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RUTTAN, ROBERT FULFORD, chimiste, professeur et administrateur d’université, et fonctionnaire, né le 15 juillet 1856 à Newburgh, Haut-Canada, fils du docteur Allan Ruttan et de Caroline Smith ; décédé célibataire le 19 février 1930 à Montréal.
Peut-être Robert Fulford Ruttan reçut-il son deuxième nom en l’honneur de Francis Fulford*, intronisé premier évêque anglican de Montréal six ans avant sa naissance, car sa mère était une chrétienne militante. Sa famille s’installa à Napanee, au Haut-Canada, vers 1863. Diplômé du collège local en 1877, il s’inscrivit ensuite au programme de sciences naturelles à la University of Toronto, où il se prit de passion pour la chimie et la biologie. En 1881, il obtint une licence ès lettres avec une médaille d’or.
Comme le Canada offrait alors peu de débouchés aux chimistes, que ce soit dans le milieu éducatif ou l’industrie, Ruttan s’orienta vers la médecine. Apparemment, son choix se porta sur le McGill College de Montréal parce que son père y avait étudié et parce que deux sommités y enseignaient : le docteur William Osler*, les principes de médecine, et le docteur Gilbert Prout Girdwood*, la chimie pratique. Ruttan reçut son doctorat en 1884 en même temps que la médaille d’or Sutherland de chimie et la bourse d’études Morrice en physiologie.
Ruttan n’exerça jamais la médecine. Désireux de parfaire ses connaissances par des études postdoctorales en chimie organique, il se rendit en Europe et travailla deux ans sous la direction d’August Wilhelm von Hofmann à l’université de Berlin. Les conclusions de ses travaux parurent dans plusieurs périodiques allemands et canadiens, mais il n’excellerait pas ni comme chercheur ni comme directeur de recherches. Selon son ami et collègue Archibald Byron Macallum*, le manque de temps plutôt que d’aptitudes expliquerait ce fait. Ruttan contribuerait à l’avancement de la chimie surtout à titre de professeur et d’administrateur. Son séjour auprès de Hofmann, brillant pédagogue et démonstrateur, lui avait beaucoup appris. « En tant que professeur de chimie, noterait Macallum, [Ruttan] n’avait guère son pareil. »
Dès son retour au Canada en 1886, Ruttan fut nommé maître de conférences en chimie à la faculté de médecine de la McGill University. Autorisé à arrondir son salaire de professeur en réalisant divers tests, notamment des analyses d’eau, pour des clients de l’extérieur de l’université, il fut l’un des premiers membres d’un petit groupe d’analystes publics à se qualifier en vertu d’une loi du gouvernement canadien. En 1891, il fut promu professeur et, cinq ans plus tard, il entra à la Société royale du Canada.
Grand, bel homme, dynamique et affable, Ruttan se range parmi ces novateurs grâce auxquels McGill acquit, sous les rectorats de John William Dawson* et de William Peterson, une réputation internationale en médecine et, dans une moindre mesure, en sciences pures et appliquées. Par exemple, il veilla à ce que les étudiants de médecine reçoivent une solide formation en chimie (plus précisément en chimie des êtres vivants ou biochimie) et à ce que cette discipline soit à la fine pointe des études supérieures et de la recherche. En 1912, il devint le premier directeur du département dans lequel McGill fusionna ses trois programmes de chimie, soit ceux des facultés de médecine, des arts et des sciences appliquées. Il occuperait ce poste jusqu’en 1928. En outre, à titre de troisième directeur du Chemistry and Mining Building, il supervisa le personnel non professionnel et surveilla les travaux d’entretien, de rénovation et de réaménagement de l’édifice. Admiré tant à McGill que hors du campus, il reçut un doctorat honorifique ès sciences de la University of Toronto en 1914 et fut élu président de la Société royale du Canada en 1919.
Ruttan nourrissait l’ambition de voir les chimistes acquérir un statut professionnel au Canada et souhaitait que la chimie industrielle ait les moyens de se développer dans tout le pays. En 1920, il participa à la fondation du Canadian Institute of Chemistry, qui fut constitué l’année suivante en corporation professionnelle. À titre de président élu de la British Society of Chemical Industry (dont une section canadienne avait vu le jour en 1902), il fit en sorte que cet organisme tienne son assemblée annuelle à Montréal en 1921. C’était la première fois que l’événement avait lieu à l’extérieur de la Grande-Bretagne depuis la fondation de la société en 1881.
La Première Guerre mondiale mit en évidence la nécessité de mobiliser la puissance industrielle du Canada. Aussi le gouvernement fédéral, l’Association des manufacturiers canadiens et plusieurs universités conçurent-ils des moyens de réaliser cet objectif. En 1916, après des mois de délibérations, le gouvernement forma le Conseil consultatif honoraire pour recherches scientifiques et industrielles. Neuf ans plus tard, cet organisme obtint l’autorisation d’adopter un nom plus court, celui de Conseil national de recherches. Ruttan en faisait partie depuis le début et, en 1921, il succéda au premier président administratif, son ami Macallum. Au cours de son bref mandat (de février à août 1921), il réussit à faire adopter aux Communes un projet de loi établissant l’Institut national de recherches scientifiques, laboratoire central dont le directeur relèverait du conseil. Hélas, le Sénat rejeta ce projet de loi. Ruttan avait déjà l’expérience des laboratoires gouvernementaux : il avait appartenu au comité consultatif des Forest Products Laboratories, inauguré sur le campus de McGill en 1913.
Toutes ces activités n’empêchaient pas Ruttan de s’acquitter pleinement de ses responsabilités à McGill. Pendant les années 1920, « l’âge d’or de la chimie », l’université engagea un certain nombre de jeunes professeurs talentueux, tous impatients de diriger des recherches postdoctorales, notamment Harold Hibbert*, Frederick Murray Godshall Johnson, Otto Maass* et George Stafford Whitby. Administrateur hors pair, Ruttan fut doyen des études et de la recherche supérieures de 1924 à 1928.
Robert Fulford Ruttan était aussi un sportif accompli : il jouait au cricket, faisait de la navigation de plaisance et, plus tard, il s’adonna au golf. (Il serait président de la Royal Canadian Golf Association en 1907.) En 1906, on lui demanda de faire partie de la première organisation olympique nationale du Canada, le Central Olympic Committee. À l’époque où il était jeune maître de conférences, il avait partagé un logement avec les docteurs John George Adami et Wyatt Galt Johnston*. On surnommait ce trio d’insouciants les Trois Mousquetaires. Ruttan aimait la compagnie des femmes, mais il ne se maria jamais. Bobby, comme on l’appelait, avait une foule d’amis et aimait les recevoir au University Club ou à son appartement de la rue Sherbrooke. Lorsqu’il prit sa retraite – à la fin de l’année 1927–1928, après 40 ans de service –, ses collègues lui remirent son portrait (maintenant conservé au University Club) et ses étudiants de chimie industrielle lui donnèrent une canne. La salle du personnel de la bibliothèque du département de chimie porte son nom. Ruttan mourut chez lui en 1930 après plusieurs mois de maladie.
On trouve des textes que Robert Fulford Ruttan a présentés à la Société royale du Canada dans les Mémoires de celle-ci : 1re sér., 5 (1887), sect. iii : 61–74 ; 1re sér., 10 (1892), sect. iii : 35–41 ; 3e sér., 9 (1915), sect. iii : 1–11 ; 3e sér., 10 (1916), sect. iii : 169s. ; 3e sér., 14 (1920), sect. iii : xxxv–lvi. Les réimpressions de trois articles qu’il a publiés dans des revues médicales et scientifiques figurent dans le Répertoire de l’ICMH. Ces articles et d’autres, ainsi que des allocutions de Ruttan, sont répertoriés dans le National union catalog.
SAUM, MG 1062, R. V. V. Nicholls, « Notes for a history of the department of chemistry » (s.d.) ; MG 3022.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 1.— SRC, Mémoires, 3e sér., 24 (1930), proc. : vii-xi.
Robert V. V. Nicholls, « RUTTAN, ROBERT FULFORD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/ruttan_robert_fulford_15F.html.
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Auteur de l'article: | Robert V. V. Nicholls |
Titre de l'article: | RUTTAN, ROBERT FULFORD |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
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