McGRATH, JAMES (il signait souvent James J.), ouvrier, dirigeant syndical, réformateur social et fonctionnaire, né le 26 février 1861 à St John’s, fils de Matthew McGrath et de Susan Durney ; le 20 octobre 1883, il épousa dans cette ville Anne Morris, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé au même endroit le 2 octobre 1934.

James McGrath, qu’on appelait Jim, vécut probablement toute sa vie dans la rue où habitaient ses parents, Casey’s Lane, et gagna sa vie comme ouvrier portuaire. Les hommes comme lui travaillaient d’arrache-pied et de façon irrégulière en échange d’un faible salaire, et étaient en concurrence avec les pêcheurs et les autres gens des villages éloignés qui venaient chercher un emploi à St John’s. En 1902–1903, les débardeurs commencèrent à se syndiquer afin d’obtenir de meilleures conditions et, en avril 1904, le Longshoremen’s Protective Union (LSPU) (initialement le Steamboat Laborers’ Union of St John’s, fondé en mai 1903) vit le jour. McGrath y adhéra et en devint le président. Sous sa direction, de 1905 à 1920, le LSPU devint la plus importante organisation syndicale de Terre-Neuve. Le rôle croissant du port de St John’s dans le commerce de l’île, la concentration de la main-d’œuvre sur les quais et la réticence des employeurs à faire face aux grèves contribuèrent à faire du LSPU un syndicat fort durant sa présidence.

McGrath militait avec conviction pour de meilleurs salaires, des pratiques d’embauche plus équitables et des droits à la négociation collective. Il croyait que le gouvernement avait le devoir de réfréner les pires excès du capitalisme, mais il n’était pas pour autant un gauchiste radical. Il avait une vision conservatrice des rôles masculin et féminin, et était fermement attaché à la notion de salaire familial, faisant valoir que tout homme avait droit à un revenu « au moins suffisant pour se nourrir et se vêtir lui-même, ainsi que sa femme et les enfants que Dieu [avait] bien voulu leur envoyer ». Ses préoccupations pour le bien-être de la classe ouvrière l’amenèrent à appuyer la Newfoundland Industrial Workers’ Association (NIWA), syndicat créé en 1917 par les employés de la Reid Newfoundland Company, dont la plupart travaillaient à St John’s. Le LSPU ne s’associa jamais officiellement avec la NIWA, mais McGrath assista souvent aux réunions de cette dernière et soutint publiquement ses efforts. En 1918, pendant une grève contre la Reid Newfoundland Company [V. Philip Bennett*], il offrit de trouver du travail à tout membre de la NIWA aux prises avec des difficultés financières et les membres du LSPU refusèrent de charger les navires de la compagnie.

Durant la Première Guerre mondiale, l’inflation et le mercantilisme alimentèrent les inquiétudes de McGrath au sujet des conditions de vie des ouvriers à St John’s, dont le gouvernement limité n’avait pas le pouvoir de générer des revenus afin d’améliorer, entre autres, les logements sociaux. En 1913, William Gilbert Gosling*, président du Bureau de commerce de Terre-Neuve, avait formé un comité de citoyens chargé d’étudier les problèmes de la ville ; son rapport convainquit les autorités législatives coloniales de nommer les 12 membres de la commission municipale qui gouverna St John’s de 1914 à 1916. McGrath fut membre de cette commission, et s’intéressa particulièrement à la recherche de logements abordables et convenables pour les ouvriers. Lorsque le gouvernement élu fut rétabli, Gosling devint maire, mais McGrath, qui s’était présenté avec lui, n’obtint pas de siège au sein du conseil. Le dirigeant du LSPU continua à lutter pour de meilleurs logements et, en 1919, il se joignit aux membres du Conseil législatif John Anderson*, marchand, et Michael Patrick Gibbs*, avocat pro-ouvriers et ancien maire de St John’s, pour convaincre la NIWA de créer la Dominion Co-operative Building Association Limited. Toutefois, en raison des coûts de construction élevés, seulement 30 des 600 maisons projetées furent bâties et, en 1924, la coopérative fut dissoute.

Le dévouement de McGrath pour le mouvement syndical et les réformes sociales est attribuable, au moins en partie, à sa foi catholique. L’archevêque Michael Francis Howley* s’était opposé aux associations comme le Fishermen’s Protective Union of Newfoundland, fondé par William Ford Coaker, mais son successeur, Edward Patrick Roche*, donna son appui aux syndicats, en conformité avec l’encyclique Rerum novarum du pape Léon XIII, et, en 1915, il demanda au gouvernement de sir Edward Patrick Morris de créer des emplois durant cette période de marasme industriel. McGrath était « un membre fidèle de son Église » et, de temps à autre, il arrivait que ses croyances teintent ses prises de position publiques sur le LSPU. En 1914, par exemple, il se moqua dans une lettre à l’Evening Telegram des nombreux employeurs qui refusaient de rémunérer leurs employés selon leurs besoins familiaux, alors qu’ils appuyaient des organisations caritatives dont l’objectif était de résoudre les pires problèmes liés à la pauvreté de la classe ouvrière. « Le fait de donner à des œuvres de bienfaisance, tonnait-il, ne sera pas une réponse dans l’au-delà face à ce qui constitue, selon la Bible, un péché qui crie vengeance au ciel, à savoir escroquer l’ouvrier quant à son salaire. » En 1919, McGrath présida une réunion au Casino Theatre au cours de laquelle il déclara qu’il était prêt à fonder un parti travailliste pour lutter contre la corruption au sein du gouvernement. Ultérieurement, il se peut qu’il ait joué un rôle dans le Workingmen’s Party, qui fut organisé par la NIWA et qui semble avoir cherché l’appui des travailleurs catholiques. Le parti présenta trois candidats aux élections générales de 1919, tous dans St John’s West, mais aucun ne fut élu.

En 1920, McGrath quitta son poste de président du LSPU et devint fonctionnaire des douanes à St John’s. Il continua de militer pour les réformes sociales et, au début des années 1930, alors que les effets de la grande dépression se faisaient de plus en plus sentir dans la ville, il revint sur la scène publique. En février 1932, le spectacle d’ouvriers mal nourris et insuffisamment vêtus, bénéficiaires des projets de secours, incita un comité des sans-emploi, présidé par McGrath, à adresser une pétition au gouvernement pour réclamer de meilleures conditions et à organiser des marches contre la réduction des allocations de secours. Lorsque le premier ministre sir Richard Anderson Squires refusa obstinément de rencontrer les centaines de manifestants devant le palais de justice, le 11 février, ces derniers pénétrèrent de force dans l’édifice et l’agressèrent physiquement. À la suite de l’incident, Squires accusa McGrath et d’autres dirigeants du comité d’être des « gangsters ». Dans une lettre publiée dans la presse, McGrath répondit : « Je considère que la responsabilité de ces débordements repose entièrement sur les épaules du premier ministre. Il aurait pu les prévenir, au lieu de quoi il les a cherchés – il a mené les désespérés affamés vers une voie sans issue. »

Le mécontentement public au sujet de la pauvreté et du chômage s’accentua, et aboutit à une émeute au Colonial Building, le 5 avril 1932, pendant une réunion de la Chambre d’assemblée. Squires déclencha des élections générales plus tard le même mois et, le 11 juin, Frederick Charles Munro Alderdice mena le United Newfoundland Party à la victoire. Les efforts du nouveau gouvernement pour obtenir une aide financière de la Grande-Bretagne et du Canada conduisirent à la création de la commission royale de Terre-Neuve, présidée par lord Amulree. Dans son rapport, paru en 1933, la commission recommanda que la colonie suspende temporairement le gouvernement responsable et le remplace par une commission nommée par les Britanniques jusqu’à ce qu’on ait atténué ses problèmes de politique publique et économique.

Au moment où la Commission de gouvernement fut instituée, en 1934, McGrath avait pratiquement disparu de la scène publique. Toujours actif au sein de l’Église, il était membre du comité du cimetière Mount Carmel, dont il fut le vice-président un certain temps. Alors qu’il souffrait d’un cancer du foie, il tomba d’une échelle, et mourut le 2 octobre 1934. Il fut enterré au cimetière Mount Carmel, aux côtés de sa femme.

La plus grande réussite de James McGrath fut la manière dont il dirigea le LSPU, ce qui contribua à en faire un des plus puissants syndicats de Terre-Neuve. Réformateur ouvrier plutôt que radical ouvrier, il joua un rôle important en politique municipale durant une bonne partie des années 1920, alors qu’il luttait pour l’amélioration des conditions de vie des familles de la classe ouvrière à St John’s, en particulier dans le domaine du logement. Parce qu’il appuya la NIWA et le Workingmen’s Party, McGrath fut un pilier du milieu politique de gauche modérée de la ville, milieu souvent laissé pour compte dans l’histoire politique de Terre-Neuve-et-Labrador.

Sean T. Cadigan

Selon l’Encyclopedia of Nfld (Smallwood et al.), 3, et le DNLB (Cuff et al.), James McGrath serait né en 1857, année inscrite sur sa pierre tombale au cimetière catholique Mount Carmel (St John’s), Burial records, plot 66, sect. A. Le 1921 Census of Newfoundland (RPA, GN 2/39/A, dist. St John’s West : 161) indique qu’il serait né en mars 1856. L’acte de baptême original (RPA, Parish records collection, St John’s, Reg. of baptisms, box 5, 1859-1861), que nous avons consulté, confirme que James McGrath, fils de Matthew McGrath et de Susan Durney de Casey’s Lane, est plutôt né le 26 février 1861. La date de son mariage avec Anne Morris provient de RPA, Basilica of St John the Baptist Roman Catholic Parish records, St John’s, Reg. of marriages, box 9, 1882–1888. Une demande de redressement signée par McGrath est conservée aux RPA, GN 2/5/541 (Office of the Colonial Secretary fonds, Special files, Relief), Governor Middleton to Secretary of State, St John’s, 10 févr. 1932.

Les principales sources d’information sur McGrath sont ses lettres à divers journaux, dans lesquelles il donne des renseignements sur les activités de la Longshoremen’s Protective Union, de la Newfoundland Industrial Workers’ Assoc., de la Dominion Co-operative Building Assoc., et d’un comité des sans-emploi. On consultera en particulier l’Evening Telegram (St John’s), 16 mai, 10 juin 1910 ; 12–13, 16 mai 1914 ; 5 juill. 1919 ; 8, 10, 18 févr. 1932 ; et le Daily News (St John’s), 3, 6, 13 juill.1916 ; 29 mars, 24 juin, 12 juill. 1919 ; 20 avril 1920 ; 9, 11 juill. 1921. Une notice nécrologique de McGrath figure dans le Daily News, 3 oct. 1934.

Le travail syndical de McGrath a été souligné dans R. H. Cuff, « The quill and the hammer : the NIWA in St John’s, 1917–1925 », dans Workingmen’s St John’s : aspects of social history in the early 1900s, Melvin Baker et al., édit. (St John’s, 1982), 45–62 ; Jessie Chisholm, « Organizing on the waterfront : the St John’s Longshoremen’s Protective Union (LSPU), 1890–1914 », le Travail (St John’s), 26 (1990) : 37–59 ; et P. [S.] McInnis, « All solid along the line : the Reid Newfoundland strike of 1918 », le Travail, 26 (1990) : 61–84. On traite du rôle que McGrath a joué dans les politiques et réformes du logement dans Melvin Baker, « Municipal politics and public housing in St John’s, 1911–1921 », dans Workingmen’s St John’s : aspects of social history in the early 1900s, 29–43 ; et James Overton, « Riots, raids and relief, police, prisons and parsimony : the political economy of public order in Newfoundland », dans Violence and public anxiety : a Canadian case, Elliott Leyton et al., édit. (St John’s, 1992), 195–334.

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Sean T. Cadigan, « McGRATH, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mcgrath_james_16F.html.

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Auteur de l'article:    Sean T. Cadigan
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2018
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