MOODY, JAMES, officier dans l’armée et dans la milice, fonctionnaire et homme politique, né vers 1744 au New Jersey, fils de John Moody ; il se maria une première fois et eut trois enfants, puis le 21 mars 1782, il épousa Jane Lynson, née Robinson ; décédé le 6 avril 1809 à Sissiboo (Weymouth, Nouvelle-Écosse).

James Moody tient une place toute particulière parmi les milliers de Loyalistes qui s’établirent en Nouvelle-Écosse après la Révolution américaine, car on estime généralement qu’il fut, durant ce conflit, l’un des soldats probritanniques les plus efficaces lors de raids ; d’ailleurs, un grand nombre de ses prouesses se lisent comme un roman. Quand la révolution éclata, il vivait paisiblement dans une ferme appartenant à son père, dans le comté de Sussex, au New Jersey. À l’instar de nombreux Loyalistes, il était « partisan de la paix et de l’ordre, et loyal en principe », quoique, au commencement, l’idée ne lui fût pas venue de prendre part à la lutte. Au début de 1777 cependant, le comité de sécurité local lui ordonna de renoncer à son allégeance britannique et de vouer fidélité aux États-Unis ; il refusa. Il devint alors l’objet de harcèlement ; plus tard, après qu’on eut tiré sur lui dans ses champs, il réunit plus de 70 voisins et, en avril, s’enfuit à l’intérieur des lignes britanniques.

Peu après son arrivée, Moody fit partie des New Jersey Volunteers à titre bénévole et, du fait que le New Jersey septentrional lui était familier, on l’y renvoya observer les mouvements des troupes rebelles, recruter des hommes destinés aux forces britanniques et, en général, importuner les habitants. Dans toutes les missions dont il se chargea, il prit la tête de petits groupes qui pénétrèrent profondément en territoire ennemi ; à plusieurs reprises, il échappa de justesse à la mort ou à la capture. Finalement, en juillet 1780, alors enseigne, il fut capturé près d’Englishtown, au New Jersey. Emprisonné à West Point, dans la colonie de New York, il fut traité avec beaucoup de cruauté par Benedict Arnold, qui y était commandant ; ses conditions de détention ne s’améliorèrent qu’à partir de l’intervention de George Washington en personne. En septembre, Moody fut emmené au campement principal de Washington, où il devait passer en conseil de guerre pour avoir causé la mort de deux officiers américains rebelles au cours d’une escarmouche. Apprenant qu’on allait presque sûrement le condamner à mort, il décida de s’évader. Facile à dire ! Menotté, il était gardé par une sentinelle en faction dans sa cellule ; il y avait en outre une deuxième sentinelle à la porte et quatre autres tout près, sans compter qu’il se trouvait au beau milieu du camp des rebelles. En dépit de ces obstacles apparemment insurmontables, et aussi incroyable que cela paraisse, il réussit une nuit d’orage à se libérer et à fuir ses geôliers. Après plusieurs jours, il arriva sain et sauf à New York.

Moody n’eut guère le loisir de reprendre haleine après sa pénible aventure : en mars 1781, Oliver De Lancey, adjudant général de l’armée britannique, lui demanda de l’aider à intercepter la correspondance de Washington ; après un échec, il y réussit. Une autre fois, ayant pour mission de s’emparer du courrier des rebelles, il frôla la mort lorsque 70 hommes tirèrent sur lui à bout portant. Toutefois, il s’en tira indemne, devant sans doute son salut au manque de précision proverbial du mousquet du xviiie siècle. Sa dernière entreprise d’envergure eut lieu en novembre 1781 : on l’envoya voler les registres et les documents du Congrès en forçant l’édifice du gouvernement à Philadelphie. La manœuvre fut découverte, et il se vit réduit à passer deux jours dans une meule de chaume sans boire ni manger de crainte d’être pris. Son frère, qui l’avait accompagné, fut attrapé et exécuté comme espion.

Les péripéties de Moody affectèrent gravement sa santé, et, au moment où sir Henry Clinton, commandant en chef qui prenait sa retraite, quitta l’Amérique au début de 1782, Moody accepta son offre de traverser en Angleterre. Il y présenta une requête au gouvernement pour obtenir compensation de ses pertes ; la Trésorerie lui accorda une pension annuelle de £100. Impressionnés par le bien-fondé de ses demandes d’indemnité, les fonctionnaires remarquèrent qu’« il s’agi[ssait] d’un cas de haut mérite et de grandes fatigues au service de Sa Majesté ». Moody fit aussi publier ses expériences de temps de guerre sous forme d’une brochure intitulée Lieut. James Moody’s narrative of his exertions and sufferings in the cause of government [...]. Bien que la presse londonienne n’eût pas prêté attention à ce récit, Moody le fit réimprimer en affirmant que son geste avait pour but de répondre à un public qui, en général, ne croyait pas aux faits qui y étaient présentés. Cette fois-ci, il ajouta des témoignages émanant de plusieurs officiers et de Loyalistes en vue qui tous corroborèrent son histoire. Cette brochure ainsi que les déclarations personnelles qui l’accompagnaient l’aidèrent sûrement lorsqu’il se présenta en 1784 devant la commission chargée d’examiner les réclamations des Loyalistes : en effet, on lui accorda £1 608 sur les £1 709 qu’il avait demandées à titre de remboursement des biens confisqués pendant la guerre, plus £1 330 pour les dépenses qu’il avait engagées en recrutant des hommes pour les forces britanniques. En outre, il obtint une demi-solde à titre de lieutenant (grade qu’il avait reçu en août 1781) lors du licenciement des New Jersey Volunteers après la guerre.

Étant donc débarrassé, au moins temporairement, des difficultés financières qui l’avaient accablé tout le temps de la guerre et pendant son séjour à Londres, James Moody, en 1785, alla en Nouvelle-Écosse où l’on avait recommandé au gouverneur John Parr* de lui accorder une concession de terre. L’année suivante, il se rendit dans la communauté loyaliste de la rivière Sissiboo, qui deviendrait plus tard le village de Weymouth. Dans cet établissement naissant, il ne tarda pas à prendre une certaine envergure. Y passant en août 1788, l’évêque Charles Inglis remarqua que Moody venait de lancer un navire qu’il avait construit, qu’il en bâtissait un autre et, qu’en l’absence de pasteur, il dirigeait la prière dominicale. Il dut certainement continuer à remplir cette tâche pendant quelque temps, car Weymouth n’eut de ministre qu’en 1798 ; dans l’intervalle, soit en 1790, sa femme et lui cédèrent aux habitants de Weymouth un terrain destiné à une église et à un cimetière. En 1793, conjointement avec un certain colonel Taylor, Moody lança un autre navire ; il s’occupa aussi de construire des moulins. Il servit comme capitaine dans le Royal Nova Scotia Régiment de 1793 à 1802 et prit part également aux affaires locales. Magistrat et colonel de la milice, il fut nommé commissaire de la voirie en 1801. Il était entré en politique en 1793, se faisant élire à la chambre d’Assemblée comme député du canton d’Annapolis. De même que d’autres députés ruraux, il passait peu de temps à Halifax en raison de la difficulté de voyager ; néanmoins, il semble qu’il ait pris une part active aux travaux de la chambre. L’une de ses propositions, soit la séparation de la partie occidentale du comté d’Annapolis et son érection en comté indépendant, ne fut acceptée qu’en 1833, année où fut créé le comté de Digby. S’étant retiré de l’Assemblée en 1806, Moody vécut dans sa ferme ; la concession de 640 acres qu’il avait reçue en 1791 avait grossi de 2 258 acres qu’on lui avait allouées à la redistribution des concessions du canton de Digby en 1801. Cependant, sa mort laissa sa veuve dans la gêne ; elle se vit forcée de présenter une requête au gouvernement britannique pour qu’il continuât de lui verser la pension de son mari. Inglis et Edward Augustus, duc de Kent et Strathearn, appuyèrent fortement sa réclamation, et elle reçut une pension annuelle de £81.

Stuart R. J. Sutherland

Lieut. James Moody’s narrative of his exertions and sufferings in the cause of government, since the year 1776 a été publiée à Londres en 1782 ; une seconde édition – [...] authenticated by proper certificates – parut l’année suivante et fut réimprimée à New York en 1865, avec une introduction et des notes de Charles Ira Bushnell. La Narrative, sans les lettres d’appui, a paru avec une introduction de William Stewart MacNutt* dans Acadiensis (Fredericton), 1 (1971–1972), no 2 : 72–90.

PRO, AO 12/13 : ff.36–38 ; 12/89 : f.4 ; 12/109 : 208s. (copies aux APC).— DAB.— Directory of N.S. MLAs.— E. A. Jones, The loyaliste of New Jersey : their memorials, pétitions, claims, etc., from English records (Newark, N. J., 1927 ; réimpr., Boston, 1972).— Loyaliste and land settlement in Nova Scotia, Marion Gilroy, compil. (Halifax, 1937).— Sabine, Biog. sketches of loyalists, 2 : 90–97.— Calnek, Hist. of Annapolis (Savary), 391s.— Fingard, Anglican design in loyalist N.S., 59.— W. S. Stryker, « The New Jersey Volunteers » (loyalists) in the Revolutionary War (Trenton, N.J., 1887), 57.— I. W. Wilson, A geography and history of the county of Digby, Nova Scotia (Halifax, 1900 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1975), 59, 91, 110, 125, 322s.

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Stuart R. J. Sutherland, « MOODY, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/moody_james_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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