PARKHURST, EDWIN RODIE, critique musical et dramatique, né le 3 juin 1848 à Walworth (Londres), fils de Rodie Parkhurst, commis des postes, et de Phoebe See ; décédé célibataire le 10 juin 1924 à Toronto.

Edwin Rodie Parkhurst compta parmi ses maîtres de musique George Hart, de la maison londonienne de luthiers Hart and Son. Excellent violoniste, George Hart possédait aussi des talents littéraires : son livre sur le violon fut acclamé même à l’extérieur du pays. Parkhurst avait seulement neuf ans de moins que Hart, et il dut être inspiré par ses dons de musicien et son penchant pour la littérature. Albert Ham*, musicien torontois né en Angleterre, rappelait que, au cours de ces années à Londres, Parkhurst jouait du violon à toutes les grandes cérémonies tenues à l’Italian Church de Hatton Garden (St Peter’s) ainsi qu’aux concerts dominicaux du Royal Italian Opera House et du Her Majesty’s Theatre. Une nécrologie affirmait en outre que l’empereur Napoléon III l’avait décoré pour son adresse à l’escrime lors d’une compétition entre la France et la Grande-Bretagne.

Avant d’émigrer, Parkhurst travailla pour la Compagnie du chemin de fer du Grand Tronc à Londres. En 1869 ou 1870, pour une raison inconnue, il vint au Canada occuper un poste de sténographe dans cette entreprise, d’abord à Montréal, puis à Toronto. Il continuerait de s’intéresser à l’escrime et participerait à la fondation du Toronto Fencing Club, dont il serait secrétaire durant de nombreuses années. Dès 1872, il était reporter au Mail, et c’est pour ce journal torontois lancé peu de temps auparavant qu’il fit ses premiers comptes rendus de spectacles. En 1873, il devint courriériste parlementaire du Globe à Ottawa et, peu après, chef des nouvelles locales. Dès 1876, il retournait au Mail, qui lui offrait d’être critique de musique et de théâtre. Il occupa ce poste jusqu’en 1898 et, la même année, il réintégra l’équipe du Globe en qualité de rédacteur en chef du Weekly Globe et de critique musical et dramatique de l’édition quotidienne. Il exercerait cette dernière fonction jusqu’à son décès.

Pour gagner sa vie en tant que critique dans un quotidien, Parkhurst devait rendre compte d’un grand nombre de spectacles donnés en ville. De plus, il sélectionnait, dans d’autres journaux, des articles à reproduire et déterminait quels artistes auraient droit à de la publicité anticipée. Au moins pendant quelque temps, dans les premières années, il maintint cet horaire trépidant en vivant avec son frère et sa sœur sur la rive est de la rivière Don, où ils exploitaient un jardin maraîcher et un élevage de volailles. Comme le cottage se trouvait hors des limites de la ville, Parkhurst devait parcourir plusieurs milles à pied pour aller aux représentations. Toutefois, le plus souvent, il logea au centre de la ville, à diverses adresses, ce qui facilitait son travail. Vers 1905, lui-même et sa sœur s’installeraient dans une maison de la rue D’Arcy, où se tiendraient régulièrement des concerts intimes et des soirées mondaines avec des musiciens locaux et des musiciens en tournée.

Parkhurst ne collabora pas uniquement au Mail et au Globe. Il publia aussi dans trois autres périodiques torontois – la Canadian Monthly and National Review dans les années 1870, le Week dans les années 1880 et le Saturday Night en 1909–1910 – de même que dans l’Arcadia de Montréal en 1892–1893. Ses articles les plus importants parurent dans le Violin, qu’il fonda en 1906, peut-être en reconnaissance de l’influence que George Hart avait exercée sur lui dans ses jeunes années, et qu’il rebaptisa Musical Canada en 1907. Peu de revues canadiennes consacrées à la musique ont eu une existence aussi longue. Celle-là paraîtrait jusqu’en 1933 ; Parkhurst en serait directeur jusqu’en 1920. Les objectifs qu’il lui avait fixés étaient clairs : ce serait « une revue de nouvelles musicales et de commentaires » sur les interprètes et concerts du pays et de l’étranger.

Aux yeux de ses contemporains, Parkhurst était « le doyen des critiques canadiens », distinction méritée à plusieurs égards. John Daniel Logan, dans une étude sur les critiques canadiens, disait qu’il pratiquait une critique de type « technico-littéraire » : les commentaires sur les aspects techniques se mêlaient à des remarques sur « l’attrait général [du point de vue] esthétique et artistique [et à des] observations sensibles sur les charmes, les manies, les particularités ou la personnalité d’un soliste et sur l’étalage de dextérité musicale ». Le journaliste torontois Hector Willoughby Charlesworth* – qui serait, après Parkhurst, le critique canadien le plus écouté – signala en 1924 que, tout au long de sa carrière, celui-ci s’était montré « capable de traiter les détails techniques lucidement, et d’une manière accessible au profane ». Sévère, à ses débuts, sur bon nombre des aspects des spectacles, Parkhurst en vint à prodiguer des encouragements à la plupart des interprètes, tout en donnant au lecteur des indices clairs sur la qualité de chaque prestation. Après la mort de Parkhurst en 1924, Augustus Stephen Vogt, directeur du Toronto Conservatory of Music et fondateur du Toronto Mendelssohn Choir, résuma l’opinion de bien des artistes en disant : « Il était l’un des critiques canadiens les plus érudits et les plus bienveillants. Jusqu’à la fin, il a gardé son beau style, et son jugement a toujours inspiré beaucoup de respect à la profession [musicale] et au public mélomane. »

Attaché aux valeurs du xixe siècle et surtout amateur de musique de chambre classique, Parkhurst fut témoin de changements radicaux dans les spectacles de musique et de théâtre. L’examen des critiques qu’il publia au cours d’un mois représentatif de sa carrière donne une bonne idée de cette évolution des goûts du public et de la lourdeur de sa tâche. Pendant les 24 jours de mai 1913 où il écrivit dans la rubrique « Music and the Drama » du Globe, il composa ou édita plus de 150 textes, dont un bon nombre de commentaires originaux écrits après avoir assisté à une représentation. Ces textes portaient sur des pièces de théâtre de l’époque victorienne, du vaudeville, du mélodrame, de la comédie, des films, des artistes classiques en tournée et des musiciens locaux en concert. Parmi les artistes et les œuvres présentés, il y avait Annie Russell et la Old English Comedy Company ; Rose Sydell, la « Reine du burlesque », au Gayety Theatre ; les Paulist Choristers of Chicago ; le vaudeville Madame Sherry au Grand Opera House ; The rivals de Sheridan au Royal Alexandra Theatre ainsi que Frank Squire Welsman* et le Toronto Symphony Orchestra. En outre, Parkhurst reproduisit des commentaires sur Satie, Debussy et Schoenberg, trois compositeurs trop « contemporains » au goût des Torontois pour figurer au programme d’un concert en 1913. Néanmoins, il estimait important d’éduquer ses lecteurs et de diffuser des comptes rendus de représentations données dans d’autres grandes villes, notamment une critique du « nouveau poème symphonique » de Debussy (Printemps), créé à Paris le 18 avril, ainsi que des articles sur la « musique de l’avenir » où il était question des nouveaux rythmes et des nouvelles gammes employés par les compositeurs. En même temps, Parkhurst occupait toujours le poste de directeur au Musical Canada. Pour lui, cette revue était un outil pédagogique qui renseignait les Canadiens sur les instruments, les styles et les matières intéressant le mélomane et le musicien professionnel. Comme dans ses chroniques journalistiques, il y publiait des articles sur les compositeurs et interprètes contemporains.

Dépeint par Charlesworth comme « un petit homme alerte au regard vif [et] aux multiples champs d’intérêt », Edwin Rodie Parkhurst apporta une contribution notable à la critique musicale et dramatique. Comme ce n’était pas un fervent nationaliste, il faisait rarement la promotion de compositeurs et d’auteurs canadiens. Cependant, il se voua sans relâche à l’éducation du grand public et jamais, dans ses comptes rendus, il ne perdait de vue ses lecteurs. De son vivant, aucun critique nord-américain n’eut à son actif des états de service aussi longs que les siens. Certains de ses pairs le trouvaient conservateur, mais d’autres contemporains reconnaissaient que ses écrits formaient le plus important corpus critique assemblé au Canada au cours de près d’un demi-siècle.

Frederick A. Hall

En plus des nombreux articles qu’il a écrits pour des journaux et des magazines, Edwin Rodie Parkhurst a compilé et fait paraître Royal song folio : a collection of standard American vocal gems, with biographical sketches of celebrated composers and vocalists ([Toronto ?], 1886).

AO, RG 22-305, no 50366 ; RG 80-8-0-949, no 4093.— GRO, Reg. of births, St Peter Walworth (Surrey), 3 juin 1848.— Globe, 2 juin 1923 : 17 ; 11 juin 1924 : 11, 13.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— H. [W.] Charlesworth, « Music and drama : the death of E. R. Parkhurst », Saturday Night, 21 juin 1924 : 6.— Encyclopédie de la musique au Canada (Kallmann et al.).— C. L. Hartwell, « Musical Canada : a study of music criticism and journalism in an early twentieth century Canadian music periodical » (mémoire de m.a., McMaster Univ., Hamilton, Ontario, 1991).— Ross Stuart, « The critic as reviewer : E. R. Parkhurst at the Toronto Mail and Globe, 1876–1924 », dans Establishing our boundaries : English-Canadian theatre criticism, Anton Wagner, édit. (Toronto, 1999), 95–106.

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Frederick A. Hall, « PARKHURST, EDWIN RODIE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/parkhurst_edwin_rodie_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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