MARCHINTON (Marchington), PHILIP, marchand, fonctionnaire, homme politique et prédicateur méthodiste, né vers 1736 en Angleterre ; décédé le 2 novembre 1808 à Halifax.

On ne sait presque rien des premières années de Philip Marchinton. Il naquit dans une famille qui, vraisemblablement, eut juste de quoi lui donner une formation de teneur de livres. Après avoir fait son apprentissage dans le commerce en Angleterre, il immigra, en 1771, à Philadelphie où il s’établit comme marchand général. Il connut le succès au point qu’en 1777 il possédait en Pennsylvanie des biens immobiliers valant plus de £ 1 000. La Révolution américaine assombrit cependant sa réussite commerciale. Au début, Marchinton tâcha de rester neutre : il accepta de servir dans la milice locale, mais refusa de désavouer son allégeance à la couronne. S’étant déclaré loyaliste pendant l’occupation de Philadelphie par les troupes britanniques, il n’eut d’autre choix que de quitter la ville quand l’armée évacua celle-ci en juin 1778. Les biens que Marchinton abandonnait ainsi furent par la suite confisqués par les révolutionnaires. Marchinton passa le reste de la guerre à New York ; en novembre 1783, il quittait la ville en bateau en compagnie de 300 Loyalistes comme lui, nanti d’une fortune personnelle qui s’élevait, semble-t-il, à £35 000.

Après plusieurs mois passés aux Bermudes, retenu par des tempêtes, Marchinton continua vers Halifax, port qui, pour bien des Loyalistes, surpasserait Boston une fois que la Nouvelle-Angleterre aurait été exclue du transport maritime avec les Antilles. Bien que cette attente se fût avérée trop ambitieuse, Marchinton réussit dans son propre commerce en Nouvelle-Écosse, grâce en partie aux capitaux qu’il avait apportés avec lui et à son esprit d’entreprise, et en partie aux relations qu’il avait dans le groupe des Loyalistes. On ignore la nature exacte de son activité commerciale, mais il semble s’être lancé comme grossiste dans le commerce général de l’import-export. Il passa aussi des contrats de vente de bois à la Grande-Bretagne pendant les guerres contre la France et Napoléon Bonaparte. Les bénéfices qu’il réalisa lui permirent d’acquérir, outre un grand terrain en bordure de la mer à Halifax, plus de 12 000 acres de terre situées principalement dans le nord-est de la Nouvelle-Écosse.

Pour Marchinton, la réussite matérielle se traduisit rapidement par une reconnaissance sociale. Au début des années 1790, il était nommé juge de paix dans le canton de Halifax. De plus, de 1786 à 1793, il siégea comme député de Cumberland à la chambre d’Assemblée. À la législature, il soutint la campagne menée par le capitaine Thomas Barclay* et d’autres députés loyalistes pour mettre les juges puînés James Brenton et Isaac Deschamps en accusation ; cette campagne reflétait surtout l’envie qu’avaient les Loyalistes de la Nouvelle-Écosse d’obtenir une plus grande part des faveurs politiques. Marchinton s’opposa également aux mesures tarifaires qui auraient entravé le mouvement des marchandises importées des États-Unis. Alors que les agriculteurs locaux voulaient une protection tarifaire, Marchinton et d’autres marchands de la ville redoutaient que la taxe sur les marchandises américaines fit monter les coûts dans les pêcheries et gênât le commerce de réexportation aux Antilles.

Marchinton devint l’objet de controverses dans sa vie publique par suite de son prosélytisme. Dès son arrivée à Halifax, comme disciple de John Wesley, il manifesta sa foi en louant une maison où se tiendraient les réunions de prière méthodistes. Au printemps de 1786, il fit bâtir à Halifax une grande chapelle qui pouvait recevoir jusqu’à 1 000 fidèles. Pendant les quelques années qui suivirent, « frère » Marchinton prêcha beaucoup et intercéda auprès des autorités en faveur d’une série de missionnaires méthodistes itinérants. En 1791–1792, il aida William Wilberforce et d’autres évangélistes d’Angleterre qui projetaient de réinstaller les Noirs de la Nouvelle-Ecosse en Sierra Leone [V. David George ; Thomas Peters*].

Malgré sa philanthropie enthousiaste et soutenue, Marchinton se vit expulser de la communauté méthodiste de Halifax à la fin de 1791. Un contemporain se plaignit que Marchinton avait « tenté de s’élever au-dessus de toute discipline », commentaire qui, selon l’interprétation des écrivains du xixe siècle, voulait dire qu’il refusait de s’abstenir de boissons alcoolisées. Cette purge se révéla coûteuse pour les méthodistes, car Marchinton, pour se venger, ferma les portes de sa chapelle à ceux qui l’avaient jugé de morale douteuse. Pendant quelque temps, il continua en tant que prédicateur renégat, mais il lui fallut abandonner ce rôle vu le manque d’intérêt du public. En 1806, il vendait pour £500 sa chapelle, connue alors dans la région sous le nom de « Sodome », à des presbytériens de l’endroit.

Il est possible que les ennuis de Philip Marchinton aient eu pour origine le décès de sa femme Elizabeth, morte dans la fleur de l’âge le 24 novembre 1788. Refusant d’accepter sa disparition, il fit placer sa dépouille mortelle dans un cercueil muni d’un couvercle de verre et ne permit l’inhumation qu’après la décomposition avancée du corps. À sa mort, Marchinton laissait deux enfants, Joseph qui servit pendant les guerres napoléoniennes dans les rangs des Nova Scotia Fencibles, et Mary qui épousa John Welsford, lieutenant-colonel du 101e d’infanterie. La querelle qui éclata au début des années 1820 à propos du partage de la grosse fortune de leur père eut pour résultat qu’à un moment Joseph se trouva logé dans la prison de Halifax. Le souvenir de la personnalité quelque peu excentrique de Philip Marchinton persista grâce à son petit-fils, le major Augustus Frederick Welsford*, qui connut, selon les habitants de Halifax, une mort héroïque pendant la guerre de Crimée.

David A. Sutherland

Halifax County Registry of Deeds (Halifax), Deeds, 37 : ff.327–328 ; 41 : ff.42–44 (mfm aux PANS).— PANS, RG 1, 227, nos 106, 131. [John] Clarkson, Clarksons mission to America, 1791–1792, introd. de C. B. Fergusson, édit. (Halifax, 1971). N.-É., House of Assembly, Journal and proc., 1786–1793. Perkins, Diary, 1780–89 (Harvey et Fergusson) ; Diary, 1790–96 (Fergusson) ; Diary, 1797–1803 (Fergusson).— « United Empire Loyalists : enquiry into losses and services », AO Report, 1904 : 494.— Acadian Recorder, 25 oct. 1823.— Nova Scotia Royal Gazette, 2 déc. 1788, 16 sept. 1800, 19 mars, 17 mai 1801, 2 août, 8 nov. 1808.— An almanack [...] calculated for the meridian of Halifax in Nova-Scotia [...], Theophrastus, compil. (Halifax), 1802.— Directory of N.S. MLAs. R. V. Harris, The Church of Saint Paul in Halifax, Nova Scotia : 1749–1949 (Toronto, 1949). G. O. Huestis, A manual of Methodism : being outlines of its history, doctrines, and discipline (Toronto, 1885). Murdoch, Hist. of N.S., 3. T. W. Smith, History of the Methodist Church within the territories embraced in the late conference of Eastern British America [...] (2 vol., Halifax, 1877–1890). W. M. Brown, « Recollections of old Halifax », N.S. Hist. Soc., Coll., 13 (1908) : 75–101. K. B. Wainwright, « A comparative study in Nova Scotian rural economy, 1788–1872, based on recently discovered books of account of old firms in Kings County, Nova Scotia », N.S. Hist. Soc., Coll., 30 (1954) : 78–119.

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David A. Sutherland, « MARCHINTON (Marchington), PHILIP », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/marchinton_philip_5F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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