle. Il est actuellement difficile de préciser jusqu’à quel point Lespérance parvint à exercer son métier indépendamment de Sasseville avant la mort de celui-ci en 1864.

Dans son testament, Sasseville, resté célibataire et ayant accumulé une petite fortune, lègue à Pierre Lespérance, en plus de 100 parts dans la Banque du Peuple, toute sa boutique d’orfèvre. Il lègue aussi « à Ambroise Lafrance si au jour de [son] décès, il était encore [son] apprenti ou employé [...] la somme de cent piastres ».

Succédant à Laurent Amiot, qui l’a sans doute formé, François Sasseville hérite de sa clientèle. Il n’est donc pas étonnant que plusieurs de ses œuvres ne se différencient pratiquement pas, tant par leur forme que par leur décor, de celles d’Amiot. Les œuvres historiées, celles dont Sasseville est le plus fier, sont créées pour rivaliser avec les importations françaises. Toutes, cependant, témoignent de la qualité de son art. Lorsqu’il s’éteint, Pierre Lespérance prend la relève, suivi d’Ambroise Lafrance qui meurt au début du xxe siècle et dont les œuvres reflètent encore l’influence persistante de Laurent Amiot, mais aussi celle de François Sasseville.

Jean Trudel

De nombreuses œuvres de François Sasseville sont conservées aujourd’hui dans les collections du Musée du Québec, de la Galerie nationale du Canada (Ottawa), dans la Collection Henry Birks (Montréal) d’orfèvrerie canadienne et dans les trésors de diverses fabriques. [j. t.]

ANQ-Q, État civil, Catholiques, Notre-Dame de Québec, 5 nov. 1811, 20 déc. 1819, 2 mars 1864 ; Greffe d’Étienne Boudreault, 13 nov. 1819 ; Greffe d’A.-Archange Parent, 20 juin 1836, 2 juill. 1839 ; Greffe d’A.-B. Sirois Duplessis, 30 nov. 1863, 14 mars 1864.— Archives judiciaires, Kamouraska (Rivière-du-Loup), Registre d’état civil, Sainte-Anne-de-la-Pocatière, 15 janv. 1788, 15 avril 1790, 30 janv. 1797.— IBC, Centre de documentation, Fonds Morisset, Dossiers Joseph Sasseville ; François Sasseville ; Pierre Lespérance.— L’Ami de la religion et de la patrie (Québec), 25 août 1848.— Le Journal de Québec, 20 juin 1843, 10 oct. 1846, 17, 22, 26 oct. 1850, 7, 14 juin 1853, 28 mars 1858, 1er, 5, 17 mars 1864.— Luc Lanel, L’orfèvrerie (3e éd., Paris, 1964).— J. E. Langdon, Canadian silversmiths, 1700–1900 (Toronto, 1966).— Gérard Morisset, Un chef-d’œuvre de François Sasseville, Technique (Montréal), XVII (1942) : 526–530 ; Nos orfèvres canadiens, Pierre Lespérance (1819–1882), Technique, XXII (1947) : 201–209 ; L’orfèvre François Sasseville, La Patrie (Montréal), 4 juin 1950 ; L’orfèvre François Sasseville, SRC Mémoires, 3e sér., XLIX (1955), sect. i : 51–54.

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Jean Trudel, « SASSEVILLE, FRANÇOIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/sasseville_francois_9F.html.

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Auteur de l'article:    Jean Trudel
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
Date de consultation:    28 novembre 2024