PADANUQUES, JACQUES, chef des Micmacs de l’île Royale (île du Cap-Breton) au milieu du xviiie siècle, tué par les Anglais à Boston en mai 1744.
Le nom de Jacques Padanuques figure sur un important document où il est question de la guerre anglo-micmaque en Nouvelle-Écosse : « Motifs des sauvages mikmaques et marichites de continuer la guerre contre les Anglais depuis la dernière paix ». Ce document, dont l’auteur est Pierre Maillard, missionnaire chez les Micmacs de l’île Royale, précise qu’en mai 1744, « un nommé Danao ou David, corsaire anglais, aiant artificieusement arboré pavillon français dans le passage de Fronsac [détroit de Canseau], fit, par, le moien d’un rénégat français qu’il avait pour interprète, venir à bord de son bâtiment le chef des sauvages de l’Isle Royale nommé Jacques Padanuques, avec toute sa famille, l’emmena à Boston où il fut mis au cachot dès qu’il fut débarqué et d’où on ne le retira que pour le faire étouffer dans le bâtiment où ils disaient ne l’avoir fait embarquer que pour le remettre sur l’Isle Royale ». Le document ajoute qu’on garda en otage le fils de Padanuques, en dépit du fait que les Micmacs remettaient des prisonniers pour sa libération. En 1750, ce fils était toujours prisonnier et l’on n’entend plus parler de lui par la suite.
L’existence de Jacques Padanuques n’est attestée par aucun autre document. Par ailleurs, l’historien américain Samuel Drake met en doute l’authenticité des faits rapportés par le document de Maillard, n’ayant retrouvé aucune trace des personnages mentionnés dans ledit document. Quoi qu’il en soit, la capture d’un chef indien par les Bostonnais à l’ouverture des hostilités anglo-françaises de la guerre de la Succession d’Autriche est un fait banal en soi, si l’on considère la longue tradition de raids indiens aux environs de Boston et l’exaspération qu’ils suscitaient dans les colonies anglo-américaines dont les dirigeants accordaient des primes pour les chevelures indiennes. Il est donc possible que la capture de Padanuques n’ait été retenue à Boston que comme la prise d’un Indien anonyme. En fait, l’intention de propagande qui inspire le document où figure le nom de Padanuques est d’une plus grande valeur historique que la liste des attentats qui y sont énumérés. En effet, ces « motifs [...] de continuer la guerre » constituent un exemple typique de cette attitude qui consiste à excuser les atrocités de son propre parti par l’évocation des crimes commis par l’adversaire.
Le document en question mentionne également un forfait pour le moins spectaculaire : la contamination, au moyen de couvertures infectées, de plus de 200 Micmacs durant l’année 1746. Fait intéressant, on ne trouve nulle trace ailleurs de cette action criminelle, mais, d’un autre côté, Beamish Murdoch* écrit au xixe siècle qu’en cette même année 1746, au moment du désastre de l’expédition du Duc d’Anville [La Rochefoucauld], les soldats français « furent atteints de fièvres scorbutiques et de dysenterie ; à leur contact, les Indiens contractèrent ces maladies et périrent en grand nombre ». La coïncidence est troublante.
Doit-on en conclure que le meurtre de Padanuques comme l’épidémie sont le fruit de l’imagination de Maillard ? Une seule chose est certaine : ses contemporains (Thomas Pichon*, Jean-Louis de Raymond*, Michel Le Courtois* de Surlaville) sont unanimes à ne pas les mettre en doute. Également, ces mêmes auteurs affirment à l’unanimité que la guerre anglo-micmaque fut provoquée, plus ou moins directement, par le gouvernement français.
Derniers jours de l’Acadie (Du Boscq de Beaumont), 248–262.— Pichon, Lettres et mémoires.— Casgrain, Les Sulpiciens en Acadie, 435–444.— S. G. Drake, A particular history of the five years’ French and Indian war in New England and parts adjacent [...] (Albany, 1870), 41–44, 132.— Johnson, Apôtres ou agitateurs, 105–128.— McLennan, Louisbourg (1918), 65–67, 424s.— Murdoch, History of Nova-Scotia, II : 27–125.— E. A. Hutton, The Micmac Indians of Nova Scotia to 1834 (thèse de m.a., Dalhousie University, Halifax, 1961).
Micheline D. Johnson, « PADANUQUES, JACQUES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/padanuques_jacques_3F.html.
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Auteur de l'article: | Micheline D. Johnson |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |