MARTER, GEORGE FREDERICK, homme d’affaires, fonctionnaire et homme politique, né le 6 juin 1840 à Brantford, Haut-Canada, fils aîné du docteur Peter Marter et de Jane Augusta Hatch ; le 25 juin 1862, il épousa Mary A. Green du canton de Windham, Haut-Canada, et ils eurent trois filles et un fils ; décédé le 10 mai 1907 à Toronto.

Une fois ses études terminées à la grammar school de Brantford, George Frederick Marter se lança en affaires. Puis il s’installa à Windham, dans le comté de Norfolk, où il s’occupa, en plus, de l’administration locale en remplissant pendant dix ans la fonction de greffier de canton. Marié et père de famille, il s’établit ensuite à Teeterville, et peu après à Waterford. Même s’il devint conseiller dans cette localité et si ses affaires marchaient bien, la région de Muskoka ne tarda pas à l’attirer, et il fit l’acquisition d’un magasin général à Bracebridge. De là, la famille vagabonde passa à Gravenhurst, où elle demeura enfin plus de 16 ans. Marter s’y fit connaître et prospéra en tant qu’entrepreneur et par d’autres activités commerciales ; en 1884, il était président du conseil municipal. Au début de sa carrière, il en était venu à se considérer comme un homme d’affaires qui s’était hissé à la force du poignet et qui représentait bien l’Ontario des petites localités. À certains égards, il ne dépassa jamais cette image réductrice.

En 1886, Marter se présenta sous la bannière conservatrice dans la nouvelle circonscription de Muskoka et fut élu à l’Assemblée législative. Bientôt, il se distingua dans les rangs de l’opposition, et pendant la campagne pour les « droits égaux » [V. William Caven ; D’Alton McCarthy*], il fut associé au puissant élément protestant de son parti. Le chef des conservateurs, William Ralph Meredith*, laissait une latitude relative aux membres du parti, et Marter, qui était méthodiste, se signala par de vigoureuses prises de position en faveur de la prohibition. En 1893, il présenta un projet de loi interdisant la vente d’alcool au détail, mais le gouvernement lui coupa l’herbe sous le pied en demandant à un tribunal de se prononcer sur la compétence provinciale en cette matière. Marter fut aussi, en 1894, l’un des premiers députés à réclamer que la province, par mesure d’économie, cesse de financer la résidence du lieutenant-gouverneur. Comme Meredith, il reprochait au gouvernement libéral de sir Oliver Mowat d’accroître les privilèges des écoles séparées. Enfin, il mit de l’avant la nécessité d’améliorer l’organisation du parti et de faire campagne au niveau des circonscriptions.

Aux élections générales de juin 1894, Marter, qui s’était installé à Toronto avec sa famille vers 1891, remporta la victoire dans la nouvelle circonscription de Toronto North. Quatre mois plus tard, Meredith quitta la direction du parti pour remplir une charge de juge fédéral. Un caucus tory se réunit pour choisir son successeur. Écartant Oliver Aiken Howland, George Ansel Sterling Ryerson* et James Pliny Whitney*, il porta son choix sur Marter le 23 octobre. La décision semblait judicieuse. Après tout, Marter avait réussi à se faire élire dans une circonscription rurale et dans une circonscription urbaine, et d’après le Toronto Daily Mail, il était le seul des quatre candidats à avoir « prononcé des discours devant des assemblées dans presque toutes les circonscriptions de l’Ontario ». En définitive pourtant, ce choix se révéla des plus malheureux.

Certes, Marter apporta à l’organisation du parti quelques réformes qui furent les bienvenues. Par exemple, il créa un comité de direction qui donnerait au chef des avis sur les grandes décisions politiques, ce que le Mail considéra comme le début d’un « cabinet de l’opposition ». Néanmoins, ce fut sans consulter personne que, en novembre, au cours de l’élection partielle déclenchée pour remplacer Meredith, il engagea les tories à imposer la prohibition puis déclara vouloir abolir les écoles séparées, « si cela [pouvait] être fait ». Ces deux positions étaient impopulaires et constitutionnellement douteuses. Le candidat conservateur, adversaire lui aussi des écoles séparées, perdit par 803 voix ; or les tories détenaient la circonscription depuis la Confédération.

Peu après, Marter tourna casaque, ce qui n’eut pas pour effet d’augmenter la confiance qu’on avait en lui. En décembre, il renonça à la prohibition en disant qu’on ne pouvait compter sur les grits pour faire passer leur conscience avant l’intérêt de leur parti. De même, il abandonna sa campagne contre les écoles séparées parce qu’il avait acquis la conviction qu’il était « tout à fait impossible de les abolir ». Il alla plus loin et promit même de renoncer aux critiques mesurées que Meredith avait exprimées à l’endroit de ces écoles. Le nouveau chef conservateur ne voulait pas faire « de l’agitation pour [faire] de l’agitation ». C’était tout à fait louable, mais son virage le faisait paraître indécis et faible.

Aussi désireux qu’il ait été d’améliorer son image, Marter dut s’absenter pendant la session de 1895, à cause d’une péritonite, et laisser temporairement la place à Whitney. Toutefois, son autorité souffrait tout autant de ses propres maladresses lorsqu’il était présent à l’Assemblée. L’incident suivant, survenu pendant la session de 1896, est typique. Marter attaqua le régime libéral en disant que les écoles publiques n’enseignaient rien de pratique, comme la tenue de livres par exemple. Le ministre de l’Éducation, George William Ross*, se fit un plaisir de signaler que le chef de l’opposition avait dû consulter seulement le résumé des activités de son ministère. Le rapport intégral révélait que 14 000 élèves avaient suivi des cours de tenue de livres. Les bourdes de ce genre ne firent qu’apporter de l’eau au moulin de ceux qui voulaient son départ. Le 2 avril, à la clôture de la session de 1896 et moins de 18 mois après être devenu chef, il démissionna pour faire place à Whitney.

Une rumeur voulant qu’on lui offrirait un siège au Sénat circula, mais ne se concrétisa pas. De plus en plus, Marter rongeait son frein au sein du Parti conservateur. Sous le leadership de Whitney, personne ne tint compte de son souhait d’être traité comme l’homme d’État chevronné du parti, et il glissa de plus en plus vers une position non partisane. Aux élections de 1898, il ne l’emporta que par 34 voix sur Edward Hartley Dewart dans Toronto North. En 1900, il n’assistait plus aux réunions du caucus tory, et l’année suivante, il vota par deux fois comme les libéraux. Aux élections de 1902, il se porta candidat indépendant et prohibitionniste, mais son adversaire conservateur l’emporta par une faible majorité. Il se tourna alors vers les affaires. Agent de la London and Lancashire Fire Insurance Company, il fonda, avec l’aide de son fils Edward C., la firme torontoise d’assurances Marter, Hall Company Limited.

Dans ses dernières années, George Frederick Marter milita au sein d’une société de tempérance, la Dominion Alliance, dont il devint président en 1903. Il conserva ce poste jusqu’en 1907, année où il mourut du diabète. Le Globe estimait que sa participation à la Dominion Alliance avait été « le trait dominant » de sa vie publique et nota à sa mort que, « en pratique, le programme de tempérance existant était son œuvre ». Marter eut moins de succès en politique, surtout en tant que chef, mais il contribua à l’émergence d’un vigoureux conservatisme progressiste grâce auquel le parti prit le pouvoir en 1905.

Peter Dembski

AO, F 5, MU 3112 ; F 775, MU 7144, 1894, no 1.— Globe, 3 avril 1896, 24 mars 1902, 11 mai 1907.— Toronto Daily Mail, 24 oct., 15 nov. 1894.— World (Toronto), 3 avril 1896.— Canada and its prov. (Shortt et Doughty), 17 : 175s.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— Charlesworth, Candid chronicles.CPG, 1887–1902.— C. W. Humphries, « Honest enough to be bold » : the life and times of Sir James Pliny Whitney (Toronto, 1985).— Norfolk County marriage records, 1795–1870, W. R. Yeager, édit. (miméographie, Simcoe, Ontario, 1979), 315.— R. E. Spence, Prohibition in Canada ; a memorial to Francis Stephens Spence (Toronto, 1919).

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Peter Dembski, « MARTER, GEORGE FREDERICK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/marter_george_frederick_13F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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