NIELSEN, ADOLPH, surintendant des pêches, né le 14 août 1852 à Christiania (Oslo, Norvège) ; il épousa une prénommée Emily, et ils eurent une fille ; décédé le 1er novembre 1903 à St John’s.
En juillet 1887, deux fonctionnaires du département des Pêches de la Norvège, Jens Dahl et son assistant Adolph Nielsen, visitèrent St John’s dans le cadre d’une tournée des départements et des marchés nord-américains. Ils tombaient bien car, plus tôt dans l’année, le Parlement de Terre-Neuve avait résolu de créer une commission qui étudierait la façon dont on administrait les pêches à l’étranger et qui suggérerait comment la colonie pourrait mettre sur pied son propre département. Vers le milieu des années 1880, les pêcheurs terre-neuviens de morue faisaient peu de prises ; en outre, la France et la Norvège les concurrençaient de plus en plus sur leurs marchés traditionnels.
La commission, nommée en août, regroupait des membres des partis du gouvernement et de l’opposition, dont sir Robert Thorburn, Edward Dalton Shea*, Patrick J. Scott*, Robert Bond*, Robert Stewart Munn* et William Henry Whiteley. Augustus William Harvey en était président et Moses Harvey, secrétaire d’administration. Pendant qu’il était à St John’s, Nielsen rencontra Moses Harvey qui, depuis des années, préconisait de confier la réglementation des pêches à un département gouvernemental. Harvey fut impressionné de découvrir à quel point la Norvège comptait sur la pisciculture pour refaire ses populations de morue. Depuis 1884, on avait incubé, dans ce pays, plus de 67 millions d’œufs fécondés artificiellement, pour les disséminer le long du littoral. En octobre 1887, à la demande de Harvey, Nielsen rédigea pour la commission un rapport sur les pêches norvégiennes ainsi que des recommandations en vue de la formation d’un département à Terre-Neuve.
Nielsen proposait que le département soit formé d’un surintendant et d’assistants qui inspecteraient les pêcheries locales. Dans une description de poste qui reflétait sa propre qualification, il signalait qu’il serait « préférable [de choisir] quelqu’un qui connaît[rait] à la fois [les] méthodes [terre-neuviennes] de pêche et de conservation du poisson et celles [du] concurrent ». Avant toutes choses, le surintendant devrait fonder un établissement piscicole de morue et faire adopter des lois pour protéger les jeunes poissons.
Dans son rapport de mars 1888, la commission des pêches recommanda de fonder non pas un département, mais un organisme « tout à fait indépendant des pressions des partis politiques ». Cet organisme, dirigé par un expert, veillerait à ouvrir des établissements piscicoles et à faire connaître les règlements sur les pêches. Le gouvernement le financerait, de même que le Bureau de commerce de St John’s.
En septembre 1888, après avoir recherché en vain le candidat idéal en Angleterre, aux États-Unis et au Canada, la commission, sur l’avis de Moses Harvey, offrit la surintendance à Nielsen. Celui-ci, écrivit Harvey dans l’Evening Mercury, était « assez homme de science tout en étant profondément pratique ». « Nous ne voulons pas un pur scientifique, ajoutait-il, mais quelqu’un qui connaît par expérience, concrètement, les pêches sous tous leurs aspects. » En novembre, Nielsen obtint son congé du département des Pêches de la Norvège, qui lui offrit d’abord une augmentation de salaire pour le retenir, puis exigea qu’il se trouve un remplaçant. Il fut engagé pour une période de cinq ans à un salaire annuel de 3 000 $ (cours de Terre-Neuve). En juin suivant, le gouvernement fit adopter une loi qui créait une commission permanente des pêches ; Augustus William Harvey en était président et Moses Harvey, secrétaire. En 1893, Nielsen signa un deuxième contrat de cinq ans, et un département remplaça la commission.
Nielsen avait débarqué à Terre-Neuve le 15 février 1889, après être allé visiter, aux États-Unis, deux établissements piscicoles de morue et avoir acheté l’équipement nécessaire pour ouvrir un établissement semblable à Terre-Neuve. Il choisit un emplacement sur l’île Dildo, dans la baie Trinity, et y fit construire un bâtiment de deux étages. L’année suivante, on incuba 17 millions d’œufs dans cet alevinier ; en cinq ans, le total approcha les 645 millions. Un raz-de-marée détruisit les quais et les viviers en novembre 1890, mais tout fut reconstruit en 1891. Cependant, cette année-là, une épidémie de grippe frappa Nielsen, son personnel et les pêcheurs des villages voisins, de sorte qu’il ne put rassembler assez de poisson pour approvisionner l’alevinier. Après la faillite des deux banques commerciales de l’île, en novembre 1894 [V. James Goodfellow* ; Augustus William Harvey], le gouvernement se mit à réduire les subventions qu’il versait à l’établissement de l’île Dildo. En 1896, Nielsen le finança lui-même. Augustus William Harvey prit la relève en 1897, puis, apparemment, on ferma l’établissement après cette date.
Nielsen avait fait adopter des règlements qui obligeaient les pêcheurs à utiliser de plus grosses trappes car, selon lui, les prises de morue étaient faibles parce que l’on pêchait trop de jeunes poissons [V. William Henry Whiteley]. En outre, il s’efforça d’améliorer la conservation de la morue et du hareng à l’aide des techniques norvégiennes, qu’il adapta aux besoins locaux. Son opuscule sur la conservation fut traduit en français au début des années 1890 ; en 1897, la France reconnut son apport aux pêcheries de Terre-Neuve et de Saint-Pierre en lui conférant la distinction d’officier d’académie. Il lança une méthode qui consistait à congeler de grandes quantités de poisson utilisé comme appât ; à cette fin, il fit construire des installations frigorifiques dans deux localités de la côte sud. De plus, il encouragea les pêcheurs à employer un baril de congélation dans lequel l’appât était conservé avec de la glace et du sel.
Afin d’augmenter la population de homards, Nielsen mit au point l’incubateur flottant, dispositif qui, affirma en 1894 Moses Harvey, toujours optimiste, plaçait Terre-Neuve à l’avant-garde des autres pays. On plaça des incubateurs dans toutes les grandes baies ; les œufs provenant des conserveries y étaient incubés, puis les jeunes homards étaient mis en liberté. En outre, par voie de règlement, Nielsen instaura une surveillance sur les rivières à saumon afin d’empêcher les exploitants de scieries de les polluer.
Pour Nielsen, le système de crédit faisait obstacle au développement des pêches ; c’était, écrivit-il en 1894, « un des pires fléaux qui aient jamais frappé la contrée et sa population ». Ce système avait démoralisé les habitants ; de surcroît, il avait affaibli la position de Terre-Neuve sur les marchés mondiaux en empêchant « l’amélioration des produits de la pêche et du commerce ». Or, soulignait Nielsen, « en ces temps de dure concurrence », le poisson de l’île devait être d’aussi bonne qualité que celui des autres pays.
En janvier 1896, deux ans avant la fin de son deuxième contrat de cinq ans, Nielsen dut rentrer en Norvège pour des raisons de santé. Travailler à longueur d’année dans l’humidité et le froid l’avait rendu asthmatique. Il revint à Terre-Neuve à la fin de l’année, cette fois pour promouvoir l’industrie baleinière. En décembre, il participa à la fondation de la Cabot Steam Whaling Company ; Augustus William Harvey et son fils John, Moses Harvey et sir William Vallance Whiteway figuraient parmi les administrateurs. Nielsen devint un intermédiaire privilégié des hommes d’affaires norvégiens qui s’intéressaient à cette industrie. Il aida à établir plusieurs postes de chasse à la baleine à Terre-Neuve en recourant au savoir-faire, aux capitaux et aux techniques de ses compatriotes. À compter de 1898, sa famille vécut en Norvège afin que sa fille puisse étudier là-bas.
Adolph Nielsen mourut subitement à St John’s en novembre 1903. Quoique, vers 1895, la presse ait signalé une abondance de morue dans des baies où il y en avait peu depuis nombre d’années, le bilan de son travail reste à faire. On peut néanmoins dire que, en améliorant les techniques de conservation du poisson et en convainquant les hommes publics, les marchands et les pêcheurs d’adopter les méthodes les plus récentes et les plus scientifiques, il fut véritablement ce modernisateur des pêches terre-neuviennes que Moses Harvey avait réclamé à la fin des années 1880.
Le rapport qu’a présenté Adolph Nielsen en 1887 à la Newfoundland Fisheries Commission à propos des pêches en Norvège figure dans Report of the fisheries commission [...] to investigate the operations of fisheries departments in other countries (St John’s, 1888). Son étude sur diverses baies en vue de l’aménagement d’un établissement piscicole (finalement établi dans l’île Dildo) a été publiée sous le titre Report by Mr. Adolph Nielsen, of his journey around the heads of Conception, Trinity and Placentia bays ([St John’s, 1889]), et a aussi été diffusée dans l’Evening Telegram de St John’s le 15 avril 1889. Le compte rendu de Nielsen intitulé Report on the cure of codfish and herring (St John’s, 1890) était de toute évidence assez digne d’intérêt pour être republié l’année suivante par des inspecteurs des pêches à Dublin ; une traduction en français d’Ernest Antoine a aussi été diffusée à Saint-Pierre sous le titre Préparation et Conservation de la morue et du hareng ; ce rapport a également été réimprimé par le Newfoundland Dept. of Marine and Fisheries en 1930. Parmi les autres publications de Nielsen, on peut citer Directions for the manufacture of cod-liver oil [...] (St John’s, 1896), mais il ne semble subsister que la deuxième partie de cet opuscule.
Les publications officielles concernant Nielsen, toutes diffusées à St John’s, comprennent ce qui suit : le premier Report (cité ci-dessus) émis par la Newfoundland Fisheries Commission en 1888, un deuxième rapport : T.-N., House of Assembly, Sessional papers, 1889 : 614–624, et son Annual report, 1891 : 16s., 19s. ; les rapports du Dept. of Fisheries pour 1896 (p. 312) et 1897 (p. 354), diffusés dans les appendices du Journal de la chambre d’assemblée pour 1897 et 1898 respectivement ; l’Annual report du département, 1893–1894 : 3, 30–39, 46s. ; et 1902 : 6.
General Protestant Cemetery (St John’s), Church records.— PANL, MG 339.— Colonist (St John’s), 15–16 janv. 1891.— Daily News (St John’s), 16 juin, 5 juill. 1894, 26 avril 1897, 2 nov. 1903.— Evening Herald (St John’s), 26 sept. 1890, 19 déc. 1896, 2 nov. 1903.— Evening Mercury (St John’s), 30 juill.–6 août, 16 août 1887, 15 sept., 30 nov. 1888.— Evening Telegram (St John’s), 24 avril 1897, 2 nov. 1903 ; 19 oct. 1987 : 6 ; 16 nov. 1987 : 6.— Biblio. of Nfld (O’Dea et Alexander).— P. W. Browne, Where the fishers go ; the story of Labrador (New York, 1909), 168.— Encyclopedia of Nfld (Smallwood et al.), 2 : 167s.— M[oses] Harvey, Newfoundland as it is in 1894 ; a handbook and tourists’ guide (St John’s, 1894), 160–165 ; « The Newfoundland Fisheries Commission », dans Prowse, Hist. of Nfld (1895), 647–651.— Ronald Rompkey, Grenfell of Labrador : a biography (Toronto, 1991).— Shannon Ryan, Fish out of water : the Newfoundland saltfish trade, 1814–1914 (St John’s, 1986).— Chesley Sanger et Anthony Dickinson, « The origins of modern shore based whaling in Newfoundland and Labrador : the Cabot Steam Whaling Co. Ltd., 1896–98 », International Journal of Maritime Hist. (St John’s), 1 (1989), n° 1 : 129–157.— Louise Whiteway, « Inception of the Newfoundland Department of Fisheries », Nfld Quarterly, 55 (1956), n° 2 : 29–43.
Melvin Baker et Shannon Ryan, « NIELSEN, ADOLPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/nielsen_adolph_13F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
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