MARCEAU, ERNEST, ingénieur civil, fonctionnaire, administrateur scolaire, professeur et auteur, né le 26 décembre 1852 à Danville, Bas-Canada, fils de Joseph Marceau et de Marie-Onésime Morier ; le 21 juillet 1879, il épousa à Montréal Elvina Tassé, fille de François-Zéphirin Tassé, médecin, député et préfet du pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul, et de Rose de Lima Painchaud, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 24 mai 1919 à Sault-au-Récollet (Montréal-Nord).
Quelques années après sa naissance, les parents d’Ernest Marceau s’établissent à Napierville, au sud de Montréal, où le jeune Ernest fréquente l’école primaire. Comme son père est un marchand prospère de la région, Ernest peut poursuivre ses études sans problèmes. De 1866 à 1874, il fait ses études classiques au petit séminaire de Montréal.
Au début des années 1870, la construction des chemins de fer et l’industrialisation entraînent la création des première facultés de sciences appliquées au Canada. À Montréal, les deux premières écoles d’ingénieurs voient le jour. En septembre 1874, Marceau s’inscrit au cours scientifique et industriel de l’académie du Plateau [V. Urgel-Eugène Archambeault*]. Deux ans plus tard, le gouvernement de Québec reconnaît le caractère universitaire de l’enseignement donné à l’académie, qui devient alors officiellement l’École polytechnique de Montréal.
En 1877, Marceau et quatre autres jeunes hommes forment la première promotion de l’École polytechnique. À cette époque, la profession d’ingénieur n’a pas le statut qu’on lui connaît aujourd’hui. Aucune loi ne protège le titre d’ingénieur ou l’exercice de cette profession. L’ingénieur est perçu comme un ouvrier spécialisé ou au mieux comme un habile technicien. Au Canada français, il est d’autant plus mal connu que les grandes entreprises privées et les compagnies de chemins de fer sont en grande partie sous le contrôle d’intérêts britanniques ou américains. Dans ces conditions, l’École polytechnique et ses premiers diplômés souffriront de l’absence des Canadiens français dans les postes de direction de la grande industrie. Plusieurs d’entre eux exerceront leur profession dans l’administration publique, surtout fédérale, d’autres se contenteront de faire de la pratique privée sous le titre d’ingénieur-conseil. Les portes des industries leur seront pratiquement fermées.
Dès la fin de ses études, Marceau a la chance de travailler pour le département des Travaux publics puis le département des Chemins de fer et Canaux, créé en 1879. Il participe à la construction ou au réaménagement des canaux de l’est du Canada, notamment ceux de Carillon et de Grenville sur l’Outaouais. Son ascension est relativement rapide, puisque dès mai 1881, il est adjoint de l’ingénieur-surintendant des canaux de la rivière Outaouais et qu’en 1893 il succède à Étienne-Henri Parent, à titre d’ingénieur-surintendant des canaux de la province de Québec ; il occupera ce poste jusqu’à sa mort.
C’est en 1894 que Marceau s’initie au rôle de porte-parole d’un groupe social en pleine émergence, celui des ingénieurs. Cette année-là, il est l’un des deux représentants des diplômés à siéger au tout nouveau conseil d’administration de l’École polytechnique. Membre de la Société canadienne des ingénieurs civils fondée en 1887 [V. Thomas Coltrin Keefer], il y joue un rôle plus actif à compter de 1897, quand il est élu membre du conseil de cet important lieu de représentation des ingénieurs canadiens. Il s’occupe, entre autres, du bureau des examinateurs et participe aux travaux du comité sur la formation universitaire des ingénieurs ; il effectue alors des voyages aux États-Unis pour s’informer des développements dans ce domaine. En 1901, il est élu vice-président de la société, qui lui octroie la médaille Gzowski [V. sir Casimir Stanislaus Gzowski*] pour son article sur les travaux du canal de Carillon publié l’année précédente dans les actes de la société. En 1905, il en est élu président. Il devient ainsi le premier Canadien français à occuper ce poste prestigieux.
En 1904, à la mort du principal et fondateur de l’École polytechnique, Urgel-Eugène Archambeault, Marceau devient le nouveau principal de l’école. L’arrivée de Marceau marque un tournant important pour cet établissement. En 1905, l’école emménage rue Saint-Denis, dans un grand immeuble qui la révèle aux Montréalais. Le corps professoral se renouvelle et, en 1907, Marceau effectue un voyage en Europe pour y recruter quelques professeurs. Après la création en 1910 de l’Association des anciens élèves de l’École polytechnique de Montréal, Marceau en devient président en 1915. Dans les années 1910, une nouvelle identité de l’ingénieur prend forme et s’impose au Québec, notamment grâce aux efforts de l’Association des anciens élèves. Cette dernière joue un rôle de premier plan dans l’élaboration de la loi adoptée en 1918 qui modifie la loi de 1898 ; dorénavant, non seulement le titre d’ingénieur civil sera protégé, mais également l’exercice de la profession. C’est une période cruciale dans la formation de ce nouveau groupe social au Québec. L’ingénieur est reconnu de plus en plus comme un honnête homme et un savant.
Un des premiers ingénieurs canadiens-français à avoir reçu une formation universitaire, Ernest Marceau s’est intéressé à l’éducation des ingénieurs et a aussi enseigné, de 1905 à sa mort, l’économie industrielle à la faculté des arts de l’université Laval à Montréal. Marceau n’était pas seulement un ingénieur « savant », mais également un ingénieur cultivé, poète à ses heures. Dans les années 1880, il a été un collaborateur régulier de la Revue canadienne, où il a publié notamment des poèmes et chansonnettes de même qu’un article sur les anciens peuples de l’Amérique. Il a aussi collaboré à la Revue littéraire et politique de Bordeaux, en France, et à la revue le Travailleur de Worcester, au Massachusetts. Marceau était en fait le type même de l’honnête homme, issu des collèges classiques. Humaniste et lettré, il professait un culte à la langue française dont il a louangé la beauté dans un article de la Revue canadienne, publié en 1915 et intitulé « la Langue que nous parlons ». On ne s’étonnera donc pas que ce surintendant des canaux de la province ait consacré une partie de ses loisirs à la rédaction d’une « Histoire de nos canaux et de notre navigation fluviale » qu’il n’a malheureusement pas eu le temps de terminer. À la fin des années 1910, Marceau était déjà miné par la maladie. Il s’est éteint le 24 mai 1919 à sa résidence de Sault-au-Récollet.
Parmi tous les articles qu’a publiés Ernest Marceau, mentionnons : « The Carillon Canal, Dam and Slide », Soc. canadienne des ingénieurs civils, Trans. (Montréal), 14 (1900) : 102–116 ; « les Origines des canaux du Canada » et « la Langue que nous parlons », Rev. canadienne (Montréal), 55 (juill.–déc. 1908) : 429–456, et 68 (janv.–juin 1915) : 97–109, respectivement ; « la Formation de l’ingénieur », Rev. trimestrielle canadienne (Montréal), 1 (1915–1916) : 289–298.
AN, RG 43.— ANQ-M, CE1-33, 21 juill. 1879.— Arch. de l’École polytechnique de Montréal, Reg. de l’École polytechnique, 1873–1903.— La Presse, 24 mai 1919.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— Robert Gagnon et A. J. Ross, Histoire de l’École polytechnique, 1873–1990 ; la montée des ingénieurs francophones (Montréal, 1991).— [J.-L.-]O. Maurault, « l’École polytechnique de Montréal », Rev. trimestrielle canadienne, 9 (1923) : 341–372.— J. R. Millard, The master spirit of the age : Canadian engineers and the politics of professionalism, 1887–1922 (Toronto, 1988).— Édouard Montpetit, « Ernest Marceau », Rev. trimestrielle canadienne, 5 (1919) : 119–124.
Robert Gagnon, « MARCEAU, ERNEST », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/marceau_ernest_14F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |