NOLIN, JEAN-BAPTISTE, trafiquant de fourrures et officier de milice, né vers 1742 ; décédé en août 1826 à Saint-Boniface (Manitoba).
Jean-Baptiste Nolin s’est signalé pour la première fois en achetant avec son associé Venance Lemaire, dit Saint-Germain, pour la somme de 15 000#, le poste de traite de Michipicoten (Michipicoten River, Ontario) à Alexander Henry l’aîné, en 1777. Pendant trois ans, les deux associés y employèrent quatre ou cinq hommes. Comme la Révolution américaine avait interrompu les expéditions de marchandises de traite en provenance de Montréal, leurs affaires ne connurent qu’un succès mitigé. Dès 1781, Nolin avait abandonné le poste pour s’en aller à Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan). Pendant quelques années, il fit la navette entre Michillimakinac et Sault-Sainte-Marie (Sault Ste Marie) ; vers la fin des années 1780, il s’installa à cet endroit.
Durant 30 ans, Nolin et le trafiquant de fourrures John Johnston allaient dominer la vie économique et sociale de Sault-Sainte-Marie, porte d’entrée des pays d’en haut. À titre de représentant de la North West Company, Nolin agissait comme intermédiaire pour les envois en provenance de Montréal et approvisionnait en poisson salé les voyageurs et les colons de Michillimakinac et de Detroit. À compter de 1806, ce fut la Michilimackinac Company [V. John Ogilvy*], et non plus la North West Company, qui se chargea de fournir des marchandises de traite à Nolin, qui en était probablement le représentant. Au début des années 1790, un des commis de la North West Company de passage à Sault-Sainte-Marie, John McDonald* of Garth, décrivait Nolin et Johnston comme « les principaux personnages de l’endroit ». Comme Johnston, Nolin avait épousé une femme de la tribu des Sauteux. Il s’agissait de Marie-Angélique, fille du voyageur Joseph-Victor Couvret et de Marie-Charlotte, de la tribu des Sauteux de Sault-Sainte-Marie. Certains des enfants métis des familles Nolin et Johnston firent leurs études à Montréal. En 1794, grâce à l’influence de sa femme, Nolin acquit à Sault-Sainte-Marie une large bande de terre adjacente à la partie arrière du vieux fort construit en 1752 par Louis Legardeur* de Repentigny.
Pendant la guerre de 1812, la population de Sault-Sainte-Marie, suivant l’exemple de la plupart des trafiquants et Indiens des pays d’en haut, se rangea du côté des Britanniques. Johnston, Nolin et Charles Oakes Ermatinger furent nommés capitaines de milice. Comme il était malade, Nolin ne put participer en juillet 1812 à l’attaque lancée par le capitaine Charles Roberts* contre le poste américain de Michillimakinac ; toutefois, deux de ses fils y prirent part à titre de commandants des guerriers sauteux. Dans des rapports sur l’attaque, Augustin Nolin fut louangé pour avoir su maintenir l’ordre parmi les Indiens.
Gabriel Franchère*, qui visita Sault-Sainte-Marie au cours de l’été de 1814, mentionnait dans son journal que Johnston et Nolin vivaient tous deux du côté sud de la rivière Sainte-Marie, en territoire américain. Nolin avait alors trois fils et trois filles, dont une « passablement jolie ». Franchère fut impressionné par la maison de Nolin, ses meubles et d’autres indices de sa prospérité. Ermatinger habitait du côté nord de la rivière, dans une maison appartenant à Nolin.
Nolin rencontra lord Selkirk [Douglas*] à Sault-Sainte-Marie en 1816 et pendant plusieurs années ce dernier pressa Nolin de s’établir avec sa famille dans la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba). De 1815 à 1817, un des fils de Nolin, Louis, servit d’interprète à la Rivière-Rouge et dès 1818, Louis et son frère Augustin, qui se trouvaient tous deux dans cette colonie, rapportèrent à Selkirk que leur père envisageait de s’y installer. Selkirk écrivit à Alexander MacDonell, administrateur de la colonie, qu’« un tel colon serait une grande acquisition » et, contrairement à son habitude, il combla la famille Nolin de promesses. Nolin lui-même aurait « toute latitude » d’ouvrir un poste de traite et plusieurs membres de sa famille recevraient des concessions foncières comprenant une maison située « aussi près que possible de l’église ». Avant son départ pour l’Angleterre en novembre 1818, Selkirk écrivit au trafiquant de fourrures Robert Dickson pour lui annoncer que Nolin avait décidé de s’établir à la Rivière-Rouge. « Je désire particulièrement, disait-il, que rien ne complique la venue de son si beau groupe de filles, lesquelles contribueront peut-être à ce que quelques-uns des membres du régiment de De Meuron s’enracinent solidement à la Rivière-Rouge. »
Nolin vendit à Ermatinger les intérêts qu’il possédait à Sault-Sainte-Marie et s’installa en 1819 avec sa famille au poste de Pembina (Dakota du Nord), dans la colonie de Selkirk. Celui-ci mourut en 1820, mais les promesses qu’il avait faites à la famille Nolin furent tenues. Jean-Baptiste et Augustin reçurent leur concession foncière ; Louis travailla de nouveau comme interprète. Quand on décida au fort Daer (Pembina) d’envoyer des hommages posthumes au comte de Selkirk, au début de 1821, Jean-Baptiste et Augustin Nolin figuraient parmi les notables qui signèrent la résolution.
En 1823, la vie n’était plus la même dans la colonie de la Rivière-Rouge. La North West Company s’était intégrée à la Hudson’s Bay Company en 1821, ce qui avait mis fin à leurs ruineuses querelles. John Halkett*, administrateur de la succession de Selkirk, ferma le poste de la Hudson’s Bay Company à Pembina, alors en territoire américain, pour amener tous les colons plus au nord, en territoire britannique, et les protéger des Sioux. La plupart des Métis de Pembina, y compris la famille Nolin, remontèrent vers le nord jusqu’à Saint-Boniface.
En août 1826, Francis Heron, employé de la Hudson’s Bay Company au fort Garry (Winnipeg), rapportait que « le vieux Nolin [était] finalement devenu pensionnaire de l’évêque ». Depuis quelques années, l’évêque catholique Joseph-Norbert Provencher* pressait Angélique Nolin de devenir institutrice auprès des Métis de l’endroit, mais son père s’y opposait. Dans une lettre adressée au début de 1826 à Joseph-Octave Plessis, archevêque de Québec, Provencher expliquait la résistance de Nolin en ces termes : « Il a toutes sortes de raisonnettes, mais surtout il ne veut pas que sa fille soit servante. Ce n’est sûrement pas sur ce pied que je veux la mettre. »
Nolin résista jusqu’à la fin. Il mourut dans la maison de Provencher en août 1826 et fut inhumé le 23 du même mois ; on disait qu’il avait 84 ans. Nolin disparu, les espoirs de Provencher se concrétisèrent : en 1829 s’ouvrit à Saint-Boniface la première école de filles de l’ouest du Canada. Les institutrices en étaient Angélique et Marguerite Nolin ; la plupart des élèves venaient de parents français, cris ou sauteux.
La famille Nolin occupa une place importante dans la vie économique, politique et éducative de la région de la Rivière-Rouge. Un des petits-fils de Jean-Baptiste Nolin, Charles*, fut l’une des figures dominantes des désordres de la Rivière-Rouge en 1869–1870, mais il désapprouva le chef métis Louis Riel* de recourir à la violence lors de la rébellion du Nord-Ouest en 1885.
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Donald Chaput, « NOLIN, JEAN-BAPTISTE (mort en 1826) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/nolin_jean_baptiste_1826_6F.html.
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Auteur de l'article: | Donald Chaput |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |