RENAUD DUBUISSON, LOUIS-JACQUES-CHARLES, officier dans les troupes de la Marine, né à Québec le 22 juillet 1709, fils de Jacques-Charles Renaud* Dubuisson et de Gabrielle Pinet (Desmarest), décédé en France, probablement en 1765.

Louis-Jacques-Charles Renaud Dubuisson suivit les traces de son père, major de Trois-Rivières, et embrassa la carrière militaire dès son jeune âge. Cadet à l’aiguillette pendant plusieurs années, il était sur le point d’être promu enseigne en second lorsque, le 12 janvier 1736, il se battit en duel à Trois-Rivières avec un autre cadet des troupes de la Marine, Charles Hertel de Chambly. C’est à la suite de « parolles piquantes » échangées alors qu’ils étaient ivres que Hertel provoqua Dubuisson en duel. Hertel reçut un coup d’épée au bas-ventre et il en mourut deux jours plus tard.

L’affaire s’étant produite entre deux militaires, le conseil de guerre du gouvernement de Trois-Rivières s’en saisit en premier lieu. Le 17 février 1736, il condamna par contumace Dubuisson et la « mémoire » de son compagnon Hertel à être passés par les armes. Cependant cette sentence fut seulement « lue et affichée à la tête des troupes » dans les trois gouvernements du Canada, car Renaud Dubuisson s’était enfui avant son arrestation. Il se réfugia d’abord au fort Orange (Albany, N.Y.) où les autorités le gardèrent en prison pendant 11 mois, croyant qu’il s’agissait d’un espion. Par la suite, il passa aux Antilles françaises, où il sollicita des lettres de grâce des autorités coloniales et métropolitaines. Le roi ne voulut rien lui accorder avant le jugement définitif.

Le Conseil supérieur étant autorisé, dans certaines circonstances, à juger en première instance les causes de duel et, appuyant son droit sur le petit nombre d’officiers de judicature dans la juridiction de Trois-Rivières, se saisit de cette affaire le 26 janvier 1736, 14 jours après le duel. Le tribunal de Trois-Rivières, d’ailleurs, n’avait pas encore instruit le procès. D’une part, le lieutenant général civil et criminel de Trois-Rivières, René Godefroy* de Tonnancour, s’était abstenu de procéder à l’information dans cette affaire, de peur de voir toute son enquête annulée pour cause de récusation. En effet, un lien de parenté existait entre lui et les duellistes : il était cousin de Hertel de Chambly et cousin par alliance de Renaud Dubuisson. D’autre part, le prévôt de la Maréchaussée, Charles-Paul Denys de Saint-Simon, n’avait pas encore procédé à une enquête même s’il avait l’obligation de le faire « dans le même instant » où il apprenait que des combats qui pouvaient être des duels avaient eu lieu.

Bien que le Conseil supérieur eût publié un monitoire à l’automne de 1737 dans certaines paroisses du gouvernement de Trois-Rivières, il ne put obtenir « la révélation des faits et circonstances du duel ». Il ordonna alors, le 28 mars 1738, qu’il fût « plus amplement informé pendant un an ». Entre-temps, Dubuisson, toujours aux Antilles, continuait d’assaillir les autorités métropolitaines de ses demandes de grâce. Il obtint finalement gain de cause et s’empressa de revenir au pays. Le 3 septembre 1740, le conseil de guerre de Trois-Rivières entérinait les lettres de grâce. Quant au Conseil supérieur de Québec, ne trouvant « aucune matière à conviction de crime de duel dans l’information », il acquitta Renaud Dubuisson le 19 septembre 1740.

Dubuisson reprit alors sa carrière dans les armes et fut promu dès 1741 au poste d’enseigne en second que le roi lui avait promis au printemps de 1736. Il gravit par la suite le cursus honorum habituel dans les troupes de la Marine, devenant enseigne en pied en 1745, lieutenant en 1750 et capitaine en 1759. C’est à ce titre qu’il s’illustra au siège de Québec et surtout à la bataille de Sainte-Foy, le 28 avril 1760, où il fut grièvement blessé à l’épaule. Sa conduite lui vaudra d’être décoré de la croix de Saint-Louis le 2 février 1762. Passé dans la mère patrie sur le Molineux à l’automne de 1761, probablement avec une de ses filles et ses deux fils, Renaud Dubuisson mourut en France avant le 5 janvier 1766, date à laquelle le roi accordait une pension à ses trois enfants demeurant en France.

Le 3 août 1741, il avait épousé à Montréal Thérèse Godefroy, qui fut inhumée à Montréal le 24 mai 1778. Toute sa vie, Renaud Dubuisson semble avoir vécu pauvrement. Il était réduit en 1740 « à la charité des humains » selon le gouverneur Charles de Beauharnois, et, en 1760, selon le chevalier de Lévis*, il était « pauvre ».

Les duels entre militaires furent fréquents sous le régime français. Cependant, tous les duellistes ne furent pas traduits en justice, surtout pendant les dernières années de la domination française alors que, avec l’arrivée des troupes de terre, les duels devinrent chose courante. Le cas de Renaud Dubuisson n’est donc pas unique en Nouvelle-France. L’édit de Louis XIV, du 14 décembre 1679, contre les duels s’appliqua avec plus ou moins de rigueur selon la « qualité » de la personne qui avait commis le délit. Les officiers militaires bénéficièrent, la plupart du temps, de la clémence soit de la cour, soit du Conseil supérieur lequel invoquait certaines circonstances atténuantes comme la légitime défense et l’ivresse ; quant aux simples soldats, ils étaient très souvent condamnés à la peine de mort, car leur statut civil et leur manque de moyens pécuniaires ne leur donnaient aucun espoir d’obtenir du roi des lettres de grâce.

André Lachance

AN, Col., B, 64, f.435v. ; 65, f.404 ; 66, f. 11v. ; 68, f.52 ; 71, f.29 ; 81, f.68 ; 91, f.55 ; 125, f.7 ; Col., C11A, 71, ff.78v.s. ; 74, ff.36s. ; 75, f.182 ; 76, ff.31s. ; 104, f.117 ; 115, f.16v. ; Col., D2C, 222/1, f.108 (copies aux APC).— ANQ, NF, Dossiers du Cons. sup., Mat. crim., IV : 317–344v., 390–399 ; NF, Registres du Cons. sup., 1730–1759, ff.37v.–49, 59v.–63.— ANQ-M, Registre d’état civil, Notre-Dame de Montréal, 3 août 1741.— Bornier, Conférences des ord. de Louis XIV, II : 130, 393ss.— Journal du chevalier de Lévis (Casgrain), 271, 457.— RAC, 1886, clxxvii.— Relations et journaux (Casgrain), 239.— Fauteux, Les chevaliers de Saint-Louis.— Tanguay, Dictionnaire.— Ægidius Fauteux, Le duel au Canada (Montréal, 1934) ; La famille Renaud Dubuisson, BRH, XXXVII (1931) : 673–676.— P.-G. Roy, Le duel sous le régime français, BRH, XIII (1907) : 136–138.

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André Lachance, « RENAUD DUBUISSON, LOUIS-JACQUES-CHARLES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/renaud_dubuisson_louis_jacques_charles_3F.html.

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Auteur de l'article:    André Lachance
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
Date de consultation:    28 novembre 2024