MITCHELL, JAMES, avocat, fonctionnaire et homme politique, né le 16 mars 1843 à Scotch Settlement, comté d’York, Nouveau-Brunswick, fils de William Mitchell et d’Ann Dobie ; le 17 décembre 1873, il épousa à St Stephen (St Stephen-Milltown, Nouveau-Brunswick), Mary Anne Ryder, et ils eurent une fille ; décédé le 15 décembre 1897 au même endroit après avoir longuement souffert du cancer.

James Mitchell fréquenta d’abord des écoles du comté de Charlotte, puis la prestigieuse Fredericton Collegiate School et la University of New Brunswick. Licencié ès arts en 1867, il fut un moment instituteur avant d’entreprendre un stage de droit chez Gregory and Blair à Fredericton. Ce cabinet allait s’avérer un choix judicieux, car Andrew George Blair*, sur le point de devenir le personnage politique le plus puissant du Nouveau-Brunswick, ne tarda pas à remarquer son jeune stagiaire. Reçu au barreau de la province en 1870, Mitchell retourna pratiquer le droit chez lui, à St Stephen, où il s’associa à James Gray Stevens.

En 1872, au milieu des controverses qui entourèrent l’entrée en vigueur du Common Schools Act, Mitchell accéda à la fonction d’inspecteur des écoles du comté de Charlotte, qu’il allait exercer jusqu’en 1875, puis de 1877 à 1879. À l’instar de ses homologues du reste de la province, il n’hésitait pas à faire des reproches ni des éloges, comme le montre son rapport annuel de 1873. La loi avait retiré aux catholiques les privilèges dont ils bénéficiaient en fait, mais non en droit, au moment de la Confédération. Il était heureux de noter que, dans les districts ruraux, ils « se préval[aient] volontiers des avantages conférés par la loi », mais il « regrett[ait] que les populations catholiques des municipalités de St Stephen et Milltown se tiennent à l’écart et appuient des écoles séparées ». En outre, il faisait observer que, même si « dans l’ensemble » le choix des commissaires « a[vait] été bon », il y avait « bien des cas où le rouage de la loi [était] tombé entre les mains de ses adversaires qui, au lieu de chercher à [lui] donner une chance équitable, [étaient] prêts à dresser tous les obstacles possibles devant lui ». Pourtant, concluait-il, « l’appui aux écoles gratuites augment[ait] partout chaque jour ».

Mitchell fit son entrée en politique provinciale en 1882, en se classant troisième des 14 candidats qui briguaient les 4 sièges de la circonscription de Charlotte. Il joignit rapidement les rangs du groupe libéral de Blair et reçut en récompense le poste d’arpenteur général quand son mentor forma son premier gouvernement le 3 mars 1883. Deux scrutins généraux allaient avoir lieu dans la province avant qu’il ne se voie retirer cette fonction. Dès qu’il l’exerça, il visita certains des établissements fondés en vertu du Free Grants Act de 1872. Bon nombre d’entre eux « se développaient », rapporta-t-il, mais « trop souvent les terres occupées étaient tout à fait impropres à la colonisation, la terre [était] dure et pauvre, et le colon se content[ait] de défricher à la hâte quelques acres, de construire une cabane rudimentaire, d’obtenir sa concession et de vendre son lot pour le bois [...] après quoi [il était] prêt à occuper un autre lot et à recommencer ». D’autres raisons incitaient aussi les gens à se déplacer constamment. Comme on était fort occupé à construire des lignes secondaires pour relier les villages côtiers au chemin de fer Intercolonial, la vente de traverses était une affaire rentable. En outre, la récolte de l’écorce de pruche rapportait soudain beaucoup : l’augmentation de la demande américaine de cette écorce utilisée pour le tannage rapporta 1 200 $ à la province en 1884. Comme le notait Mitchell, les recettes « étaient très supérieures à celles de l’année précédente », mais il y avait aussi des conséquences négatives : « Les vastes étendues de terres brûlées que l’on voit partout dans les comtés de Kent et Northumberland attestent en silence que l’écorçage augmente les risques d’incendie. » En 1885, les acheteurs américains ne se manifestèrent pas, et la pruche cessa d’être une mine d’or ; les colons, des Acadiens surtout, se trouvèrent dans une situation si précaire durant l’hiver de 1885–1886 qu’il fallut leur envoyer des vivres d’urgence.

Les rapports de Mitchell montrent combien la situation économique du Nouveau-Brunswick était incertaine. En 1886, il prédisait : « [la] longue dépression dans le commerce du bois sur le continent devrait se poursuivre, étant donné que sur les principaux marchés les stocks sont encore bien supérieurs à la demande et que le fer remplace rapidement le bois dans la construction des navires, ponts et autres ouvrages de mécanique ». Même si certains s’étaient remis à l’agriculture, il voyait encore « beaucoup de pauvreté due à l’abandon où l’on [avait] laissé les fermes pour s’adonner au commerce de l’écorce de pruche et des traverses » de chemin de fer.

Les rapports de Mitchell font état de deux préoccupations historiques connexes : comment augmenter les recettes que la province retirait des permis de coupe octroyés pour les terres de la couronne et comment étendre le réseau d’embranchements ferroviaires pour faciliter l’exportation du bois. Dans son rapport de 1888, il disait espérer que « l’achèvement rapide de certaines sections importantes [du] réseau ferroviaire [de la province] faciliterait l’accès aux marchés de la République voisine ». Un an plus tard, il estimait que « le relèvement général du marché britannique du bois a[vait] insufflé une vie nouvelle » au commerce de cette marchandise. Cependant, il notait un « fort mécontentement au sujet du taux des droits de coupe », remarque qui indique que les titulaires de permis pour des terres de la couronne n’appréciaient pas que le gouvernement tente d’accroître ses revenus à leurs dépens.

En raison du recul qu’il avait subi aux élections générales de 1890, le premier ministre Blair dut conclure une entente avec les députés de Northumberland pour conserver sa majorité en chambre. Le poste d’arpenteur général passa donc à Lemuel John Tweedie*. Quant à Mitchell, il devint secrétaire de la province et receveur général le 3 février 1890. Dans son rapport de 1892, où il défendait le budget courant, il attribua la piètre situation financière de la province aux subventions que l’État avait versées aux chemins de fer à compter de 1851. La première, disait-il, « n’a[vait] fait qu’amorcer un processus qui avait fait grossir la dette obligataire ». Tout en niant, comme le criait l’opposition, que la province était au bord de la faillite, il affirmait : « Aujourd’hui, nous nous trouvons devant le fait que nos recettes courantes ne suffisent plus à couvrir les dépenses ordinaires. » Deux semaines plus tard, il allait appuyer la proposition de Blair d’augmenter les impôts des sociétés et les taxes sur les boissons alcooliques. Toujours dans son rapport de 1892, comme s’il était condamné à annoncer les mauvaises nouvelles, il donnait les statistiques désolantes d’une épidémie de choléra, la première à frapper le Nouveau-Brunswick depuis 1854.

Outre la fonction de secrétaire de la province, Mitchell exerçait celle de commissaire de l’Agriculture. À ce titre, il contribua à établir une industrie laitière dans la province, surtout en faisant appel à des experts ontariens et québécois. En présentant les prévisions de 1895 sur l’agriculture, il nota que, en 3 ans, le Nouveau-Brunswick était devenu exportateur de fromage et que, dans les 15 comtés, on trouvait des fermes laitières en plein essor.

Lorsque Blair quitta le poste de premier ministre provincial pour entrer en politique fédérale en juillet 1896, ce fut, en bonne logique, son ancien étudiant en droit qui lui succéda. Cependant, parce que sa santé se détériorait rapidement, Mitchell dut démissionner l’année suivante ; il n’avait alors que 54 ans. La nouvelle de son départ, en novembre 1897, causa « peu de surprise ».

James Mitchell se fit, semble-t-il, peu d’ennemis en politique. Certes, il était un protégé de Blair, lui-même un homme de parti, mais il avait de solides compétences administratives et prenait la peine de sillonner et d’observer attentivement sa province pour la connaître. En un temps où la construction ferroviaire était un nid de favoritisme, il sut se tenir à l’écart de ces tractations et garda une réputation d’intégrité. Conservateur toute sa vie, il mit son influence au service de l’homme qui créa le parti libéral du Nouveau-Brunswick. Il fut l’un des derniers personnages politiques à résister au mouvement qui entraînait les partis vers une définition rigide de leur ligne.

Richard Wilbur

APNB, MC 1156 (copie à la New Brunswick Legislative Library, Fredericton).— N.-B., Legislative Assembly, Journal, app., 1893, report of the provincial secretary, submission of the secretary of the Board of Health, 15 ; 1894, report of the surveyor general, 17 ; Legislative Council, Journal, 1874, app. B : 5–8 ; 1887 : ix.— Beacon (St Andrews, N.-B.), 4 nov., 23 déc. 1897.— St. John Daily Sun, 16 déc. 1897.— Elections in N.B.

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Richard Wilbur, « MITCHELL, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mitchell_james_12F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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