RANKIN, ROBERT, marchand de bois et propriétaire de navires, né le 31 mai 1801 à Mearns, dans le Renfrewshire, en Écosse, fils de James Rankin et de Helen Ferguson, décédé le 3 juin 1870 à Bromborough Hall, dans le Cheshire, en Angleterre.

Les parents de Robert Rankin étaient des fermiers à l’aise de la paroisse de Mearns. De 1807 à 1813, il reçut une bonne instruction générale et apprit les rudiments de la tenue de livres à l’école de Mearns, sous la direction de James Jackson, un maître compétent dans la meilleure tradition écossaise, qui forma un grand nombre de personnalités du monde des affaires.

En mai 1815, après quelques mois de travail au bureau de comptabilité de John Wilson, un marchand de Glasgow, Rankin entra dans les bureaux d’une société d’importation de bois, la Pollok, Gilmour, and Company, établie au nouveau et florissant port de Grangemouth dans l’estuaire de Forth, à la limite du canal de Forth and Clyde. Cette maison avait été fondée à Glasgow en 1804 par Allan Gilmour aîné et par les frères John et Arthur Pollok, originaires eux aussi de Mearns. Le frère aîné de Rankin, Alexander*, y travaillait depuis 1806 et s’était rendu dans la région de la rivière Miramichi, au Nouveau-Brunswick, en 1812 pour ouvrir une filiale, la Gilmour, Rankin, and Company. Grâce à l’influence de son frère, Rankin entra au service de l’entreprise durant la difficile année de récession qui suivit la guerre et il ne fut pas long à obtenir de l’avancement. Le 15 décembre 1816, il fut envoyé au bureau principal de Glasgow où il gagna rapidement la faveur d’Arthur Pollok par sa compétence dans la tenue de livres et en comptabilité, et il fut nommé caissier à l’âge de 16 ans.

À cette époque, la Pollok, Gilmour, and Company était devenue, grâce à ses activités à la Miramichi, la principale maison britannique dans le commerce nord-américain du bois. Ces opérations avaient été conçues à l’origine par Allan Gilmour comme un moyen de déjouer le blocus continental de Napoléon qui interdisait l’exportation du bois de la Baltique vers la Grande-Bretagne. La société possédait plus de 50 navires pour le transport et employait 700 hommes dans les forêts et les scieries du Nouveau-Brunswick. L’importance des opérations s’accrut régulièrement avec l’essor rapide du commerce ; en 1818, Gilmour envoya Robert Rankin à la filiale de la Miramichi pour lui permettre d’acquérir de l’expérience dans les colonies.

Au sein de la compagnie, le jeune Rankin était alors considéré comme un homme d’avenir et un associé éventuel. Assidu dans son travail au bureau de la Miramichi, il ne tarda pas à se faire connaître par ses qualités d’administrateur et sa perspicacité dans le marchandage avec les entrepreneurs forestiers. En 1820–1821, il fit un « voyage de prospection » à la rivière Saint-Jean pour évaluer les ressources forestières de la région et il recommanda au bureau principal d’ouvrir une nouvelle filiale à Saint-Jean.

Au cours des années qu’il passa à Glasgow et sur la Miramichi, Rankin s’imposa « une discipline spartiate », au dire de son neveu John Rankin qui écrivit l’histoire de la Pollok, Gilmour, and Company et étudia le carnet de dépenses personnelles de son oncle. À Glasgow, il avait vécu frugalement, dans des logements peu coûteux, mais il avait fait régulièrement des dons à l’Église et aux œuvres de bienfaisance. Sachant qu’il allait travailler dans les colonies britanniques d’Amérique du Nord, il avait également économisé sur le vêtement et la nourriture afin de prendre des leçons de français. Durant ses premières années au Nouveau-Brunswick, il mena une existence modeste et s’efforça de mettre de l’argent de côté. Bien qu’il ne lui soit resté que £45 de la succession de son défunt père, en novembre 1817, après avoir subvenu aux besoins de sa mère, les registres de la compagnie indiquent qu’il avait accumulé près de £400 en épargne à la fin de 1822, montant qui représentait pratiquement la totalité de son traitement pour quatre années de service sur la Miramichi.

Rankin fut appelé à de plus hautes responsabilités au début de l’année 1822, lorsque la Pollok, Gilmour, and Company décida d’ouvrir une filiale à Saint-Jean, comme il l’avait proposé. Au printemps de 1821, il avait fait un pénible voyage par voie de terre de la rivière Miramichi à Saint-Jean pour y transporter son capital sous forme de lingots, mais il jugea, à son arrivée, que le temps n’était pas tout à fait venu de lancer l’entreprise. Un an plus tard, toutefois, il estima avec raison que le commerce du bois allait connaître un nouvel essor et il fonda à Saint-Jean la firme Robert Rankin and Company. En moins de dix ans, grâce à sa perspicacité dans l’achat du bois et le commerce des articles d’importation tels que les denrées et le matériel d’exploitation forestière, il fit de cette filiale la plus prospère et la plus efficace du groupe Pollok, Gilmour, and Company, qui comptait pourtant des filiales florissantes à Bathurst, Chatham, Montréal, Québec, dans le comté de Restigouche et sur la Miramichi. À la différence des autres directeurs de filiales, Rankin avait toute latitude de mener les opérations comme il l’entendait. Il devint, en fait, l’âme dirigeante dans les colonies de Pollok, Gilmour, and Company, cette vaste entreprise qui, en 1838, utilisait 130 navires pour le commerce du bois – ce qui en faisait la plus importante société maritime de la Grande-Bretagne – et employait pas moins de 15 000 hommes dans ses scieries, sur ses quais et dans les forêts, en plus de posséder 2 000 chevaux et bœufs comme bêtes de trait. Au début des années 30, la firme expédiait plus de 300 cargaisons de bois par an. À Saint-Jean, Rankin avait ajouté à son commerce de bois la construction de navires et l’importation sur une grande échelle de textiles, de produits alimentaires et de matériaux de construction ; on estime qu’il devint ainsi le fournisseur de plus de la moitié des nombreux marchands de l’endroit. Il obtint tellement de succès à Saint-Jean durant ces années qu’il exerçait même une influence sur les affaires menées au bureau principal de Glasgow.

John Rankin, qui connaissait bien son oncle, attribua sa réussite à « sa maîtrise parfaite des chiffres et de la tenue des livres, à son amour de l’ordre, à sa rapidité de décision, à sa surveillance étroite des principaux marchés et produits, et au fait qu’il était non seulement un bon acheteur, mais aussi – qualité plus rare – un vendeur avisé et compétent qui n’éprouverait pas de regrets à voir un acheteur réaliser un profit ». Il apparaît également que Rankin avait un esprit lucide et s’exprimait avec clarté. Ses lettres d’affaires étaient remarquables par leur concision et leur netteté.

En 1830, Robert Rankin était un homme riche ; on le considérait comme le principal armateur et marchand de bois de Saint-Jean, mais il continuait à vivre sobrement et sans ostentation. Le 17 mars 1829, il avait épousé Ann, la fille de John Strang, un éminent marchand écossais de St Andrews, Nouveau-Brunswick, où les Écossais, comme à Saint-Jean, dominaient largement l’activité commerciale. En 1837, ses affaires avaient prospéré à tel point qu’il envisageait de prendre sa retraite et de retourner en Écosse où il voulait acheter une propriété pour y faire l’élevage du bétail ; fils de fermier, cette occupation l’intéressait depuis ses jeunes années. Il possédait les ressources financières suffisantes pour satisfaire ce désir, car il avait placé des sommes importantes dans d’autres entreprises, notamment dans les chemins de fer britanniques, les mines, les sociétés d’assurance et les compagnies de navigation.

La réalisation de son projet fut entravée par une crise survenue en 1837 au siège de la société, à Glasgow, à la suite d’une vive querelle qui divisa les fondateurs. Puisque tous les groupes concernés estimaient qu’il était la seule personne en mesure de régler le différend et de prendre la direction générale de l’entreprise, Rankin quitta Saint-Jean avec sa femme et ses enfants à l’été de 1838. En Écosse, il parvint rapidement à racheter la part de Gilmour pour la somme de £150 000 et à reconstituer la Pollok, Gilmour, and Company. Rankin, son frère Alexander et Allan Gilmour* jeune, de la filiale établie à Québec, devinrent alors les associés qui s’assurèrent un intérêt prépondérant dans la compagnie. À l’instigation de Rankin, le bureau principal fut déplacé de Glasgow à Liverpool qui offrait des avantages commerciaux plus intéressants, en particulier dans le secteur du bois, et une nouvelle filiale fut ouverte dans cette ville sous la raison sociale de Rankin, Gilmour, and Company. Dans le but d’utiliser au maximum la vaste flotte de la société durant les mois d’hiver, on ouvrit également des succursales à La Nouvelle-Orléans, Louisiane, et à Mobile, Alabama, où la firme s’engagea dans le commerce florissant du coton.

Avec son sens aigu des affaires, Rankin assura le succès de l’entreprise dans cette région, comme il l’avait fait au Nouveau-Brunswick. Les capitaux placés dans le secteur du coton rapportèrent des profits importants et, en 1851, Rankin devint membre du Dock Committee of Liverpool, le « cercle intime » des principaux marchands et propriétaires de navires. Il possédait une magnifique résidence à Liverpool et il avait acheté la vaste propriété de Bromborough Hall, dans le Cheshire, où il s’adonna, entre autres, à l’élevage du bétail. En 1857, il visita le Canada et les États-Unis avec sa famille et il reçut en bien des endroits un accueil « quasi royal », particulièrement au Nouveau-Brunswick. Jusqu’à son décès, en 1870, il garda la haute main sur l’ « empire » Pollok, Gilmour et Rankin. On peut juger du prestige dont il jouissait à Liverpool par son élection, en janvier 1862, à la présidence du Mersey Docks and Harbour Board, poste considéré comme « la plus grande distinction que la ville de Liverpool pouvait accorder ». En 1865, il établit son fils James comme gentleman-farmer en achetant à son intention deux vastes propriétés dans le Herefordshire.

Au cours des dernières années de sa vie, Rankin rendit de nombreux services à ses concitoyens. Il fonda des instituts d’artisans, des sociétés de tempérance et des orphelinats, et il fournit à plusieurs reprises de fortes sommes pour la pose du premier câble transatlantique, dans les années 50 et 60. Au début de 1869, sa santé s’altéra et ne cessa de décliner malgré un long voyage qu’il fit dans les pays méditerranéens. La perte de sa fille, qui se noya dans le détroit de Menai, pays de Galles, en août 1869, fut un coup terrible pour Rankin qui avait vu la maladie lui ravir déjà quatre de ses sept enfants en bas âge. Il décéda au mois de juin suivant.

Rankin possédait les traits dominants des entrepreneurs écossais de l’époque : il se consacrait entièrement à ses affaires et se préoccupait peu des questions culturelles ou des affaires publiques. Ses seuls intérêts particuliers furent l’élevage du bétail et les occupations d’un gentleman-farmer durant la dernière période de sa vie. Il est difficile de ne pas en conclure que, sauf en ce qui avait trait aux perspectives d’avenir dans le domaine commercial, il manquait de largeur de vues. Selon John Rankin, il était taciturne et très peu sociable. Néanmoins, son travail assidu, ses dons pour le commerce et les transactions financières ainsi que le sens de l’organisation qu’il montra pendant qu’il était dans les colonies puis à Liverpool lui permirent de devenir l’un des hommes d’affaires les plus remarquablement prospères de son temps. Le progrès étonnant qui fut accompli entre 1820 et 1850 dans le commerce du bois au Canada et dans l’industrie de la construction navale au Nouveau-Brunswick est le résultat, dans une large mesure, de sa clairvoyance et de sa ténacité.

David S. Macmillan

General Register Office (Édimbourg), Mearns parish register, 1760–1801.— Liverpool Record Office, City Council, minute books, 1851–1855.— University of Glasgow, Business History Coll., Pollok, Gilmour, and Company, records.— D. S. Macmillan, The « new men » in action : Scottish mercantile and shipping operations in the North American colonies, 1760–1825, Canadian business history, selected studies, 1497–1971, D. S. Macmillan, édit. (Toronto, 1972), 69–103.— John Rankin, A history of our firm, being some account of the firm of Pollok, Gilmour and Co. and its off shoots and connections, 1804–1920 (2e éd., Liverpool, 1921).— C. F. Fay, Mearns and the Miramichi : an episode in Canadian economic history, CHR, IV (1923) : 316–320.

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David S. Macmillan, « RANKIN, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/rankin_robert_9F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
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