RITHET, ROBERT PATERSON, homme d’affaires et homme politique, né le 22 avril 1844 à Cleuchhead, près d’Arman, Écosse, quatrième fils de John Rithet et d’Agnes Paterson ; le 27 octobre 1875, il épousa à l’église presbytérienne St Andrew de Victoria Elizabeth Jane Hannay Munro, et ils eurent deux fils et une fille ; décédé le 19 mars 1919 dans la maison familiale, Hollybank, à Victoria.

Fils d’un respectable fermier du Dumfriesshire, Robert Paterson Rithet fréquenta le collège d’Annan, où il étudia les humanités, et entra comme apprenti en 1859 dans une maison de commerce de Liverpool. Il se rendit à Victoria en 1862 et, durant deux ans, chercha de l’or et travailla à la construction routière dans le district de Cariboo, en Colombie-Britannique. En 1865, Gilbert Malcolm Sproat, qui représentait dans l’île de Vancouver la maison londonienne de commission et de transport Anderson and Company, l’engagea. Plus tard dans l’année, quand Sproat alla en Angleterre, Rithet dirigea son bureau de Victoria. En février 1869, Sproat envoya Rithet à San Francisco afin qu’il y trouve des débouchés pour la vente en gros de marchandises anglaises. Peu après, Rithet indiqua que le marché des importations était saturé et non rentable à cause des tarifs douaniers élevés. En juin, il rentra à Victoria.

En cette période où Rithet débutait dans les affaires, la conjoncture économique était instable. Le déclin de la ruée vers l’or en Colombie-Britannique, vers 1865, avait des effets fâcheux : chute de la population, surplus de stocks sur les marchés, incertitude du commerce à commission, hausse des dettes des marchands, effondrement de la valeur des garanties bancaires dans le secteur immobilier. Rithet apprit à bien jauger le marché et le monde des affaires de Victoria et de San Francisco. Épargne et prudence étaient sa devise. Il constata vite que, pour se maintenir à flot, les commissionnaires devaient diversifier leur portefeuille. Il monta des rapports de solvabilité sur sa clientèle. Pendant son séjour à San Francisco, il se lia d’amitié avec un associé de Sproat, Andrew Welch, riche marchand d’origine écossaise qui avait de bonnes relations. Tous ces éléments seraient déterminants pour la suite de sa carrière.

En avril 1870, Rithet trouva un emploi à 1 500 $ par an dans une société de Victoria, la J. Robertson Stewart. L’année suivante, quand Stewart envisagea de prendre sa retraite pour des raisons de santé, Welch acheta son entreprise au nom de Rithet. En septembre 1871, la presse annonça la formation d’une nouvelle société, la Welch, Rithet and Company ; elle avait un capital de 200 000 $. Rithet, installé rue Wharf, dirigeait le siège social de Victoria. Il gagnait un salaire mensuel de 350 $ (plus une prime annuelle de 3 000 $), avait gardé la centaine de clients de Stewart et envisageait l’avenir avec optimisme. Selon lui, l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération annonçait une nouvelle ère d’« amélioration et [de] progrès » et, par l’entremise de Welch, il avait d’excellentes « relations à l’extérieur ».

Dans les années 1870 et 1880, Rithet consolida les intérêts détenus par Stewart dans les domaines du commerce de gros, du commerce à commission et des assurances. En outre, il fut à l’avant-garde de la diversification de l’économie provinciale. Devenu en 1882 vice-président de l’Albion Iron Works de Victoria (fondée en 1861), il en relança les ventes avec Robert Dunsmuir*. Il appartenait au conseil d’administration de la Canadian Pacific Navigation Company, formée en 1883, qui fusionna deux lignes de vapeurs reliant l’île de Vancouver au continent. De plus, dans les années 1880, il acheta des minoteries à Enderby et à Vernon et, à titre de principal commissionnaire de la toute nouvelle industrie de mise en conserve du saumon [V. Alexander Ewen*], il s’occupa des gammes de produits de neuf sociétés. Il faisait de multiples transactions immobilières à Victoria, aux alentours et dans le sud de la partie continentale de la province, était un actionnaire important de la British Columbia Cattle Company et avait, à Victoria et à Delta, de vastes fermes auxquelles il portait un vif intérêt.

Rithet personnifiait le développement économique de la province dans cette période. Les maisons de commerce de Victoria, qui avaient à la fois des liens étroits entre elles et avec San Francisco, étaient le moteur de ce développement. Au début des années 1870, Rithet avait travaillé en collaboration avec William Curtis Ward, directeur, de 1866 à 1896, de la Bank of British Columbia (qui finançait cette filière commerciale Victoria-San Francisco). En 1875, il avait épousé la fille d’Alexander Munro, le régisseur des terres de la Hudson’s Bay Company en Colombie-Britannique. Quelques-uns des leaders les plus influents du monde des affaires de Victoria furent formés par Rithet. Les marchands de la ville bâtissaient une réserve de capitaux en passant des contrats entre eux et en collaborant à de nouvelles entreprises. Ils se faisaient entrepreneurs, et la Chambre de commerce de l’île de Vancouver, où Rithet fut élu en 1872, leur indiquait où investir. De 1879 à 1885, Rithet occupa la présidence de l’organisme qui succéda à la Chambre de commerce, le Bureau de commerce de la Colombie-Britannique, et fut à l’origine d’une série d’initiatives. De plus, le milieu des affaires de Victoria intervenait sur la scène municipale en développant l’infrastructure de la ville et en attirant des investisseurs. Rithet ne faisait pas exception. Il fut nommé juge de paix en 1873, appartint à divers conseils publics et, en tant que maire de Victoria, en 1885, s’employa à améliorer les services publics. De 1894 à 1898, il siégerait à l’Assemblée provinciale. Tant en politique qu’ailleurs, il se montrait l’un des plus fervents promoteurs de Victoria. Dès la fin des années 1880, la Welch, Rithet and Company était la plus grosse maison de commerce de la Colombie-Britannique. Avec la richesse, Rithet avait acquis du prestige. En 1875, il se fit construire un manoir rue Humboldt pour souligner son mariage avec la fille d’une respectable famille. Il s’inscrivit à l’Union Club et à la Quadra Masonic Lodge de Victoria, et fréquentait les cercles de l’élite.

Les années 1890 marquèrent un tournant dans la carrière de Rithet et dans l’économie de la Colombie-Britannique. Andrew Welch mourut en 1889. Rithet accéda à la présidence de la Welch and Company à San Francisco et réorganisa en janvier 1890 son entreprise de Victoria sous le nom de R. P. Rithet and Company Limited. Bon nombre de ses employés devinrent actionnaires, et la compagnie eut bientôt un capital de un million de dollars. En 1890, son chiffre d’affaires dépassa les 3 millions, et sa carrière continuait d’être fructueuse. Cependant, à mesure que Vancouver, terminus occidental du chemin de fer canadien du Pacifique, attirait des capitaux internationaux et devenait un pôle économique, la situation de Victoria se détériorait. Bon nombre des marchands de la ville étaient incapables de rivaliser avec les grandes sociétés d’extraction de richesses naturelles qui profitaient des nouvelles relations de la province au sein du continent et qui achetaient à l’extérieur leurs marchandises et leur équipement.

Rithet réagit à ces changements en défendant la position commerciale de Victoria et en diversifiant son propre portefeuille. En 1889, il consolida l’entreprise sucrière de Welch ; il représentait un certain nombre d’usines de canne à sucre d’Hawaï et projetait de construire une raffinerie à Victoria. En 1890, lorsque Benjamin Tingley Rogers ouvrit une raffinerie à Vancouver, Rithet et d’autres marchands de Victoria lui coupèrent l’herbe sous le pied en inondant le marché de sucre à bas prix en provenance de Hong-Kong. Rogers riposta et encouragea certains grossistes de Victoria à abandonner la lutte, mais Rithet tint bon jusqu’à ce que ses fournisseurs lui retirent leur soutien, en 1896, parce qu’ils subissaient de lourdes pertes. Cette guerre commerciale illustre bien la rivalité qui opposait Victoria et Vancouver dans les années 1890.

À la fin des années 1880, Rithet avait agrandi l’Outer Wharf de Victoria, en partie pour protéger le commerce océanique de la ville, et créé une société qui manutentionnait les cargaisons des vapeurs, la Victoria Wharf and Warehouse Company (constituée juridiquement en 1898). Bien qu’on l’ait d’abord surnommé « la folie de Rithet », l’Outer Wharf ne tarda pas à être rentable ; dès 1910, 75 vapeurs par mois, en moyenne, y accostaient. Au début des années 1890, Rithet reprit l’idée de construire un chemin de fer entre les Rocheuses et Victoria. Ce projet de chemin de fer, le British Pacific Railway, avait des bâilleurs de fonds en Grande-Bretagne, suscitait de nombreux appuis dans l’île de Vancouver et fit l’objet de débats à l’Assemblée provinciale. En 1896, le premier ministre de la province, John Herbert Turner*, annonça que son gouvernement ne soutiendrait pas le projet parce qu’il exigeait de lourdes subventions et des concessions foncières. Cette décision déclencha un tollé dans l’île, et le gouvernement chancela.

Rithet sut s’adapter aux nouvelles tendances économiques. Il investit dans des propriétés foncières et des sociétés minières du continent. En 1897, il promut un autre projet ferroviaire qui, lui aussi, avorta. Cette fois, il s’agissait de relier la côte à la région de Kootenay ; ainsi, espérait Rithet, la richesse engendrée par les mines resterait dans la province au lieu de passer aux États-Unis [V. Daniel Chase Corbin]. À l’Assemblée, il défendit à la fois les intérêts du continent et de l’île de Vancouver, et il critiqua la structure des relations financières entre la province et le pouvoir fédéral.

Toutefois, aucun particulier ne pouvait empêcher les courants de l’économie de changer. Dans les années 1890, les bénéfices de l’Albion Iron Works déclinèrent. En 1891, Rithet rassembla ses intérêts dans la conserverie en une seule entreprise, la Victoria Canning Company Limited, pour concurrencer une société formée cette année-là par Henry Ogle Bell-Irving*, l’Anglo-British Columbia Packing Company. Plus petite, l’entreprise de Rithet était moins en mesure d’affronter les risques inhérents à cette industrie ; après avoir connu des difficultés, elle serait rachetée en 1902 par la British Columbia Packers’ Association. Rithet commença à se concentrer sur son entreprise sucrière et, à la fin des années 1890, il passait le plus clair de son temps à San Francisco. En 1897, pendant qu’il était à Hawaï à titre de consul de la Colombie-Britannique, il tira le meilleur parti possible de l’opposition des Hawaïens à l’annexion aux États-Unis et au trust du sucre, et conclut des contrats d’approvisionnement avec des planteurs. À son retour à San Francisco, il mit sur pied la California and Hawaiian Sugar Refining Company, dont il devint président.

Robert Paterson Rithet quitta la présidence de la Welch and Company en 1915 pour des raisons de santé et se retira graduellement des affaires. À sa mort, en 1919, il laissait une succession de plus de 800 000 $. Le Daily Colonist de Victoria le qualifia d’« homme aux grands projets et aux nombreuses activités » et nota sa « foi indéfectible en l’avenir de Victoria ». Sa carrière illustre l’évolution des tendances de l’économie britanno-colombienne de 1865 à 1920.

Daniel Clayton

BCARS, Add. mss 504 ; Add. mss 2701 ; GR 629 ; GR 1304, file 1919/ 102 ; I/GE/A1m.— City of Victoria Arch., Corporation of the City of Victoria records, sér. 4 (committee reports), 1885–1939 ; 99201-51 (C.-B., Board of Trade, minutes, 1879–1893).— Univ. of B.C. Library, Special Coll. and Univ. Arch. Div. (Vancouver), M205 (Henry Doyle papers), Henry Doyle, « Rise and decline of the Pacific salmon fisheries » (texte dactylographié, 1957).— Daily Colonist (Victoria), 5 mai 1872, 6 avril 1873, 29 oct. 1875, 31 oct. 1876, 27 oct. 1878, 5 janv. 1881, 8 déc. 1889, 2 janv., 8 févr. 1890, 5 avril 1896, 3 juill., 20 nov. 1897, 30 juin 1898, 20 mars 1919.— J. M. S. Careless, « The business community in the early development of Victoria, British Columbia », dans Historical essays on British Columbia, J[ean] Friesen et H. K. Ralston, édit. (Toronto, 1976), 177–200.— C.-B., Board of Trade, Annual report (Victoria), 1881–1894.— John Lutz, « The sibilant sound of escaping steam » : the boiler and engine industry as an index of British Columbia’s de-industrialization, 1880–1915 » (exposé présenté à la British Columbia Studies Conference, Burnaby, C.-B., 1988).— R. A. J. McDonald, « Victoria, Vancouver, and the economic development of British Columbia, 1886–1914 », dans British Columbia : historical readings, W. P. Ward et R. A. J. McDonald, édit. (Vancouver, 1981), 369–395.— Scholefield et Howay, British Columbia.— John Schreiner, The refiners : a century of BC Sugar (Vancouver et Toronto, 1989).— Victoria illustrated ; published under the auspices of the City of Victoria [...] (Victoria, 1891).— Victoria Wharf et Warehouse Company Limited, Memorandum and articles of association ([Victoria, 1898]).

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Daniel Clayton, « RITHET, ROBERT PATERSON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/rithet_robert_paterson_14F.html.

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Auteur de l'article:    Daniel Clayton
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
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