POWELL, CHARLES STUART, acteur, directeur de théâtre, éducateur et fonctionnaire, né vers 1749 en Angleterre, fils de S. Powell ; il épousa une prénommée Mary Ann, et ils eurent deux filles, Cordelia et Fidelia ; décédé le 27 avril 1811 à Halifax.
Charles Stuart Powell vit le jour dans une famille du monde du spectacle. Son père était acteur et directeur de théâtre, et Charles Stuart, ainsi que son plus jeune frère, Snelling, embrassèrent la même carrière. Snelling acquit par la suite une certaine notoriété comme « le premier directeur de théâtre qui eût réussi à Boston ». Charles Stuart fit probablement ses premières expériences dans l’ouest de l’Angleterre, en Irlande et au pays de Galles, où son frère était né. En 1781, il devint membre de la compagnie du Theatre Royal, à Bath, qui connaissait alors ses plus beaux jours et qui était « un excellent lieu de formation pour le jeune acteur ». Il fit ses débuts le 26 avril 1788 sur une scène de Londres, au Theatre Royal, à Covent Garden. Dès lors et jusqu’en 1792, Powell fut membre de la troupe de Covent Garden et jouait, pendant l’été, avec le Theatre Royal, dans Haymarket.
À l’été de 1792, Powell immigra à Boston. Il fit sa première apparition au Concert Hall le 13 août ; à cette occasion, il se produisit seul sur scène dans une pièce de John Collins, Evening Brush for Rubbing off the Sleeve of Care. Plus tard cette année-là, il se joignit à la Old American Company de Joseph Harper et joua dans Hamlet et Richard III à la New Exhibition Room. Cette salle avait ouvert ses portes en dépit d’une loi, votée en 1750, qui interdisait les représentations théâtrales. Aussi, à la fin de l’année, Harper était arrêté, et le théâtre, fermé. Cependant, l’opinion publique manifestant de plus en plus son opposition à la loi de 1750, les autorités consentirent, en 1793, à ne plus entreprendre d’autres poursuites judiciaires. Cette même année, Powell fut nommé directeur du nouveau Federal Street Theatre, à Boston, et retourna en Angleterre afin de recruter une troupe de comédiens dont allaient faire partie son épouse et son frère.
Le Federal Street Theatre ouvrit ses portes le 3 février 1794 et reçut un accueil enthousiaste des Bostoniens, bien qu’au cours du même mois les musiciens du théâtre fissent publier dans les journaux locaux un avis dans lequel ils demandaient au public de s’abstenir de leur lancer des pommes, des pierres et autres projectiles. Malheureusement, la situation financière du théâtre était précaire, et, pour empirer les choses, Powell fut accusé de « conduite inconvenante » envers une des comédiennes de la compagnie, accusation contre laquelle il s’éleva publiquement. À la fin de la saison de 1795–1796, après avoir fait faillite, Powell perdit son poste de directeur. Bien qu’il eût manifesté l’intention de retourner en Angleterre et de s’attaquer par écrit à ses détracteurs du Federal Street Theatre, le 26 décembre 1796 il fut nommé directeur du nouveau Haymarket Theatre de Boston, ouvert pour faire concurrence au Federal Street Theatre. Là encore il se trouva en difficulté financière et, à la fin de la première saison, il fut de nouveau limogé comme directeur. Toutefois, malgré son renvoi, il resta, avec son épouse, membre de la compagnie du Haymarket Theatre.
À peu près à la même époque, le prince Edward Augustus vit jouer Powell. Connaissant les déboires et les querelles qui avaient empêché ce dernier de poursuivre sa carrière de directeur de théâtre à Boston, il l’invita à se rendre à Halifax afin, disait-il, de participer « à l’élévation des mœurs publiques et privées de la communauté ». En 1789, les gentlemen amateurs de théâtre de la ville et de la garnison de Halifax avaient fait construire, rue Argyle, le premier véritable théâtre canadien. Nommée à l’origine New Grand Theatre, cette salle était aussi appelée New Theatre et Halifax Theatre. Toutefois, à l’arrivée de Powell, en 1797, elle portait le nom de Theatre Royal, sans doute en l’honneur de son protecteur. Les gentlemen amateurs avaient tenté, avec un certain succès, d’embaucher des comédiens professionnels, mais quelques critiques publiées dans les journaux locaux disaient que la qualité des productions laissait à désirer.
Powell arriva à Halifax à la fin de l’été de 1797 avec son épouse, ses filles et un acteur, J. S. Baker, qui avait travaillé avec lui à Boston. Le 15 septembre suivant, sous le patronage du prince Edward Augustus et du lieutenant-gouverneur, sir John Wentworth, Powell et Baker jouèrent la pièce Collins Evening Brush. Un avis dans la Royal Gazette and the Nova Scotia Advertiser les présenta à la population de Halifax en ces termes : « À en juger par la performance de MM. Powell et Baker, les fervents des divertissements de Thespis peuvent s’attendre à un spectacle agréable. Le premier de ces messieurs s’est maintes fois distingué sur les scènes d’Angleterre et, en des occasions différentes, a dirigé deux des premiers théâtres d’Amérique. » Au début de 1798, Powell était en mesure de présenter des pièces de façon régulière, ainsi que des soirées de variétés dont son Brush est un exemple typique. Une annonce publiée dans la Royal Gazette and the Nova Scotia Advertiser à propos de la représentation de l’œuvre de Richard Cumberland, The Brothers, donnée le 21 mars 1798, montre que Powell s’acquittait avec sérieux de ses responsabilités de directeur : « Les récentes modifications et additions apportées à la scène permettant l’utilisation maximum des machines, on se propose de présenter au tout début de la pièce le spectacle inédit d’un navire en détresse, etc., échoué sur la côte. »
Powell réussit à maintenir en vie le Theatre Royal de Halifax jusqu’en 1802. Il donna plus de 40 représentations dont The Tempest et Richard III de Shakespeare, The London merchant ; or The History of George Barnwell de George Lillo, The Duenna de Richard Brinsley Butler Sheridan, et The Provok’d Husband de Colley Cibber et de sir John Vanbrugh. Le départ de Halifax du prince Edward Augustus à l’été de 1800 modifia sans doute les projets de Powell, car ce départ fut suivi d’une baisse marquée du nombre et de l’importance des représentations, et il semble que Powell abandonna son poste de directeur à l’été de 1802.
En plus de son activité théâtrale, Powell dirigea une école de danse à Halifax, ainsi qu’à Windsor et à Cornwallis. Le 9 juin 1801, lors de l’ouverture de la nouvelle session de la législature, Powell fut nommé sergent d’armes à la chambre d’Assemblée, poste qu’il occupa jusqu’à sa mort. En 1802, il fonda une autre école « afin d’enseigner les classiques ». Il voulait « non seulement attirer l’attention sur les plus belles pages de chaque auteur, mais encore expliquer à ses jeunes élèves la morale à tirer de chacun des nombreux extraits [...] de façon à former leur jugement et à leur inculquer le goût de nourrir leur esprit des belles-lettres ». Powell retourna à Boston pour la saison de 1806–1807, mais il eut tôt fait de revenir à Halifax. C’est dans cette ville qu’en juillet 1807 il fonda le Telegraph, un journal qui eut une existence éphémère. Trois ans plus tard, Powell fit un séjour à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, où, pendant plus de trois mois, il dirigea une école de danse et donna des représentations.
Les dernières années de Powell furent affligées par la maladie et la pauvreté ; apparemment sa mauvaise fortune ne fut guère adoucie par les cachets qu’il toucha pour d’occasionnelles apparitions sur scène. Il mourut chez lui, rue Prince à Halifax, le 27 avril 1811, et fut inhumé dans une fosse sans monument au cimetière St Paul. Après sa mort, son épouse et ses filles retournèrent en Angleterre dans l’espoir d’y exercer leur métier de comédiennes, mais en moins de six mois elles étaient sans le sou. Mis au courant de leur dénuement, le prince Edward Augustus organisa, à leur intention, une représentation-bénéfice qui rapporta £100, et, bientôt après, il leur obtint un passage sur un navire en partance pour Halifax. Cordelia Powell y rouvrit l’école de danse de son père et enseigna notamment à Joseph Howe* et à Beamish Murdoch*.
Comme acteur, il semble que Charles Stuart Powell fut plutôt limité dans ses moyens, mais il était estimé et respecté par les auditoires de Halifax de l’époque. John Bernard, qui joua professionnellement avec lui à Bath, le décrivit comme « un artiste accompli, mais plutôt sévère » . D’après Joseph Howe, Powell « avait un certain talent, mais était très limité et excentrique » . Enfin, quelqu’un qui l’avait vu jouer disait qu’il était « un homme cultivé, facétieux et distingué ».
Nova Scotia Royal Gazette, 1er mai 1811.— Royal Gazette and the Nova Scotia Advertiser, 12 sept. 1797, 20 mars 1798.— T. A. Brown, History of the American stage ; containing biographical sketches of nearly every member of the profession that has appeared on the American stage, from 1733 to 1870 (New York, [1870]).— DAB (biog. de Snelling Powell).— The London stage, 1660–1800 [...], William Van Lennep et al., édit. (5 part. en 11 vol., Carbondale, Ill., 1960–1968), 5e part.— W. W. Clapp, A record of the Boston stage (Boston et Cambridge, Mass., 1853 ; réimpr., New York et Londres, [1968]).— Barnard Hewitt, Theatre U.S.A., 1665 to 1957 (New York et Toronto, 1959).— Arthur Homblow, A history of the theatre in America, from its beginnings to the present time (2 vol., Philadelphie et Londres, 1919 ; réimpr., [New York, 1965]).— Murdoch, Hist. of N.S.— S. M. Oland, « Materials for a history of the theatre in early Halifax » (thèse de m.a., Dalhousie Univ., Halifax, 1966).— Cecil Price, The English theatre in Wales in the eighteenth and early nineteenth centuries (Cardiff, 1948).— G. O. Seilhamer, History of the American theatre (3 vol., Philadelphie, 1888–1891 ; réimpr., New York et Londres, 1968).— M. E. Smith, Too soon the curtain fell : a history of theatre in Saint John, 1789–1900 ([Fredericton, 1981]).— R. E. Toscan, « The organization and operation of the Federal Street Theatre from 1793 to 1806 » (thèse de ph.d., Univ. of Ill., Urbana-Champaign, 1970).— Acadian Recorder (Halifax), 27 nov. 1824, 15 août 1896, 6, 13 nov. 1897.— Y. S. Baines, « The New Grand Theatre, Halifax, 1789–1814 », N.S. Hist. Quarterly (Halifax), 10 (1980) : 1–21.— P. R. Blakeley, « A royal patron of the theatre » , Atlantic Advocate (Fredericton), 58 (1967–1968), no 5 : 42.— A. R. Jewitt, « Early Halifax theatres » , Dalhousie Rev., 5 (1925–1926) : 444–459.— Morning Sun (Halifax), 24 mai, 2 juin 1858.— Novascotian (Halifax), 14 juin 1838 : 189 ; 24 mars 1851.
Alan Andrews, « POWELL, CHARLES STUART », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/powell_charles_stuart_5F.html.
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Auteur de l'article: | Alan Andrews |
Titre de l'article: | POWELL, CHARLES STUART |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |