MacGREGOR, JOHN, marchand, propriétaire foncier, fonctionnaire, homme politique et écrivain, né en 1797 à Drynie, près de Stornoway, Écosse, fils aîné de David MacGregor et de Janet Ross ; le 30 janvier 1833, il épousa à Londres Anne Jillard, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 23 avril 1857 à Boulogne, France.

En 1803, le jeune John MacGregor immigra avec ses parents à Pictou, en Nouvelle-Écosse, à bord d’un brick de Stornoway, l’Alexander. Suivant la tradition locale, son père aurait pris en charge le navire lorsque le capitaine mourut et que le propriétaire tomba malade au milieu de la traversée de l’Atlantique. La famille s’établit en 1806 à Covehead, dans l’Île-du-Prince-Édouard, et occupa 50 acres du lot 34 appartenant à sir James Montgomery. Homme apparemment instruit, le père de John exerça les fonctions d’arpenteur et d’instituteur en plus d’être fermier. Nul doute que John acquit de son père, à l’école de Covehead, son éducation de base et son penchant pour les statistiques.

En 1819, John MacGregor fit paraître dans la Prince Edward Island Gazette une annonce indiquant qu’il avait l’intention « de mettre sur pied une entreprise dans la ville [de Charlottetown] » pour vendre « à bon marché contre du comptant » des marchandises en provenance de Halifax, surtout du gin, du rhum et des marchandises sèches. Tout en gérant son établissement commercial, il acheta plusieurs lots à Charlottetown de James Curtis*, représentant de Montgomery, servit de procureur à Curtis et lui succéda en 1823 à titre de représentant des intérêts de Montgomery dans l’île.

Le 7 mai 1822, MacGregor avait été nommé shérif en chef de l’île ; c’était une charge pénible, dont le mandat durait un an, et qui était considérée par les jeunes gens aspirant à une carrière en politique comme un devoir civique à remplir. Quelques mois plus tard, il se plaignit au lieutenant-gouverneur Charles Douglass Smith que la prison de Charlottetown était en si mauvais état que chaque fois qu’il devait l’utiliser il craignait pour la sûreté des différents détenus pour dettes et aussi pour la sienne propre. Au début de 1823, cependant, MacGregor se pencha sur des questions plus importantes que celle d’arrêter et d’emprisonner des débiteurs. Smith et l’un de ses gendres, John Edward Carmichael*, receveur général intérimaire, avait commencé en 1822 à percevoir les redevances qui n’avaient pas été payées par les propriétaires fonciers, et que l’on avait omis d’exiger depuis un certain temps. En janvier 1823, des poursuites judiciaires furent intentées contre deux importants propriétaires résidant dans l’île, Donald McDonald et John Stewart*, et, par la suite, contre un certain nombre de petits propriétaires du comté de Kings. Un groupe dirigé par Stewart présenta une pétition à MacGregor, alors shérif en chef, lui demandant de convoquer des assemblées dans les différents chefs-lieux de comtés afin d’examiner les griefs contre Smith et Carmichael. Bien qu’il ait reçu de Smith et du conseil l’ordre explicite de ne pas se rendre à cette demande, MacGregor, qui à titre de représentant d’un propriétaire n’était pas dépourvu d’intérêts dans l’affaire, convoqua les assemblées. Il fut dès lors congédié sommairement de son poste de shérif en chef. Les réunions eurent néanmoins lieu, et MacGregor siégea avec ostentation au sein du comité qui rédigea l’inévitable pétition publique demandant le rappel de Smith. MacGregor et d’autres participants, dont Paul Mabey*, passèrent en jugement en octobre 1823 pour leur rôle dans l’affaire de la pétition, puis furent relâchés [V. Ambrose Lane]. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que MacGregor ait été élu par la suite député à la chambre d’Assemblée ; il s’était présenté dans la circonscription de Georgetown aux élections générales de novembre 1824, les premières à avoir lieu depuis la nomination du nouveau lieutenant-gouverneur John Ready*, et il participa à la session d’ouverture en 1825.

Dès juin 1826, MacGregor avait annoncé publiquement qu’il quittait l’île et que deux de ses frère prendraient la suite de ses affaires. Sa décision n’avait probablement aucun rapport avec ses initiatives politiques, si ce n’est que celles-ci avaient confirmé le fait que l’île ne constituait pas un champ d’action assez large pour ses ambitions. Éprouvait-il des difficultés financières à ce moment critique ? On ne peut en être sûr, même s’il fut accusé d’avoir fui en emportant les fonds de la bibliothèque d’abonnement de l’Île-du-Prince-Édouard qu’il avait contribué à fonder [V. Walter Johnstone*]. En tout cas, il alla s’installer en Angleterre, à Liverpool, en 1827 et y devint marchand et commissionnaire en marchandises générales ; le Times de Londres écrivit plus tard au sujet de cette entreprise : « Ses spéculations commerciales y furent malheureuses, et, en vérité, [elles furent] rarement couronnées de succès à quelque moment de [sa] vie que ce soit. » Ses affaires tournèrent si mal qu’il dut à la fin offrir à ses créanciers 7 1/2 pence par livre sterling afin d’éviter la faillite. Il est évident que son cœur n’était pas dans les affaires, mais occupé à d’autres questions plus passionnantes.

Parce qu’il avait énormément voyagé en Amérique du Nord britannique, ainsi qu’entre les colonies et la Grande-Bretagne, souvent à bord de navires à vapeur qui faisaient alors leur apparition, parce que, de plus, il avait longuement discuté avec des hommes d’affaires dé perspectives commerciales et d’immigration, MacGregor décida de se spécialiser en économie politique et en commerce. Son intérêt se porta d’abord sur les colonies américaines de la Grande-Bretagne. Il fit la connaissance de James Deacon Hume ainsi que d’autres spécialistes en économie politique et entreprit une longue carrière d’écrivain, publiant plus de 30 titres, dont certains en plusieurs volumes. Son œuvre comprend entre autres de nombreux récits de voyage, différentes compilations de données commerciales et une histoire incomplète de l’Empire britannique, ne parvenant à couvrir, dans les deux premiers volumes, que la période allant jusqu’en 1655.

Les contemporains de MacGregor furent assez durs à l’égard de ses écrits, l’un d’eux disant : « Nous ne croyons pas que personne à l’exception des imprimeurs aient jamais lu ces œuvres jusqu’au bout ; l’historien véritable peut cependant y trouver des éléments utiles, selon ce qu’il cherche. » Bien que cette affirmation puisse s’appliquer à un grand nombre de ses publications ultérieures, ses premiers ouvrages, publiés de 1828 à 1832, méritent encore d’être lus du début à la fin. Dans ces écrits, il pouvait se baser sur son observation et son expérience personnelles et, tout en faisant de la réclame pour les diverses provinces de l’Amérique du Nord britannique à l’intention d’un public britannique, il réussit à être à son meilleur. Particulièrement intéressé à montrer aux Britanniques les avantages des provinces de l’Est, MacGregor concentra son attention dans ses premiers écrits sur la région de l’Atlantique. Il consacra une part exagérée de son ouvrage Historical and descriptive sketches of the Maritime colonies of British America, publié en 1828, à l’Île-du-Prince-Edouard et à Terre-Neuve, louant la première pour son climat idéal et recommandant un gouvernement législatif pour la seconde, soutenant que les Terre-Neuviens étaient « mieux informés que leurs homologues du Royaume-Uni ». Dans Observations on emigration to British America, qui parut en 1829, il affirma : « la conservation de nos colonies d’Amérique du Nord est une question d’une telle importance que la seule idée de les abandonner ne peut pour un moment être défendue sur la base de principes justes ou politiques ». Les colonies avaient besoin d’immigrants, mais « pour les gentlemen ayant fait leurs études en droit, en théologie ou en physique, l’Amérique britannique n’offr[ait] aucune perspective encourageante ». C’était de fermiers, d’artisans et d’ouvriers, industrieux et en bonne santé, dont l’Amérique du Nord britannique avait besoin. Il plaida en faveur de l’établissement d’un groupe d’Écossais des Highlands entre le Bas-Canada et le Nouveau-Brunswick « afin de former un rempart d’homme différents près des frontières des États-Unis ». Il soutint dans British America, qui parut en 1832, que la plupart des erreurs et bévues de la politique coloniale résultaient « du peu d’information dont disposait [le] gouvernement » plutôt que de la négligence, et il maintint qu’à l’âge de la vapeur, l’Amérique du Nord britannique avait plus d’importance que jamais, parce qu’elle possédait du charbon en très grande abondance. Il prédit que l’Amérique britannique, incluant le territoire à l’ouest des Grands Lacs, était « capable de faire vivre » une population de 50 millions et que ceux qui possédaient ce territoire auraient le pouvoir « d’arbitrer le monde occidental ». Si la Grande-Bretagne perdait ses colonies de l’Amérique du Nord, celles-ci fusionneraient probablement avec les États-Unis, ou à tout le moins s’allieraient avec les États du Nord, ce qui ternirait la gloire de la Grande-Bretagne et diminuerait son influence politique.

Reflétant les idées conventionnelles de l’époque, MacGregor préférait clairement l’agriculture à l’exploitation forestière et croyait que les bûcherons constituaient le rebut du genre humain. Son parti pris ultérieur en faveur des doctrines extrémistes du libre-échange englobait l’opposition aux droits de douane préférentiels sur le bois et une prédilection marquée pour les provinces de l’Est par rapport aux Canadas. Ces idées lui ont plutôt attiré une mauvaise presse de la part de certains historiens canadiens, mais dans ses premiers écrits, il se montrait un impérialiste enthousiaste et un partisan des colonies.

En 1832, MacGregor entreprit une importante étude des statistiques du commerce international, en collaboration avec James Deacon Hume ; il demeurait à Londres depuis au moins 1833 et, pendant les quelques années qui suivirent, il voyagea énormément sur le continent, souvent pour le compte du ministère des Affaires étrangères. Il négocia une série de traités commerciaux au nom de la Grande-Bretagne, dont ceux qui furent conclus avec l’Autriche en 1838, avec le royaume des Deux-Siciles en 1839 et avec la Prusse en 1840. Cette année-là, en janvier, il remplaça Hume à l’un des deux postes de secrétaire du comité de commerce du Conseil privé et, au mois de mai, il fut un important témoin qui plaida en faveur des doctrines libre-échangistes devant le fameux comité spécial d’enquête sur les importations. Un critique de l’époque, remarquant avec une ironie mordante que le comité avait balayé le vieux système de tarifs en dix jours, fit cette observation : « L’exultation de M. McGregor ne connut dès lors plus de bornes. Il devint souvent un objet de risée même pour ses amis les plus intimes et, plus tard, il parcourait les clubs, inconscient du ridicule auquel l’exposait habituellement sa vanité. » L’une des cibles principales des attaques de MacGregor contre les tarifs protectionnistes était les différents droits sur le bois favorables à l’Amérique du Nord britannique ; il fit constamment pression pour obtenir une réduction considérable des tarifs, réduction qui se réalisa graduellement à la suite des budgets de 1842 et de 1846. Bien qu’il ait accepté que les colonies puissent exiger des compensations sous forme de retrait des restrictions impériales touchant le commerce avec l’étranger, il croyait dans l’ensemble que le commerce du bois ne servirait pas à long terme les intérêts de l’Amérique britannique, parce qu’il détournerait les immigrants de leur travail de défrichement de la terre en vue de l’agriculture et encouragerait l’instabilité et le désordre social.

Whig convaincu, MacGregor refusa de démissionner de son poste de secrétaire du comité de commerce du Conseil privé en 1843, malgré les affirmations du gouvernement tory voulant qu’il n’ait plus confiance en lui. Il proposa en 1845 de quitter son poste à condition d’être assuré de la vice-présidence du comité lorsque les whigs reprendraient le pouvoir ; bien qu’il n’ait pas reçu d’assurance en ce sens, il démissionna, renonçant à un salaire de £1 500, pour se présenter comme candidat au Parlement dans la circonscription de Glasgow. Élu en juillet 1847, il représenta Glasgow jusqu’à peu de temps avant sa mort. Il acquit de plus en plus une réputation de raseur trop ambitieux et suffisant, ce qui l’empêcha de satisfaire son énergie prodigieuse et de réaliser ses ambitions – la gloire, le respect et un poste au cabinet, de même que davantage d’argent. Ses écrits devinrent plus fréquents et moins élaborés.

En 1849, la nomination de MacGregor comme premier président du conseil d’administration de la Royal British Bank, banque par actions mise sur pied à Londres suivant le système écossais, marqua le début de son déclin. Il est peu probable qu’il ait été lui-même un de ceux qui prirent une part active à la mise sur pied de la banque, mais les instigateurs de ce projet étaient des escrocs de la pire espèce. MacGregor, dont la réputation dans les cercles financiers conférait à la banque un air de probité et de respectabilité, fut mêlé à la publication de comptes fallacieux et contracta un emprunt sans garantie de £7 362 pour éponger ses dettes. Lorsque la banque s’effondra en 1856, MacGregor, qui avait démissionné de son poste trois ans plus tôt, s’enfuit en France, ce qui amena le Times à écrire dans un éditorial : « Dans les annales de la fraude commerciale, on n’a jamais entendu parler ou pris connaissance de malhonnêtetés plus scandaleuses que celle que [les promoteurs de la banque] ont commise contre les clients et les actionnaires de la banque. » L’éditorial demandait qu’on prenne des mesures contre MacGregor pour qu’il ne puisse pas « se moquer des malheureuses personnes qu’il a[vait] escroquées si abominablement et, en de si nombreux cas, réduites à la ruine ». Suivant la notice nécrologique que le Times consacra à MacGregor, la réaction que cette affaire avait suscitée « écrasa un corps fatigué et un esprit blessé » et MacGregor mourut peu après d’une « fièvre hépatique et d’une crise de paralysie ». L’article concluait : « La vanité était l’une des passions que le pauvre John M’Gregor, de par [sa] nature malheureuse, et par habitude, ne pouvait dompter, et l’abus [qu’il en fit] le conduisit en vérité à sa ruine matérielle. »

Bien que John MacGregor ait eu une vie mouvementée, peu de figures politiques en Grande-Bretagne au début de l’ère victorienne possédait son savoir de première main touchant l’Amérique du Nord britannique. À titre de publiciste et de fonctionnaire, il contribua à façonner la politique économique au cours des années de transition allant du protectionnisme au libre-échange.

J. M. Bumsted

Les œuvres de John MacGregor les plus importantes pour l’Amérique du Nord sont : Historical and descriptive sketches of the Maritime colonies of British America (Londres, 1828 ; réimpr., East Ardsley, Angl., et New York, 1968) ; Observations on emigration to British America (Londres, 1829) ; et British America (2 vol., Édimbourg et Londres, 1832 ; 2e éd., 1833). On doit consulter le National union catalog et le British Museum general catalogue pour recenser ses nombreux autres écrits. Il convient de noter que l’article du DNB sur MacGregor parle d’ouvrages que d’autres catalogues attribuent à un autre auteur.  [j. m. b.]

PAPEI, Acc. 2702/721 ; 2702/734 ; 2810/240c, f ; 2810/249 ; RG 16, Land registry records, conveyance reg., liber 27 : fos 255, 257 ; liber 31 : fo 93.— PRO, CO 226/39.— Athenæum (Londres), 2 mai 1857 : 569.— D. E. Colombine, A word to the shareholders and depositors in the Royal British Bank ; containing a scheme for the arrangement of its affairs without litigation [...] (Londres, [1856]).— Gentleman’s Magazine, janv.–juin 1857 : 735–736.— The suppressed pamphlet : the curious and remarkable history of the Royal British Bank, showing « how we got it up » and « how it went down », by one behind the scenes (Londres, [1857]).— Prince Edward Island Gazette, 8 déc. 1819.— Prince Edward Island Register, 4 oct. 1823, 13 juin 1826.— Royal Gazette (Charlottetown), 16 avril 1833.— Times (Londres), 24 sept. 1856, 27 avril 1857.— Lucy Brown, The Board of Trade and the free-trade movement, 1830–42 (Oxford, Angl., 1958).— Canada’s smallest prov. (Bolger), 90–93.— George Patterson, A history of the county of Pictou, Nova Scotia (Montréal, 1877).

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J. M. Bumsted, « MacGREGOR, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/macgregor_john_8F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
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