ROY, NARSISE (Narcis, Narcisse, Narsis, Narsisse), orfèvre et marchand, né le 27 novembre 1765 à Montréal, fils de Jacques Roy et de Marie-Françoise Prud’homme ; décédé le 23 mars 1814 dans la même ville.
Narsise Roy a dû faire l’apprentissage de son métier d’orfèvre entre 1777 et 1786. Il se peut que Robert Cruickshank l’ait formé car leurs poinçons, surtout par le graphisme des initiales RC et NR, offrent des similitudes frappantes. Toutefois, son maître pourrait avoir été l’un des nombreux autres orfèvres actifs à Montréal à cette époque : Louis-Nicolas Gaudin, dit La Poterie, Charles-François Delique, Jacques Varin*, dit La Pistole, Joseph Schindler*, Louis-Alexandre et Pierre Huguet, dit Latour, Bernard Decousse, Dominique Rousseau*, François Larsonneur, Caspar Frederic Grunewalt, Pierre Foureur, dit Champagne, Simon Beaugrand, John Wood, Michael Arnoldi.
Roy, « marchand orfèvre », épouse à Montréal, le 25 juin 1787, Marie-Joseph Jérôme, dit Latour. L’épouse apporte 1 100# en dot ; de plus, elle recevra en 1788 et 1789 deux héritages, l’un de sa mère et l’autre de son père, qui rapporteront 1 800#, 30 cordes et demie de bois franc et la récolte de blé d’une année. Le couple s’installe dans la maison de Pierre Roy, frère de Narsise, rue Saint-Laurent. Douze enfants naîtront de leur union.
Roy entretient des liens étroits avec sa famille. À compter de 1794, il héberge et soigne sa mère, ce qui lui procure certains avantages testamentaires et une aide financière minime de l’un de ses frères parce que « Sa nombreuse famille ne lui [permet] pas de garder Sa dite mère sans quelque indemnité ». Des liens de parenté et d’amitié unissent les Roy à des orfèvres, notamment à Nathan Starns au mariage duquel ils assistent le 20 février 1794. Roy était aussi le parrain de Narcisse Auclair qui deviendra apprenti de Cruickshank en 1805, puis de Starns en 1807. Un autre apprenti de Cruickshank, Michel Roy, était également le neveu de Narsise. Par ailleurs, Roy a évalué les outils et l’orfèvrerie de Pierre Huguet, dit Latour, aux inventaires après décès des épouses de l’orfèvre, une première fois en 1788 en compagnie de Foureur, dit Champagne, et en 1802 avec l’assistance de Starns.
Roy effectue régulièrement des transactions foncières et immobilières. En 1789 et 1790, il acquiert successivement deux propriétés dans le faubourg Saint-Laurent, dont l’une du négociant Louis Cavilhe. Détail fort intéressant, les 6 500 shillings requis pour l’achat seront entièrement payés en orfèvrerie de traite. Le premier versement, effectué en février 1791, est évalué à 1 000 shillings ; il s’agit de « Deux milles pendants D’Oreilles a Lusage des Sauvages, de Bon argent Bien Blanchies et polis dont Moitié petits et Moitié Grands ». La quittance finale sera remise en 1794. La même année, Roy acquiert du marchand Joseph Howard* une troisième propriété, toujours au même endroit, pour le prix de 3 000ª, dont 2 400# seront payées « en ouvrage d’Argenterie Sauvage ». Le paiement de cette dette sera finalement transféré par les héritières Howard au marchand Jean-Baptiste-Toussaint Pothier* en 1805. En 1796, Roy achète encore une terre dans le faubourg Saint-Laurent, puis en 1798, un terrain rue Saint-Jacques, sur lequel il fait aussitôt construire une maison de pierre à deux étages. Il fera bâtir une autre maison en 1808–1809. Ces nombreux investissements témoignent d’une prospérité certaine et d’un sens des affaires développé.
L’engagement successif de cinq apprentis reflète une activité intense : Jean-Baptiste Lapointe en 1793 pour une période de six ans, avec lequel Roy restera en contact et à qui il servira de témoin lors de son mariage en 1802, Charles-Olivier, Lepage en 1796, Antoine Delisle en 1797, Louis Tribaut, dit Laffriquain, en 1801 et François Leclair en 1802. De 1801 à 1804, Roy a rempli pour la North West Company des commandes totalisant la quantité impressionnante de quelque 45 000 objets de traite en argent : broches, boucles d’oreilles, breloques en forme de croix, bracelets et couettes ; les revenus générés, £1 500, constituent une somme fort importante. Roy a aussi vendu à la même compagnie des produits tels que du tissu à la verge et des souliers.
À la fin du xviiie siècle, la demande pour l’orfèvrerie de traite était très forte. À l’instar de plusieurs orfèvres montréalais, Roy a orienté vers ce marché la majeure partie de ses activités professionnelles, s’étant écarté complètement de l’orfèvrerie religieuse. Comme les objets de traite n’étaient pas toujours marqués et comme ils furent dispersés sur un vaste territoire, on ne connaît que quelques ustensiles et bijoux portant son poinçon. L’importance commerciale de l’orfèvrerie de traite, par le nombre d’orfèvres concernés et les quantités phénoménales d’objets fabriqués, n’a pas encore été évaluée à sa juste mesure dans le contexte d’une économie où la traite des fourrures occupait une place privilégiée.
Actif durant 27 ans, Narsise Roy a engagé 5 apprentis ; Cruickshank en a pris le même nombre sur une période de 34 ans, tandis que Huguet, en 35 ans de pratique, a compté sur l’aide de 2 maîtres orfèvres et de 8 apprentis. Ces deux derniers ont cependant fabriqué beaucoup d’orfèvrerie religieuse et domestique. Roy peut donc être classé parmi les plus importants producteurs d’orfèvrerie de traite auprès des Huguet, Cruickshank, Amoldi, Rousseau et Schindler.
John E. Langdon est le seul auteur à mentionner l’apprentissage de Narsise Roy auprès de Robert Cruickshank, mais il ne cite aucun document pour appuyer cette affirmation. [r. d. et j. m.]
ANQ-M, CE1-51, 28 nov. 1765, 25 juin 1787, 4 nov. 1790, 26 mars 1814 ; CE1-63, 1802 ; CN1-68, 23 avril 1813 ; CN1-74, 17 janv. 1788, 30 janv., 27–28 sept. 1802, 12, 26 déc. 1808, 27 avril 1809 ; CN1-121, 23 nov. 1790, 14 mai 1794 ; CN1-128, 21 juin 1787, 1er oct. 1788, 30 mars, 30 mai, 21 août 1789, 11 févr. 1793, 20 févr., 29 juill., 25 sept. 1794, 19, 20 août, 25 oct., 23 nov. 1796, 22 sept. 1797, 30 août, 10 sept. 1798, 24 août, 13 sept. 1799, 13 juin 1801, 29 mai 1805 ; CN1-185, 15 juin, 13 déc. 1802, 4 nov. 1805, 16 oct. 1807 ; CN1-243, 29 mai 1805 ; CN1-313, 23 mai 1809, 17 févr., 27 mars 1810.— MAC-CD, Fonds Morisset, 2, R888/M623/2 ; R888/N222.5.— Langdon, Canadian silversmiths.— Traquair, Old silver of Quebec.— Gérard Morisset, « Bibelots et futilités », La Patrie, 15 janv. 1905 : 14s.
Robert Derome et José Ménard, « ROY, NARSISE (Narcis, Narcisse, Narsis, Narsisse) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/roy_narsise_5F.html.
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Auteur de l'article: | Robert Derome et José Ménard |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |