PINSENT, sir ROBERT JOHN, avocat, homme politique et juge, né le 27 juillet 1834 à Port de Grave, Terre-Neuve, fils de Robert John Pinsent* et de Louisa Broom ; vers 1856, il épousa Anna Brown Cooke, et ils eurent six enfants, puis vers 1873 Emily Hettie Sabine Homfray, et de ce mariage naquirent trois enfants ; décédé le 28 avril 1893 en Angleterre.

Quand Robert John Pinsent naquit, sa famille vivait depuis quatre générations dans la région de la baie Conception, à Terre-Neuve, et son père y était magistrat stipendiaire. Il fit ses études à la grammar school de Harbour Grace sous la direction du père de sir Thomas George Roddick*, John Irvine Roddick. Après un stage de droit chez Bryan Robinson* à St John’s, on l’admit comme solicitor en 1855 et barrister un an plus tard (il reçut le titre de conseiller de la reine en 1865). Sa carrière d’avocat plaidant progressa rapidement dès sa première année de pratique, et surtout à compter de 1858, l’année où Robinson accéda à la Cour suprême. À partir de ce moment, Pinsent fut l’avocat plaidant le plus réputé de Terre-Neuve jusqu’à ce qu’il devienne lui-même juge en 1880.

Pinsent accepta un siège au Conseil législatif en 1859. La politique l’occupa davantage à partir de janvier 1867 : au cours d’une élection partielle, il se porta candidat indépendant dans le district de Port de Grave et fut élu sans opposition à la chambre d’Assemblée. Dans une lettre aux électeurs, il n’avait pas pris position sur la Confédération, mais le Standard, and Conception Bay Advertiser de Harbour Grace avait indiqué qu’il s’opposait aux Résolutions de Québec. Sa brève carrière politique arriva à son point culminant deux ans plus tard, soit au moment où il se joignit aux partisans de la Confédération, que dirigeaient Frederic Bowker Terrington Carter et Ambrose Shea*. À cette occasion, il se présenta encore dans son district mais, cette fois, le fait qu’il ait été natif de la région ne compta guère. Comme la circonscription était majoritairement opposée au projet confédératif, il essuya une cuisante défaite. Malgré l’extrême prudence dont il avait fait preuve en exposant les avantages de la Confédération, le courant de l’opinion était contre lui. En outre, l’électorat se rappelait peut-être qu’il avait défendu une position contraire en 1867. Une note dans laquelle il protestait auprès du directeur du scrutin contre l’intimidation dont les électeurs en faveur de l’union avaient été victimes à Bay Roberts, la plus grosse agglomération du district, donne une idée du climat qui régnait au cours de la campagne.

Pinsent fut quand même nommé de nouveau au Conseil législatif par le gouvernement de Carter et de Shea, qui allait démissionner l’année suivante. Il continua d’y défendre la Confédération, à l’encontre de l’écrasante majorité des conseillers. Aux élections de 1873, il commit l’imprudence de changer de camp et de briguer les suffrages aux côtés des anti-confédérateurs de Charles James Fox Bennett*. Ce parti remporta la victoire, mais Pinsent fut défait dans le district de Trinity Bay. Il souffrit aussi du fait que l’ordre d’Orange était puissant dans ce district et que lui-même, en qualité de membre de l’establishment anglican, ne semblait pas assez protestant aux yeux des électeurs. Après 1873, il reprit position en faveur de la Confédération et continua de lutter pour l’union bien longtemps après que les autres hommes politiques terre-neuviens eurent abandonné. En 1878, il se présenta dans la circonscription de Burin, où il connut une autre défaite. À l’automne de 1879, il était sur le point de se présenter dans St John’s West lorsqu’on lui offrit de combler une vacance à la Cour suprême. Il eut la sagesse d’accepter ce poste, et sa nomination eut lieu au printemps suivant.

Pinsent connut particulièrement peu de succès en politique parce que dans les années 1860 et 1870 il était quasi impossible de se faire élire en appuyant la Confédération. De plus, ses changements d’allégeance, sa difficulté d’accepter la défaite (plus d’une fois, il demanda au gouverneur d’annuler les résultats d’un scrutin) et son fervent anglicanisme étaient tous des facteurs qui, à l’époque, nuisaient à une carrière politique. Il remporta cependant quelques succès personnels durant la courte période où il siégea à la chambre d’Assemblée, soit de 1867 à 1869. Il fut en effet procureur général intérimaire en l’absence de Carter en 1869 et, la même année, il présida un comité spécial sur la Geological Survey of Newfoundland. Ses succès n’allèrent guère plus loin. Il était trop inflexible pour s’adapter à un système politique amoral et pour en accepter les règles, et c’est ce qui ruina sa carrière. En qualité de juge, Pinsent avait tendance à rendre des jugements simples, sans s’appuyer outre mesure sur la jurisprudence. C’était une bonne façon de faire étant donné la grande diversité des causes dont le tribunal terre-neuvien était saisi en cette fin du xixe siècle. En fait, à Terre-Neuve, bon nombre de précédents provenaient des coutumes de la colonie – par exemple, les relations dans la pêche à la morue, qui s’étaient façonnées au cours du siècle précédent. Deux des causes entendues par Pinsent étaient particulièrement importantes et furent portées en appel devant le comité judiciaire du Conseil privé à Londres : Nfld. Railway Co. and Evans and Adamson c. the Government of Nfld. (1887) et Baird et al c. Walker [V. James Baird*] (1891). Le premier de ces procès portait sur la faillite d’une société de construction ferroviaire. Le gouvernement terre-neuvien en revendiquait l’actif parce que les constructeurs n’avaient pas respecté le contrat. La question avait une grande importance, et Pinsent jugea que ce serait nuire au « bon renom » de Terre-Neuve que d’autoriser le gouvernement à saisir l’actif de la compagnie. Le comité judiciaire, en invoquant la jurisprudence et les principes du droit, prit la position contraire, à savoir que le gouvernement avait un droit de saisie. Dans l’affaire qui opposait Baird à Walker, le tribunal de Terre-Neuve, où Pinsent siégeait aux côtés du juge en chef Carter, nia qu’un officier de la marine britannique eût le droit de passer sur une propriété privée pour faire respecter les privilèges de pêche des Français. Les juges déclarèrent que, même si en temps de guerre on pouvait confier des pouvoirs étendus aux officiers de marine, ce n’était pas le cas en temps de paix, et que les droits concédés par des traités ne devaient pas empiéter sur ceux des particuliers. Le comité judiciaire leur donna tout à fait raison. Cette affaire eut de nombreuses incidences sur l’exercice des droits reconnus par traité.

Par ailleurs, Pinsent était, tout comme son père, un membre éminent et actif de l’Église d’Angleterre de Terre-Neuve. Membre du synode et de son conseil de direction durant de nombreuses années, il fut aussi vice-président de la Colonial and Continental Society. En 1880, l’archevêque de Cantorbéry lui décerna un doctorat en droit civil pour les services qu’il avait rendus à l’Église. Comme on peut s’y attendre, il consacrait aussi des énergies à la Law Society of Newfoundland et au Royal Colonial Institute, dont il était membre. Il fut fait chevalier en 1880.

Sir Robert John Pinsent demeura un juge hautement compétent et respecté de la Cour suprême jusqu’à ce que son état de santé l’oblige à quitter ses fonctions. Il mourut subitement en 1893 en Angleterre, où il était allé se faire soigner et rendre visite à des parents.

David J. Davis

Les publications de Robert John Pinsent comprennent : Confederation and amendment of the local constitution considered (St John’s, 1867), et T.-N., House of Assembly, Select Committee upon the Geological Survey of Newfoundland, Report (St John’s, 1869).

Cathedral of St John the Baptist (Anglican) (St John’s), Reg. of baptisms, 1834–1879 (mfm aux PANL).— PANL, GN 1/3, 1864–1884.— Port de Grave, T.-N., Anglican Church, reg. of baptisms, 1827–1869 (photocopies aux PANL).— PRO, CO 199/63, 65, 70 (mfm aux PANL).— St Paul’s Anglican Church (Harbour Grace, T.-N.), Reg. of baptisms, 1834–1879 (copies aux PANL).— The book of Newfoundland, J. R. Smallwood et al., édit. (6 vol., St John’s, 1937–1975), 6 : 60–65.— Decisions of the Supreme Court of Newfoundland, E. P. Morris et al., édit. (St John’s), 7 (1884–1896).— Nfld. men (Mort), 7.— Evening Telegram (St John’s), 28 avril 1893.— Morning Chronicle (St John’s), 21–22 nov. 1873.— Royal Gazette and Newfoundland Advertiser, 31 janv. 1879.— Times and General Commercial Gazette (St John’s), 4 févr. 1874, 29 avril 1893.

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David J. Davis, « PINSENT, sir ROBERT JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/pinsent_robert_john_12F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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