MARGUERIE DE LA HAYE, FRANÇOIS, interprète, né à Rouen (Normandie), où il fut baptisé le 12 octobre 1612, fils de François Marguerie, bourgeois et avironnier, et de Marthe Romain, noyé à Trois-Rivières le 23 mai 1648 et inhumé le 10 juin à Québec.

Une des figures les plus intrépides des débuts de la colonie, François Marguerie fut nommé par les Amérindiens « l’homme double », parce qu’il s’était créé chez eux la réputation d’être le Visage Pâle le mieux adapté à leurs coutumes et à leurs idiomes. Même si les Relations des Jésuites ne signalent sa présence au pays qu’en 1636, il est possible, comme le prétendent quelques historiens, qu’il ait été au Canada avant 1629, et qu’il soit allé se réfugier chez les Algonquins pendant l’occupation de la colonie par les Kirke, se familiarisant ainsi avec le mode de vie et la langue de cette tribu.

Marguerie passa l’hiver de 1635–1636 à l’île aux Allumettes et, le 28 mars, il arrivait au pays des Hurons en compagnie de quatre Algonquins, dont Tessouat (mort en 1636), apportant aux missionnaires des nouvelles du monde civilisé. La sympathie naturelle que lui témoignaient les Peaux Rouges fut fort utile aux Jésuites, à qui il servait de guide et d’interprète dans leurs randonnées et leurs tentatives d’évangélisation. Durant les années 1637–1640, il ne s’éloigna guère toutefois de Trois-Rivières, et on sait qu’il était interprète en chef à cet endroit de 1642 à 1648.

Au mois de février 1641, il se rendit à la chasse dans les bois environnants en compagnie d’un autre spécialiste des langues amérindiennes, Thomas Godefroy ; ils furent faits prisonniers par un groupe d’Iroquois et emmenés dans leur village. Les deux interprètes y demeurèrent plusieurs semaines et en profitèrent pour se familiariser davantage avec la langue iroquoise.

Au cours de leur captivité, les deux prisonniers se rendirent compte que les Iroquois préparaient pour le début de l’été une descente vers Trois-Rivières et qu’ils se serviraient des deux Français comme guides et appât. Ces derniers imaginèrent de leur côté un plan pour déjouer la tactique amérindienne. Lorsque le groupe fut rendu en face de Trois-Rivières, de l’autre côté du fleuve, Marguerie s’offrit d’aller lui-même négocier avec les autorités du bourg. Thomas Godefroy devait être gardé en otage, et Marguerie donna sa parole d’honneur de revenir se constituer prisonnier s’il n’obtenait aucun résultat. Le 5 juin, il se présentait au fort, et sans penser à sa sécurité personnelle, il dissuada le gouverneur, M. de Champflour, d’accepter les propositions iroquoises, car elles cachaient un piège. Puis il retourna se livrer aux Amérindiens. Pendant ce temps, les autorités trifluviennes délibérèrent et décidèrent d’envoyer Jean Nicollet et le père Ragueneau tenter des négociations avec les Iroquois. Finalement on en arriva à une entente, et les deux captifs furent libérés. Leur audace et leur courage avaient contribué à sauver la colonie de Trois-Rivières.

Tous deux devaient bientôt mourir de façon tragique. François Marguerie se noya, avec un compagnon, Jean Amiot, le 23 mai 1648 ; son canot avait chaviré dans le fleuve en face de Trois-Rivières. Godefroy fut torturé à mort quatre ans plus tard. Perte irréparable pour la colonie que la mort de ces deux jeunes gens, note la Relation de 1648 : « Deux jeunes François qui ont esté bien regrettez en ce pays, tant pour leur vertu que pour la conoissance quils avoient des langues ».

François Marguerie avait épousé à Québec, le 26 octobre 1645, Louise Cloutier, fille de Zacharie Cloutier, pionnier de Beauport. Ils n’eurent pas d’enfants. Sa veuve épousa Jean Mignot, dit Chatillon, puis Jean-Pierre Mataut.

Raymond Douville

JR (Thwaites), X : 320s. ; XXI : 20–58 ; XXII : 136.— Papier terrier de la Cie des I. O. (P.-G. Roy), 301.— Desrosiers, Iroquoisie.— Godbout, Les Pionniers de la région trifluvienne.— Sulte, Chronique trifluvienne (Montréal, 1879).— Albert Tessier, Les Trois-Rivières. Quatre siècles dhistoire 1535–1935 (Trois-Rivières, 1934).

Bibliographie de la version révisée :
Arch. départementales de Seine-Maritime (Rouen, France),
« État civil », Rouen (paroisse Saint-Vincent), 12 oct. 1612 : www.archivesdepartementales76.net (consulté le 6 août 2014).— Bibliothèque et Arch. nationales du Québec, Centre d’arch. de Québec, CE301-S1, 26 oct. 1645, 10 juin 1648.

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Raymond Douville, « MARGUERIE DE LA HAYE, FRANÇOIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/marguerie_de_la_haye_francois_1F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    2017
Date de consultation:    1 décembre 2024