RHODES, NELSON ADMIRAL, industriel, né le 3 mai 1845 à Amherst, Nouvelle-Écosse, un des neuf enfants de John Rhodes, fermier, et de Parmelia Parker ; le 17 décembre 1872, il épousa à Boston Sarah Davison Curry, et ils eurent deux enfants ; décédé le 30 septembre 1909 à Amherst.
À l’âge de 13 ans, à la mort de son père, Nelson Admiral Rhodes quitta Amherst pour aller vivre chez l’une de ses sœurs dans une localité voisine, Sackville, au Nouveau-Brunswick. Il y poursuivit ses études, puis, semble-t-il, retourna à Amherst pour se faire apprenti charpentier. Vers 1867, il alla à Boston, où il travailla comme compagnon charpentier dans un bureau d’architectes avant de devenir surintendant de la construction chez un entrepreneur.
En 1877, année qui suivit celle de la naissance de leur fils Edgar Nelson*, Rhodes et sa femme Sarah Curry, aussi originaire de la Nouvelle-Écosse, s’installèrent à Amherst, de même que le frère de Sarah, Nathaniel*, qui avait déjà travaillé pour des sociétés minières et ferroviaires des États-Unis. Rhodes et Curry s’associèrent à Bayard Dodge, fabricant de portes et châssis. Puis, Dodge les ayant quittés, ils s’orientèrent vers la construction. Dès 1878 (ce fut l’une de leurs premières commandes), ils furent appelés à bâtir le pavillon central et le pensionnat de jeunes filles de l’Acadia College. Ils avaient probablement remporté le concours parce qu’ils appartenaient à l’Église baptiste et y avaient des relations.
Ce contrat fit connaître la compagnie au moment même où l’économie canadienne était sur le point de redémarrer. En plus, l’industrialisation de la région d’Amherst, dans les années 1880, s’accompagna d’une forte hausse des travaux de construction. Contrairement à la plupart des entrepreneurs de construction des Maritimes, qui ne s’aventuraient guère en dehors de chez eux, la Rhodes, Curry and Company, tirant parti de l’expansion du réseau ferroviaire et du fait qu’Amherst était bien situé sur ce réseau, se mit à envoyer des matériaux et des équipes de travail dans d’autres localités de la région. En outre, elle acheta des scieries et des usines pour produire, entre autres, son bois et sa brique, et elle obtint l’autorisation de vendre certains produits, tels des matériaux de toiture et de la vitre. Au fil des années, la Rhodes, Curry and Company bâtit un grand nombre d’édifices en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard. On peut signaler par exemple l’hôtel de ville de Halifax (1889), une maison près de Baddeck pour Alexander Graham Bell* (1893), le bâtiment administratif du Presbyterian College de Halifax (1898), des tours de télégraphie sans fil à la baie Glace pour Guglielmo Marconi (1902), des gares, des bureaux et des rotondes pour le chemin de fer Intercolonial, un grand nombre de bâtiments dans les districts houillers et sidérurgiques de la Nouvelle-Écosse, dont plusieurs centaines de maisons d’ouvriers, ainsi qu’un grand nombre de palais de justice, d’églises, de banques et d’écoles. Rhodes dirigeait les travaux, qui nécessitaient plusieurs centaines d’hommes. En outre, il supervisait la production des matériaux de construction, négociait avec les clients et traitait avec les architectes, dont James Charles Philip Dumaresq.
Par ailleurs, Curry s’était mis, vers 1880, à réparer des wagons de chemin de fer ; puis il en fabriqua. L’à-propos de cette diversification ne tarda pas à apparaître. Dès 1885, notamment grâce à la Politique nationale du gouvernement de sir John Alexander Macdonald*, un marché solide s’offrait à ce secteur. La Rhodes, Curry and Company produisait elle-même, dans ses scieries, le bois des wagons et le bois employé dans le bâtiment. En 1893, elle acquit la Harris Car Works and Foundry de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick [V. James Stanley Harris*], et la réinstalla à Amherst. Dotée ainsi d’un équipement et d’une main-d’œuvre spécialisée qui lui permettaient de fabriquer des wagons entiers, la Rhodes, Curry and Company se hissa aux premiers rangs de l’industrie canadienne de transformation du fer.
En 1891, la Rhodes, Curry and Company avait été constituée juridiquement ; Curry était président et chef de la section des wagons, et Rhodes, vice-président et directeur général des contrats de construction. L’entreprise procéda deux fois à une refonte de son capital et porta en 1908 son capital-actions à 3 millions de dollars. T. out en gardant son siège social à Amherst, elle ouvrit des succursales à New Glasgow, Sydney et Halifax. Dans sa période la plus faste, elle employait 1 200 personnes et figurait parmi les plus grandes entreprises des Maritimes. Selon un article de journal paru en 1894, Rhodes et Curry avaient réussi parce qu’ils avaient séjourné aux États-Unis ; ils avaient adopté « les idéaux américains » et avaient été gagnés par « l’esprit d’entreprise yankee », disait-on. Il est plus probable que leur entreprise bénéficia de la recommandation officieuse des gens qu’ils connaissaient dans les milieux politiques, l’Église et les fraternités.
Comme Rhodes s’absentait souvent d’Amherst pour affaires, il ne pouvait pas participer à la vie municipale aussi activement que Curry. Peut-être n’aimait-il pas les échanges rudes et les attaques personnelles qui caractérisaient la scène municipale ; peut-être s’alarmait-il de l’activité croissante des candidats soutenus par les groupes ouvriers. Quoi qu’il en soit, il se méfiait du processus électoral et semblait favoriser l’exercice du pouvoir par délégation. En 1904, il se laissa convaincre de se présenter à la mairie et fut élu. Son année de mandat fut à peu près sans histoire. Il semble avoir été le contraire de son associé, dont le leadership dans les affaires municipales était assez combatif. Partisan des conservateurs, il versait probablement de l’argent au parti, mais il laissait Curry exercer des pressions en coulisse pour la compagnie.
La mort de Rhodes en 1909 précéda d’un mois la fusion de la Rhodes, Curry and Company avec deux sociétés montréalaises, la Canada Car et la Dominion Car and Foundry. C’est de cette fusion, réalisée par l’entrepreneur montréalais William Maxwell Aitken* et approuvée par Curry, que naquit la Canadian Car and Foundry, géant du secteur manufacturier. La section du bâtiment de la Rhodes, Curry and Company fut incluse dans la transaction parce que, juridiquement parlant, elle n’était pas séparée des autres. Cependant, elle se dissocia de la Canadian Car and Foundry en 1920 ; elle ferma dans les années 1950, après une période de déclin.
Pendant quelque temps, Nelson Admiral Rhodes avait été membre du conseil d’administration de l’Acadia College. Il avait fait partie de la fraternité des Oddfellows, branche d’Amherst, et, comme nombre de ses concitoyens, avait soutenu la cause de la tempérance. Sa succession était tout juste inférieure à 100 000 $, somme modeste pour le copropriétaire de l’une des plus grosses entreprises manufacturières des Maritimes. Il léguait 9 500 $ à son église à Amherst et à d’autres organisations baptistes ; par la suite, sa veuve créa un fonds à l’Acadia College.
Le Cumberland County Museum (Amherst, N.-É.) conserve un portrait de N. A. Rhodes.
Cumberland County Court of Probate (Amherst), Estate papers, n° 1742.— Mass., State Dept. of Public Health, Registry of Vital records (Boston), Marriage records, 17 déc. 1872.— Chignecto Post (Sackville, N.-B.), 7 mars 1878.— Daily News (Amherst), 17 sept. 1894, 3 févr. 1904, 26 mars 1907, 30 sept. 1909.— Daily Post (Sydney, N.-É.), 3 févr. 1904.— Novascotian, 8 oct. 1909.— Biographical review [...] of leading citizens of the province of Nova Scotia, Harry Piers, édit. (Boston, 1900).— Peter Latta et Diane Tye, « Symbols of change : the legacy of two early twentieth-century Nova Scotian builders », N.S. Hist. Rev., 9 (1989), n° 2 : 18–34.
Peter Latta, « RHODES, NELSON ADMIRAL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/rhodes_nelson_admiral_13F.html.
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Auteur de l'article: | Peter Latta |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |