MABEE, JAMES PITT, avocat, juge et commissaire des chemins de fer, né le 5 novembre 1859 à Port Rowan, Haut-Canada, fils de Simon Pitt Mabee et de Frances Susannah Leaton ; le 24 octobre 1883, il épousa à cet endroit Mary Soleby Thorold (décédée en 1910), et ils eurent une fille et un fils ; décédé le 6 mai 1912 à Toronto.

Issu de colons loyalistes de la région de Long Point, sur le lac Érié, James Pitt Mabee grandit à Port Rowan, où son père était juge de paix, greffier au tribunal et agent d’assurances. Au sortir de la St Thomas High School, il poursuivit ses études à la University of Toronto et à l’Osgoode Hall. Son admission au barreau eut lieu au cours du trimestre d’automne 1882. Dès cette année-là, l’entreprenant Mabee compila pour publication une série de conférences de Joseph Easton MacDougall sur les délits civils et la négligence. Il ajouta des références jurisprudentielles au texte et présenta le tout en disant espérer que cet ouvrage aiderait les étudiants à se préparer aux « examens intermédiaires et finals ».

Mabee commença sa carrière d’avocat à Listowel. Au bout de cinq ans, il s’installa à Stratford où, avec des associés, il se bâtit une nombreuse clientèle et une solide réputation d’avocat aux procès avec jury. Il fut nommé conseiller de la reine en 1899 et élu au conseil de la Law Society of Upper Canada en 1904. Libéral, il fut président du Stratford Liberal Club et de la North Perth Reform Association. Aux élections fédérales de novembre 1904, il se présenta sans succès contre Alexander Ferguson MacLaren.

Mabee se fixa ensuite à Toronto, où il exerça une dizaine de mois chez Beatty, Blackstock, Fasken, and Riddell. C’est au cours de cette période, plus précisément le 7 janvier 1905, que le gouvernement fédéral de sir Wilfrid Laurier en fit le premier président de la section canadienne d’un organisme formé pour résoudre les problèmes relatifs aux eaux limitrophes, la Commission internationale des eaux navigables. Cependant, Mabee démissionna bientôt – il fut remplacé par George Christie Gibbons –, car le 18 novembre, on le choisit pour succéder à Richard Martin Meredith* au tribunal de la chancellerie, subdividision de la Haute Cour de justice de l’Ontario. Le Canadian Law Times, qui le disait « dépourvu de lubies et de préjugés », accueillit favorablement sa nomination.

Durant environ deux ans et demi, Mabee travailla aux côtés de magistrats aussi éminents que le chancelier sir John Alexander Boyd et le juge en chef William Glenholme Falconbridge. En fait, leur compétence imposante gêna peut-être son évolution comme juge. Souvent, les opinions exprimées dans ses jugements coïncidaient avec celles de ses doyens. Ses propres vues, dans la mesure où elles sont discernables, témoignent d’une préférence marquée pour une surveillance étroite des autorités municipales par le pouvoir judiciaire. C’est le cas par exemple dans l’affaire intitulée Rickey et la municipalité du canton de Marlborough (1907), qui portait sur l’application laxiste de certains règlements.

Le 24 mars 1908, Mabee reçut une nouvelle affectation : la direction à temps plein du Conseil des commissaires des chemins de fer, où il succédait à Albert Clements Killam*. D’après le Canada Law Journal de Toronto, cet organisme fédéral avait peut-être « des pouvoirs plus étendus que n’importe quel tribunal au Canada ». Même sans compter les devoirs rattachés à une autre fonction qui lui fut confiée en 1910 – celle de représentant du Canada aux négociations sur le contrôle mixte des tarifs de transport entre le Canada et les États-Unis –, Mabee avait beaucoup de travail. Depuis 1906, le Conseil des commissaires avait juridiction non seulement sur les chemins de fer, mais aussi sur les compagnies de messagerie, de télégraphe et de téléphone. Il tenait des audiences souvent, un peu partout au Canada ; en 1912, il aurait 65 employés permanents. Mabee était très bien armé pour affronter les difficultés d’un processus de réglementation en pleine évolution, car il ne s’empêtrait pas dans les formalités juridiques et ne se laissait pas impressionner par l’attitude imposante de certaines entreprises. « Il ramenait prestement avocats et témoins dans le rang, a noté un observateur, écartait du revers de la main les avocasseries et affirmait que, si la loi est chose redoutable et merveilleuse, la justice, elle, est très simple et tient en quelques mots. »

Au fil des quatre années où Mabee fut commissaire en chef – période instable du point de vue économique –, le conseil examina toute une gamme d’importants litiges tarifaires. L’affaire du Bureau de commerce de Regina (1909–1910), notamment, eut une grande portée, car l’ordonnance rendue dans ce cas mina les fondements d’une structure tarifaire régionale qui avait favorisé les marchands du Manitoba. Dans le Bureau de commerce de Dawson c. la White Pass and Yukon Railway Company (1912), Mabee se montra soucieux de protéger le capital investi par les exploitants, mais non pas au détriment de l’économie nationale. Dans une ordonnance importante rendue en 1911, il avait aussi invoqué la protection du capital pour justifier les monopoles. Par souci d’équité, dans un litige opposant en Ontario la Compagnie canadienne de téléphone Bell et un groupe de compagnies indépendantes de téléphone, il se prononça en faveur du monopole de Bell sur les lignes interurbaines, préservant ainsi cette société contre toute concurrence, même faible. « L’exploitation de lignes rivales dans les petites et les grandes villes, raisonnait-il, est simplement un gaspillage de capital et une cause d’irritation dans les localités où il y a des lignes en double. »

Dans l’ensemble, Mabee réglait judicieusement les questions relatives aux chemins de fer, principal champ de compétence du conseil. À l’occasion, il prit soin de protéger la position concurrentielle du réseau ferroviaire canadien contre les effets néfastes de certaines mesures générales, par exemple le repos dominical, imposé en 1906 par l’Acte concernant l’observance du dimanche. En même temps, il insista fortement, dans de nombreux cas, sur la nécessité d’assurer la sécurité, notamment aux passages à niveau, et il refusa aux transporteurs la permission d’imposer des frais non autorisés aux clients expéditeurs, car la survie de ceux-ci dépendait souvent de la prévisibilité associée aux tarifs publiés.

Mabee fit une crise d’appendicite le 29 avril 1912 à Toronto, au cours d’une audience du Conseil des commissaires des chemins de fer. On l’opéra, mais la gangrène s’installa, et il mourut à l’hôpital le 6 mai. Il fut inhumé au cimetière anglican de Port Rowan. En résumant les années où il avait été commissaire en chef, le Canada Law Journal déclara : « [dans l’exercice de] sa fonction [... il a manifesté] une compréhension magistrale des situations et rendu promptement des décisions qui, en règle générale, par leur intelligence, leur sagesse et leur rectitude, ont gagné même l’adhésion de ceux dont les requêtes étaient écartées ou modifiées ». Des éditoriaux, des éloges funèbres et même des caricatures mirent en évidence son sens de la justice, sa popularité et son rôle de chef de file dans la réglementation du transport et des communications au Canada.

Bien que, sous sa présidence, d’autres avocats chevronnés et d’autres juges aient été nommés au conseil, James Pitt Mabee, qui avait acquis de l’expérience à la Commission internationale des eaux navigables, figure comme l’un des premiers commissaires de carrière.

Jamie Benidickson

J. P. Mabee a fait le compte rendu des conférences de J. E. MacDougall et l’a publié sous le titre Law lectures ; subjects : torts and negligence, delivered before the law students of Toronto, at Osgoode Hall (Toronto, 1882).

AN, MG 30, E94.— AO, RG 80-5-0-118, n° 7952 ; RG 80-8-0-387, n° 1921.— World (Toronto), 7–8 mai 1912.—Annuaire, Toronto, 1879–1910.— Jamie Benidickson, « The Canadian Board of Railway Commissioners : regulation, policy and legal process at the turn-of-the-century », Rev. de droit de McGill (Montréal), 36 (1991) : 1222–1281.— Canada, Parl., Doc. de la session, 1914, n° 20c.— Canada Gazette, 11 févr. 1905 : 1643 ; 2 déc. 1905 : 1127 ; 28 mars 1908 : 2568 ; 11 juin 1910 : 3863.— Canada Law Journal (Toronto), 44 (1908) : 169–173 ; 48 (1912) : 313s.— Canadian annual rev. (Hopkins), 1909 : 616 ; 1910 : 619–621 ; 1911 : 634s.— Canadian Law Rev. (Toronto), 4 (1905) : 551.— Canadian Law Times (Toronto), 25 (1905) : 722.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Canadian Railway Cases (Toronto), 7–13 (1908–1912).— Re Rickey and the Corporation of the Town ship of Marlborough (1907), Ontario Law Reports (Toronto), 14 : 587–594.— C. P. Stacey, Canada and the age of conflict : a history of Canadian external policies (2 vol., Toronto, 1977–1981), 1 : 108s.

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Jamie Benidickson, « MABEE, JAMES PITT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mabee_james_pitt_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
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