MUIRON, DAVID-BERNARD, homme d’affaires et architecte, entrepreneur des fortifications de l’île Royale (île du Cap-Breton), né le 7 septembre 1684 à Bar-sur-Seine, France, fils de François Muiron, commissaire aux revues (agent civil du ministère de la Guerre), et de Marie Champion ; il épousa le 18 janvier 1723, à Dijon en France, Claudine Seroin, qui lui donna cinq enfants, dont au moins deux fils ; décédé le 27 novembre 1761 à Arcenant (dép. de la Côte d’Or, France).

David-Bernard Muiron, architecte du roi en 1723, devint par la suite entrepreneur en ponts et chaussées pour les provinces de Bourgogne et de Champagne avant d’aller à l’île Royale (île du Cap-Breton) en 1736. Il avait trois raisons pour s’y rendre ; d’abord, censément, à la suite d’une entente en date du 8 septembre 1735, pour exploiter la concession forestière et la scierie de Gratien d’Arrigrand sur le ruisseau Plédien, près de Louisbourg ; ensuite, pour établir sa propre tannerie et, finalement, pour présenter des offres plus avantageuses que celles de François Ganet en vue d’obtenir le contrat des fortifications lors de son renouvellement en 1737. Muiron refusa cependant de se faire le jouet des intérêts de d’Arrigrand dans son différend de longue date avec Ganet ; ayant obtenu le contrat en 1737, il négocia un règlement séparé avec Ganet au sujet des matériaux et de l’équipement que celui-ci avait en sa possession mais sur lesquels d’Arrigrand prétendait avoir des droits. De plus, à la suite d’une première reconnaissance du ruisseau Plédien et d’une tentative infructueuse pour faire enregistrer par le Conseil supérieur de Louisbourg la concession que d’Arrigrand y détenait, Muiron ne fit rien pour son exploitation. Il consacra plutôt ses énergies à sa tannerie et aux fortifications.

De 1736 à 1738, Muiron engagea deux tanneurs expérimentés (ils étaient rares) et des assistants, ouvrit un atelier muni d’un moulin à eau sur le côté nord du port et effectua le tannage d’une grande quantité de peaux de vache, d’agneau, de phoque et de morse. En 1740, il avait déjà investi 4 000# en appareils et 6 000# en main d’œuvre et fournitures. Cependant, il ne réussit pas à obtenir le monopole qui aurait pourtant constitué, selon lui, la seule assise susceptible de lui permettre de maintenir son entreprise. La raison qu’apporta le ministère à son refus fut que Muiron semblait s’être trop dispersé financièrement et qu’il souhaitait que Muiron s’en tienne aux travaux des fortifications.

Muiron était aux prises avec des difficultés financières. En vertu du contrat qu’il avait conclu avec le roi, le 10 mai 1737, à la suite d’offres de 20 p. cent inférieures à celles de Ganet, son principal travail était la construction des nouveaux ouvrages d’Étienne Verrier qui compléteraient l’enceinte de Louisbourg. Tout comme ses prédécesseurs, il acquittait les factures courantes à l’aide de billets à ordre. Possédant peu de liquidité, coincé entre un débiteur retardataire – c’était la politique de la couronne qu’elle fût sa débitrice plutôt que l’inverse – et des créanciers impatients, Muiron se rendit compte que ses billets étaient dévalués de 10 p. cent quand ils n’étaient pas refusés. Le gouvernement, qui y voyait une menace pour l’économie de l’endroit, se montra disposé à honorer les billets (ou la presque totalité de leur valeur) et d’en déduire le montant sur les sommes qu’il devait à Muiron.

En établissant le montant de ses services, Muiron avait compté payer les ouvriers soldats en partie en espèces et en partie avec des objets de nécessité courante ou de luxe obtenus au prix de gros. Sur ce point ses intérêts entrèrent en conflit avec ceux des officiers de la garnison qui étaient habitués à arrondir leurs revenus en vendant de tels articles aux soldats au prix de détail. À titre de résidants permanents qu’on disait avoir besoin de ces revenus d’appoint, ils obtinrent la sympathie des autorités. Aussi, lorsque Muiron soumit des offres en vue d’un renouvellement de contrat, en 1743, le gouvernement refusa la condition voulant que les hommes fussent payés partiellement en nature.

Les difficultés continuèrent d’assaillir Muiron au cours de l’exécution de son deuxième contrat. Malgré la menace possible d’une attaque militaire, le gouvernement réduisit les travaux de construction des fortifications en 1744 afin de permettre à Muiron d’honorer ses billets. En France, après le siège de 1745, Muiron eut à faire face à des dettes pressantes de 35 000 à 36 000# tout en réclamant 104 500# à la couronne. Ce n’est pas avant 1747 cependant que fut émis l’ordre de le payer en entier. Par ailleurs, il semble que d’Arrigrand ait échoué dans sa tentative de recouvrer la valeur des matériaux et de l’équipement fournis par Ganet en 1737 ; en mars 1752, il essayait encore, devant les tribunaux, d’obtenir 100 000# de Muiron. On doit conclure que pour Muiron l’entreprise de construction de Louisbourg fut une réussite assez mince.

On peut soupçonner de façon générale que les neuf années que Muiron passa à Louisbourg ne furent pas infructueuses, même si son contrat de construction ait été possiblement moins profitable pour lui que le fait de spéculer sur l’entrepôt de ce port de mer. En 1751, il acheta le poste héréditaire d’huissier de la Chambre des Comptes pour la ville de Dijon. Ceci laisse à entendre qu’il vivait à l’aise – les postes vénaux coûtaient cher d’habitude – et qu’il assurait un avenir confortable à ses héritiers.

F. J. Thorpe

AD, Côte d’Or (Dijon), B, 65, ff.556–557 (Chambre des comptes de Dijon, enregistrement) ; C, 8 993 (Bureau du contrôle des actes de Dijon) ; État civil, Saint-Jean de Dijon, 18 janv. 1723 ; État civil, Arcenant.— AN, Col., B, 65, 66, 68, 70, 72, 74, 76, 78, 84, 86 ; Col., C11B, 19–27 ; Col., C11C, 11, ff.128, 148, 164, 176 ; 12, ff.52, 73, 101, 141, 150, 168 ; Col., E, 9 (dossier d’Arrigrand) ; Col., F1A, 34, ff.205–212, 223 ; Section Outre-Mer, G2, 183, pièce 234, f.430 ; G3, 2 039, 2 047.— J.-N. Fauteux, Essai sur lindustrie, II : 440s.— Frégault, François Bigot, I : 128–131.— McLennan, Louisbourg, 101.— Robert Le Blant, Un entrepreneur à l’île Royale, Gratien d’Arrigrand, 1684–1754, La revue des questions historiques (Paris), LXIV (1936) (copie aux APC).— Pierre Mayrand, La renaissance de Louisbourg, Vie des arts (Montréal), XLVI (1967) : 35.

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F. J. Thorpe, « MUIRON, DAVID-BERNARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/muiron_david_bernard_3F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
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