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RUCKLE, BARBARA (Heck), née en 1734 à Ballingrane (république d’Irlande), fille de Bastian (Sebastian) Ruckle et de Margaret Embury ; en 1760, elle épousa en Irlande Paul Heck, et ils eurent sept enfants dont quatre atteignirent l’âge adulte ; décédée le 17 août 1804 dans le canton d’Augusta, Haut-Canada.
En règle générale, le personnage qui fait l’objet d’une biographie a joué un rôle dans des événements de grande portée ou bien exprimé des idées particulières dont on retrouve des traces écrites. Barbara Heck ne laissa ni lettre ni déclaration ; même la preuve de faits, telle la date de son mariage, reste secondaire. Il n’existe aucune source manuscrite qui permette de connaître ses sentiments ou de reconstituer ses actions pendant presque toute sa vie. Néanmoins, elle devint un personnage héroïque des premiers jours du méthodisme en Amérique du Nord. Dans son cas, le travail du biographe consiste à définir et à expliquer le mythe, et, si possible, à décrire ce que fut réellement la personne, dépouillée de sa légende.
L’historien méthodiste Abel Stevens écrivait en 1866 : « L’évolution du méthodisme aux États-Unis place maintenant de façon indiscutable l’humble personne de Barbara Heck en tête de la liste des femmes de l’histoire religieuse du Nouveau Monde [...] Son importance tient principalement à la « place » que prit son précieux nom dans l’histoire de cette grande cause à laquelle sa mémoire est à jamais liée, beaucoup plus qu’à l’histoire de sa propre vie. » C’est par hasard que Barbara Heck participa aux débuts du méthodisme aux États-Unis et au Canada. Sa gloire résulte principalement de ce que certains mouvements ou institutions qui réussissent bien ont une tendance naturelle à la glorification de leurs débuts, afin de renforcer leur sens de la tradition et de la continuité avec le passé.
Barbara Ruckle faisait partie d’une communauté particulière de réfugiés allemands, dont les membres, généralement connus sous le nom de palatins, avaient été établis en Irlande en 1709 par le gouvernement britannique. À la suite de la deuxième visite de John Wesley en Irlande en 1748, laquelle mena à l’établissement de l’Irish Conference, bon nombre de palatins, groupe d’une centaine de familles, devinrent méthodistes. Parmi les convertis, rassemblés en sociétés méthodistes, se trouvaient Barbara Ruckle et son futur mari, Paul Heck. L’année de leur mariage, soit en 1760, les Heck et plusieurs autres familles de même communion immigrèrent dans la colonie de New York, avec l’intention de fonder une fabrique de toiles à New York. Ils n’y parvinrent pas et se trouvèrent des emplois dans divers autres domaines.
À ce moment-là, le méthodisme n’était pas encore entré officiellement dans les colonies de l’Amérique du Nord britannique et, sans âme dirigeante, le petit groupe de méthodistes germano-irlandais se laissa aller à l’indifférence religieuse. Selon la tradition, qui est sans aucun doute en grande partie authentique, l’inquiétude de Barbara Heck à l’égard de leur mondanité atteignit sa limite en 1766, lorsqu’elle s’approcha d’un groupe de ses amis qui jouaient aux cartes dans sa cuisine. En colère, elle « prit un coin de son tablier, balaya de sa main les cartes de la table, les ramena dans son tablier, s’en alla vers le feu et jeta le tout dans les flammes [...] Elle mit son bonnet, se dirigea vers Philip Embury et lui dit : « Philip, tu dois nous prêcher sinon nous irons tous en enfer et Dieu réclamera de toi notre sang ! » Hésitant, Embury, qui avait été prédicateur dans une localité irlandaise, releva le défi et tint le premier service dans sa maison. Il y vint cinq personnes dont les Heck et leur esclave africain. La congrégation grandit rapidement et, en 1768, on inaugura la chapelle Wesley (église John Street), première église méthodiste à New York.
Au milieu des années 1760, l’émigration ininterrompue en provenance de la Grande-Bretagne avait amené plusieurs anciens méthodistes dans les colonies nord-américaines. Le groupe qui se forma sous l’impulsion de Mme Heck fut l’un de ceux qui apparurent dans les colonies du Maryland, de la Pennsylvanie et de New York. Conscient de cette évolution, Wesley décida d’envoyer deux missionnaires dans la colonie de New York en 1769. Ceux-ci et leurs successeurs, notamment Francis Asbury, établirent les bases de l’Église méthodiste épiscopale des États-Unis entre 1784 et 1800. Dans l’intervalle, par leurs déplacements, les Heck et les autres familles palatines participaient sans le savoir à la diffusion du méthodisme.
En 1770, manifestement insatisfait de la vie dans la colonie de New York, un groupe comprenant les Embury et les Heck s’établit dans le canton de Camden, près de la ville actuelle de Bennington, au Vermont. Embury forma de nouveau une société à Ashgrove, dans la colonie de New York ; la ville deviendra plus tard un grand centre du méthodisme dans la Conférence de New York. Mais la croissance de la communauté de Camden fut interrompue par les hostilités de la guerre d’Indépendance américaine. Paul Heck s’enrôla dans un régiment loyaliste et, fatalement, en 1778, les rebelles confisquèrent sa ferme. Les Heck, descendants de réfugiés, le devenaient eux-mêmes, membres de ce mélange bigarré de gens qui se trouvèrent coincés entre les durs défenseurs du gouvernement impérial et ceux de l’indépendance coloniale. Ils vinrent donc chercher refuge à Montréal et, comme Loyalistes, furent transférés en 1785 dans le canton no 7 (canton d’Augusta, Ontario).
Paul et Barbara Heck ainsi que leurs enfants survivants construisirent leur nouvelle maison dans la troisième concession du canton. Eux et d’autres familles palatines qui vinrent dans la région et dans les cantons de la baie de Quinte cherchèrent apparemment à conserver les éléments de la solidarité et de la discipline méthodistes. Ces deux groupes constituèrent le noyau des premiers « circuits » de ce qui deviendrait plus tard la Conférence canadienne de l’Église méthodiste épiscopale. Paul Heck s’éteignit en 1795 et Barbara mourut subitement le 17 août 1804, dans la maison de son fils Samuel*. On l’enterra dans le cimetière de l’église anglicane Blue, près de la ville actuelle de Prescott.
En 1909, le ministre méthodiste Albert Carman* notait que Barbara Heck « mena une vie humble, sainte et sans reproche, et mourut dans sa famille, avec sa Bible [...] sur les genoux ». C’est un signe caractéristique des éléments légendaires de sa vie que la Bible qu’elle avait n’était pas en langue allemande, comme le veut la tradition, mais plutôt en néerlandais, et que la maison Heck, démolie récemment et qui était prétendument sa maison, n’est pas celle où elle passa ses dernières années. Il n’y a cependant aucune raison de douter de l’appréciation de Carman. La détermination de Barbara Heck a sûrement contribué de quelque façon à la croissance du méthodisme dans la ville de New York ; pareillement, sa foi dut avoir une influence sur la loyauté de sa famille et de ses amis envers le méthodisme, malgré l’infortune et les déplacements. La carrière de Samuel Heck en tant qu’éminent prédicateur régional dans les établissements le long du Saint-Laurent fut, du moins en partie, un témoignage des profondes convictions de sa mère. Il est cependant faux de prétendre, comme le firent des auteurs méthodistes plus anciens, que Barbara Heck et les familles palatines jouèrent un rôle décisif dans l’établissement du méthodisme dans les colonies de l’Amérique du Nord britannique. Elles ne furent qu’un tout petit groupe à l’intérieur d’un mouvement évangélique qui, dans les régions de l’Atlantique Nord, fut encouragé par une multitude de gens exaltés par les prédications de John Wesley, George Whitefield, Jonathan Edwards et plusieurs autres de moindre importance.
Après un examen rétrospectif, il est évident que la glorification de Barbara Heck reflétait chez les méthodistes canadiens et américains la fierté d’une croissance rapide de leur confession pendant le xixe siècle et leur solide croyance que l’histoire est l’image du travail de la Providence dans le temps. Considérée sous un nouveau jour et dans une plus longue perspective, l’étude de sa vie montre avec quelle facilité l’histoire peut devenir hagiographie et avec quelle persistance on recherche dans notre société des liens personnels significatifs avec le passé.
Les passages concernant Barbara Heck, qu’on trouve dans les anciennes sources secondaires, sont essentiellement d’ordre hagiographique. Ils contiennent cependant des lettres et des souvenirs de personnes qui ont connu ses enfants et ses petits-enfants, ainsi que d’autres parents. Les renseignements qu’ils fournissent correspondent aux documents qui ont survécu, dont la plupart ont trait aux parents et amis de Heck. La « German Bible » de Paul Heck, qui est en fait un Nouveau Testament suivi d’un psautier, se trouve aux United Church Arch., Central Arch. of the United Church of Canada, à Toronto.
Dans From Wesley to Asbury [...], infra, le professeur Baker expose avec clarté les grandes lignes de la première phase de l’histoire des méthodistes dans les Treize Colonies. [g. s. f.]
United Church Arch., Central Arch. of the United Church of Canada, « A collection of documents relating to the Hecks, Emburys, and other clans » (copies).— Frank Baker, From Wesley to Asbury : studies in early American Methodism (Durham, N.C., 1976).— J. [S.] Carroll, Case and his cotemporaries [...] (5 vol., Toronto, 1867–1877).— William Crook, Ireland and the centenary of American Methodism [...] (Londres, 1866).— E. C. Lapp, To their heirs forever (Picton, Ontario, 1970).— Abel Stevens, The women of Methodism [...] (New York, 1866).— W. H. Withrow, Barbara Heck : a tale of early Methodism (Toronto, 1895).— J. W. Hamilton, « Address at the unveiling of the monument to Barbara Heck », Christian Guardian (Toronto), 4 août 1909 : 23–26.
G. S. French, « RUCKLE, BARBARA (Heck) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/ruckle_barbara_5F.html.
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Auteur de l'article: | G. S. French |
Titre de l'article: | RUCKLE, BARBARA (Heck) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |