MOREAU, EDME, cordonnier, né dans la paroisse Saint-Césaire, dans le diocèse de Troyes, France, fils de Jacques Moreau, cordonnier à Chaource (dép. de l’Aube, France), et de Marguerite Germain, circa 1706–1747.

Le premier document connu se rapportant à Edme Moreau est son contrat de mariage daté du 24 août 1706. Il épousait Françoise, fille du boulanger montréalais Étienne Fortier (Forestier) ; assistaient comme témoins deux tanneurs et deux cordonniers, dont Jean Ridday, dit Beauceron, « son amy et camarade ».

La carrière d’Edme Moreau témoigne de la vie active des cordonniers qui formaient dans le premier quart du xviiie siècle le groupe d’artisans le plus énergique de Montréal. Outre son fils, neuf apprentis furent formés par Moreau qui fut l’un des rares maîtres artisans que l’on connaisse à avoir engagé comme apprenti un Indien, le serviteur panis d’un tanneur. Au nombre des apprentis, on trouve également un fils adoptif confié à Moreau par un ouvrier malade et surchargé d’enfants.

Vers les années 1712–1713, un ami lui montre à écrire son nom phonétiquement, lui fournissant ainsi un précieux atout pour les affaires (il signait em morau). Il possédait peu de biens et vécut la plupart du temps dans des maisons louées. On le retrouve souvent devant les tribunaux, dans des procès pour dettes, où il figure tantôt comme débiteur, tantôt comme créancier. Entre-temps, il spécule un peu sur des terrains situés dans la ville.

Le groupe des cordonniers et des savetiers de Montréal possède une vitalité et une solidarité qui s’expriment dans les années 1720 par la formation de la confrérie de Saint-Crépin et Saint-Crépinien dont Moreau, Jean Ridday et Jacques Viger sont les porte-parole. Tous les ans, le jour de la fête des saints Simon et Jude (28 octobre), a lieu la célébration d’une grand-messe en l’honneur des saints patrons, suivie de la distribution du pain bénit apporté par l’un des cordonniers. À Montréal, la confrérie s’étend au-delà du domaine religieux : les cordonniers se liguent pour défendre leurs intérêts matériels. Le 19 août 1729, un groupe de 21 cordonniers dirigé par Moreau et Ridday se présente devant la juridiction royale de Montréal et exige que, conformément à l’ordonnance de l’intendant du 20 juillet 1706, on enjoigne au tanneur Joseph Guyon Després de fermer son atelier de cordonnerie. On autorisait les employés de certaines tanneries à exécuter un travail limité de cordonnerie ; par contre, l’extension de cette pratique aurait nui au libre marché du cuir et créé chez les cordonniers indépendants une compétition injuste.

Le substitut du procureur du roi, Michel Lepailleur* de Laferté, remit la cause à l’intendant Hocquart*. On ne possède aucune preuve que ce dernier l’ait reçue ou jugée. Porter l’affaire à Québec eût occasionné des dépenses qui peuvent avoir découragé les cordonniers. Quoi qu’il en soit, l’administration de la Nouvelle-France était hostile aux assemblées non autorisées et aux initiatives de groupes indépendants dans les classes inférieures.

La vie familiale de Moreau est marquée au coin de la tragédie : 9 de ses 13 enfants moururent en bas âge ; l’aîné des survivants, François-Urbain Moreau, qui reçut un entraînement en vue de succéder à son père et qui devint huissier royal, mourut à l’âge de 28 ans ; Georges, un autre de ses fils, fut accusé d’avoir dévalisé l’église de Lévis en 1731. La signature d’Edme Moreau sur l’acte de mariage de sa petite-fille en 1747 est le dernier document que nous possédions sur lui.

Peter N. Moogk

ANQ, NF, Coll. de pièces jud. et not., 893.— ANQ-M, Greffe d’Antoine Adhémar, 21 sept. 1708, 23 févr. et 10 oct. 1710 ; Greffe de J.-B. Adhémar, 14 sept. 1735 ; Greffe de Jacques David, 23 juill. 1724, 24 août 1726 ; Greffe de C.-R. Gaudron de Chevremont, 9 mars 1738 ; Greffe de N.-A. Guillet de Chaumont, 31 déc. 1728, 8 févr. et 21 mars 1729 ; Greffe de Michel Lepailleur, 24 août 1706, 2 mars 1713, 15 nov. 1716, 8 sept. 1717, passim ; Greffe de C.-J. Porlier, 19 févr. et 18 mai 1735 ; Greffe de J.-C. Raimbault, 30 janv. 1729, 14 févr. 1730, 6 août 1733, 3 mai 1734, 4 sept. et 4 déc. 1735, 1er juill. 1736, 22 juill. 1737 ; Greffe de François Simonnet, 22 mars 1743, 21 févr. 1744, 6 mai 1746 ; Documents divers, 17 août, 2 sept. 1729 ; Juridiction de Montréal, 9 avril 1710, 17 août, 2 sept. 1729 (feuillets séparés) ; Registre d’état civil, Notre-Dame de Montréal, 1747, ff.317, 456 ; Registres des audiences, VII : 501, 503s., 507v., 642, 772v.s.— Édits ord., II : 265.— Lîle de Montréal en 1731 (A. Roy), 52, 132, 146.— Recensement de Montréal, 1741(Massicotte).— Les origines de Montréal (« MSHM », XI, Montréal, 1917), 86, 97, 227, 238.— P.-É. Renaud, Les origines économiques du Canada ; lœuvre de la France (Mamers, France, 1928), 390s.— É.-Z. Massicotte, La communauté des cordonniers à Montréal, BRH, XXIV, (1918) : 126s.

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Peter N. Moogk, « MOREAU, EDME », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/moreau_edme_3F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
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