MOUNIER, JEAN-MATHIEU, négociant, baptisé le 2 octobre 1715 dans l’église paroissiale de Saint-Pierre de Jarnac, près de Cognac, en France, fils d’Adam Mounier et de Suzanne Liard, décédé en 1774 ou peu après.

Jean-Mathieu Mounier naquit dans une famille huguenote nombreuse et dispersée, qui avait de la parenté à Cognac, à Saint-Maixent (Saint-Maixent-l’École), à La Rochelle et à Limoges, entre autres lieux. De 1736 à 1758, il vécut à Québec en qualité d’importateur, y faisant affaire avec différentes compagnies huguenotes de La Rochelle et de Bordeaux, et en particulier avec les frères Jean et Pierre Veyssière, originaires de Limoges, avec qui il était en société. Des connaissements datant des années 1744 à 1756 indiquent que Mounier importait des chaussures et autres articles de cuir, des fusils, des miroirs, du papier, du coton, des draperies de Montauban, du savon, de l’huile et, bien sûr, du vin et de l’eau-de-vie. Au cours de ces années, il fut rejoint à Québec par plusieurs de ses parents huguenots qui brassaient aussi des affaires : trois neveux, Henry, Jean et François* Mounier, et deux cousins, Pierre Glemet et François Maurin*, tous deux de Jarnac. Au moment de la guerre de Sept Ans, Jean-Mathieu Mounier jouissait déjà d’une grande réputation, et c’est à lui qu’un marchand, banquier et expéditeur maritime de Paris, Pierre-François Goossens, expédia de Dunkerque, en 1758, trois chargements de vivres pour le compte du roi.

Cette même année, Jean-Mathieu Mounier retourna en France, via l’Espagne, et fit bientôt l’acquisition de plusieurs propriétés à La Rochelle, et en particulier, au prix de 15 000#, d’une maison située sur la place d’Armes, où il vécut avec une servante anglaise et un esclave noir. Possédant une fortune de 300 000# acquise au cours de sa carrière commerciale à Québec, il avait l’intention de continuer à trafiquer avec le Canada, mais ses espoirs furent annihilés par la conquête britannique. Après s’être vainement efforcé de s’établir comme commerçant en France, il fit faillite en 1773. Cette faillite fut causée en partie par les finasseries du gouvernement français à liquider les papiers du Canada, après sa propre déconfiture financière de l’automne de 1759, et en partie par les faillites de son cousin Pierre Glemet et de deux de ses frères, Michel, de Cognac, et Jean, de Limoges.

Il n’est que juste d’ajouter que Mounier ne partageait pas, avec les marchands français de son temps, leur culte exclusif pour les affaires. Il achetait des cartes géographiques, des microscopes, des télescopes, entre autres appareils scientifiques, et se monta une bibliothèque de quelque 1 500 volumes sur la science newtonienne, l’astronomie, la physique, la mécanique, la navigation, l’agriculture et l’histoire entre autres sujets. Quand il fit faillite et que ses livres furent mis en vente, on les évalua à 8 633#. Mounier, aussi, voyagea beaucoup en France pendant les années 1760 ; il passa deux ans à Paris où il s’intéressa à la vie intellectuelle de son temps. Il était, simultanément, en rapports d’affaires avec le banquier parisien Louis Jullien et avec divers marchands de Québec, de Montréal et des Antilles. Il est difficile cependant de préciser le caractère et l’étendue de cette activité commerciale, et la faillite de 1773 montre bien à quoi elle aboutit. Dans un bilan du 8 novembre 1773, intitulé « État à Peu Près des mes Malheureuses Affaires », présenté à une assemblée de ses créanciers, il déclara : « Les dépenses inutiles, frivoles & purement de plaisir auxquelles on se laisse si aisément entraîner dans un état d’aisance, tel que celui où je me trouvais avant mes grands revers, est je crois, le seul article que je dois me reprocher. J’entens par dépenses inutiles toutes cèles qui ont pour objet la dissipation, et malheureusement èles sont toujours trop nombreuses. Cèles du Spectacle, du Bal, des parties de Campagne, des petits jeux de Société sont de ce nombre. Je mets dans la même classe les dépenses que m’ont ocasioné mes expériences de fisique, d’agriculture &c. Ces dernières sont peut-être plus excusables : Je m’y suis livré par goût ou parle désœuvrement dans lequel m’ont laissé mes pertes acablantes dans les dernières années, en m’otant les moyens de faire aucune entreprise de comerce, après la perte du Canada qui avait fondé toutes mes espérances. »

Mounier fut un membre éminent de ce cercle de commerçants huguenots dont l’importance fut si grande dans l’économie canadienne des années 1750 ; comme d’autres, il fit faillite après la perte de la colonie, soit parce qu’il ne réussit pas à se lancer dans une autre entreprise après son retour en France, soit parce qu’il perdit tous ses capitaux au cours de la guerre et dans la malheureuse affaire des papiers du Canada. Mais, par ses préoccupations intellectuelles, le négociant Mounier se situait hors du commun.

J. F. Bosher

AD, Charente-Maritime (La Rochelle), B, 1754 (scellé de Mounier daté du 21 oct. 1773 au 15 janv. 1774) ; 1757 (bilan de la faillite de Mounier, signé le 8 nov. 1773 et remis aux autorités le 28 janv. 1774) ; Minutes Fleury, 14 janv. 1774 (inventaire des biens de Mounier comprenant une liste de ses livres).— Archives municipales, Jarnac (dép. de la Charente, France), État civil, Saint-Pierre, 2 oct. 1715.— PRO, HCA 32/253, Vainqueur (comprenant plusieurs lettres écrites ou reçues par la famille Mounier).— J. F. Bosher, French Protestant families in Canadian trade, 1740–1760, HS, VII (1974) : 179–201.

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J. F. Bosher, « MOUNIER, JEAN-MATHIEU », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mounier_jean_mathieu_4F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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