PEGUIS (Be-gou-ais, Be-gwa-is, Pegeois, Pegouisse, Pegowis, Pegqas, Pigewis, Pigwys ; connu également sous les noms de Destroyer et de Little Chip, et baptisé du nom de William King), chef indien sauteux, né vers 1774 près de Sault-Sainte-Marie (Ontario), décédé le 28 septembre 1864 à la Rivière-Rouge (Manitoba).
Né dans la région des Grands Lacs, Peguis faisait partie des Sauteux (Ojibwés) qui émigrèrent vers l’ouest avec le mouvement de la traite des fourrures à la fin des années 1790 et s’installèrent sur les bords du ruisseau Netley qui se jette dans la rivière Rouge au sud du lac Winnipeg. Il accueillit les premiers colons amenés à la Rivière-Rouge par lord Selkirk [Douglas*] en 1812, et on lui attribue le mérite de les avoir assistés et défendus pendant les années difficiles. Lorsque le groupe le plus important de colons arriva en 1814 et ne trouva ni les jardins cultivés ni les maisons construites qu’on leur avait promis, Peguis les emmena chasser le bison au fort Daer (Pembina, Dakota du Nord). Les enfants, fatigués par le voyage, furent transportés à dos de poneys fournis par les Indiens. Les Sauteux apprirent à chasser aux colons et les emmenèrent dans leur expédition annuelle vers les régions de bison.
Peguis se rangea du côté de la Hudson’s Bay Company pendant sa querelle avec la North West Company et, quand les colons de Selkirk furent attaqués à Seven Oaks le 19 juin 1816 [V. Robert Semple*], il offrit son aide aux survivants. La future grand-mère de Louis Riel *, Marie-Anne Gaboury*, première Blanche à s’établir dans l’Ouest et dont le mari était absent quand les Nor’Westers occupèrent le fort Douglas, fut sauvée par Peguis et elle alla se réfugier dans son camp avec ses enfants pendant plusieurs semaines. Avant que les autres colons ne s’enfuient vers Norway House au nord, Peguis vint à leur aide et leur donna de la nourriture.
Le 18 juillet 1817, Peguis fut l’un des cinq chefs sauteux et cris qui signèrent un traité avec lord Selkirk fournissant un territoire destiné à la colonisation. Ce territoire comprenait une bande de terrain de deux milles de large de chaque côté de la rivière Rouge et de la rivière Assiniboine, commençant à partir de leur confluent à l’intérieur de l’actuelle ville de Winnipeg et remontant la rivière Rouge jusqu’à l’actuel Grand Forks (Dakota du Nord) et la rivière Assiniboine jusqu’au ruisseau Rat. Le traité concédait également des terrains allant jusqu’à six milles dans toutes les directions à partir du fort Douglas, du fort Daer, et de Grand Forks. Chaque tribu devait recevoir en échange un versement annuel de 100 livres de tabac. Ce traité concernant des terres fut le premier signé dans l’Ouest du Canada.
Colin Inkster, homme politique du Manitoba, décrivit Peguis dans ses écrits en 1909 comme un homme « de petite taille, solidement charpenté, avec une voix d’orateur. [Il] portait une chemise de coton, un pagne, des jambières en tissu rouge et surtout une couverture dans laquelle il s’enveloppait ; il portait deux longues tresses ornées de bijoux en cuivre jaune, et des médailles décoraient sa poitrine. » L’une de ces dernières était une médaille que lui avait offerte lord Selkirk pour confirmer le traité de 1817. Le visage de Peguis, cependant, était défiguré du fait qu’il avait perdu un morceau de nez au cours d’une querelle tribale vers 1802. C’est ainsi que certains colons le connaissaient sous le nom de « The Cut-Nosed Chief » (le chef au nez coupé).
Peguis et les siens, au nombre de 65 en 1816, vivaient aussi bien de la chasse que de la culture du blé, des pommes de terre, de l’orge et d’autres céréales dans leur village sur le ruisseau Netley. C’est dans ce village que le missionnaire anglican John West* rencontra Peguis en 1820, et ce dernier encouragea les missionnaires à instruire les gens de sa tribu [V. William Cockran]. En 1836, la mission St Peter fut construite tout près du village afin de desservir les Indiens chrétiens du ruisseau Netley et, le 7 octobre 1840, Peguis répudia trois de ses quatre femmes afin de pouvoir être baptisé par le révérend John Smithurst. Sa dernière épouse et lui-même prirent pour noms Victoria et William King, et leurs enfants adoptèrent plus tard le nom de Prince.
Peguis jouit de l’estime et du respect de la Hudson’s Bay Company pendant toute sa vie, et en 1835 le gouverneur George Simpson* lui accorda une rente annuelle de £5 en reconnaissance des services qu’il leur avait rendus. Peguis portait aussi sur lui un certificat de lord Selkirk attestant qu’il était « l’un des plus grands chefs Chipeways ou Sauteux de la Rivière-Rouge », qu’il avait « toujours été un ami fidèle de la colonie depuis ses débuts », et qu’il n’avait « jamais renié sa cause même dans les pires moments ».
Peguis fut un visiteur bien accueilli à l’établissement de la Rivière-Rouge, et même après que la menace d’hostilités des Indiens fut passée, on se souvint de l’aide qu’il avait apportée auparavant. En 1860 cependant Peguis commença à montrer son mécontentement lorsque les colons blancs se mirent à utiliser des terres que sa tribu n’avait pas concédées, et il déposa une plainte officielle à l’Aborigines Protection Society. Il fit également remarquer que le paiement en tabac instauré en 1817 n’avait été qu’un simple paiement symbolique pour conserver leurs bonnes grâces et que les arrangements pour la cession officielle n’avaient jamais été faits. De plus, il refusa au gouverneur et au Conseil d’Assiniboia le droit d’édicter toute loi concernant les territoires non cédés avant qu’un nouveau traité n’ait été conclu. Ce n’est qu’après le transfert du territoire au dominion du Canada en 1870 que les autorités prirent des mesures pour rectifier la situation : le Traité n° 1 fut négocié en août 1871 par le fils de Peguis, Mis-koo-kee-new, connu sous les noms de Red Eagle ou Henry Prince.
Peguis ne devait pas connaître ce dénouement ; il mourut en septembre 1864 et fut enterré dans le cimetière de l’église St Peter. En 1924, un monument fut érigé à la mémoire du chef indien à Kildonan Park, Winnipeg.
Morris, Treaties of Can. with Indians, 13–15, 298–300, 313–316.— [John Tanner], A narrative of the captivity and adventures of John Tanner (U.S. interpreter at the Sault de Ste-Marie) during thirty years of residence among the Indians in the interior of North America (Minneapolis, Minn., 1956), 154.— John West, The substance of a journal during a residence at the Red River colony, British North America ; and frequent excursions among the North-West American Indians, in the years 1820, 1821, 1822, 1823 (Londres, 1824 ; réimpr. [East Ardsley, Angl., et New York], 1966), 102–104.— A. S. Morton, History of the Canadian west, passim.— W. L. Morton, Man. : a history (1957), passim.— A. E. Thompson, Chief Peguis and his descendants (Winnipeg, 1973).— Colin Inkster, Noble chief Peguis, Manitoba Free Press (Winnipeg), 17 avril 1909.— Betty Woods, Peguis, Western Producer (Saskatoon, Sask.), 18 août 1966.
Hugh A. Dempsey, « PEGUIS (Be-gou-ais, Be-gwa-is, Pegeois, Pegouisse, Pegowis, Pegqas, Pigewis, Pigwys), baptisé William King (Destroyer, Little Chip, The Cut-Nosed Chief) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/peguis_9F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |