LIVINGSTON (Levingston), JOHN, colonel dans la milice du Connecticut et commerçant. Il prit part aux tentatives de conquête du Canada durant la guerre de Succession d’Espagne (Queen Anne’s War) et servit d’intermédiaire pour le compte des colonies de la Nouvelle-Angleterre dans les échanges de prisonniers entre les Anglais de la Nouvelle-Angleterre et les Français de Québec ; né à New York le 26 avril 1680 (ancien style), l’aîné des neuf enfants de Robert Livingston et Alida Schuyler Livingston (veuve de Nicholas Van Rensselaer). Il épousa Mary Winthrop à New London, Conn., en avril 1701, et après la mort de cette dernière, survenue le 8 janvier 1712/1713, Elizabeth Knight à Boston le 1er octobre 1713. Il mourut à Londres le 19 février 1719/1720 sans avoir eu d’enfant. Sa veuve le suivit le 17 mars 1735/1736.
C’est sans doute son mariage à la fille du gouverneur Fitz-John Winthrop qui amena Livingston à s’installer à New London et lui valut d’obtenir par la suite une commission d’officier dans la milice du Connecticut. Il avait auparavant servi dans la milice de New York. Lorsqu’il n’était pas au service de l’armée, Livingston faisait du commerce. En 1701 il était co-propriétaire du sloop Mary, et avait son beau-frère Samuel Vetch comme partenaire. Peu à peu ils se trouvèrent mêlés au commerce illicite mais lucratif qui se pratiquait entre la Nouvelle-Angleterre et le Canada. Ce commerce attira bientôt l’attention des autorités de la colonie. La rumeur courait encore en 1706 que Livingston n’avait pas cessé cette infâme activité. Livingston représenta New London comme député à l’Assemblée générale durant les années 1706 et 1707. Il spéculait aussi sur les terres indiennes à la même époque. La vie de soldat convenait bien à son caractère impatient. Connu sous le nom de « Mohauk », il acquit une grande influence sur les Indiens de la Nouvelle-Angleterre, en particulier sur les tribus des Cinq-Nations ; il prit alors beaucoup de valeur aux yeux des commandants de la colonie qui appréciaient son emprise sur les Indiens. En août 1704, quelques années après la déclaration de la guerre, Livingston commanda une compagnie de « volontaires anglais et indiens destinée à renforcer les frontières ». Un mois plus tard, il vécut sa « première aventure » dans l’exercice de ses fonctions lorsque son beau-père le désigna pour « visiter les Cinq Nations » avec les commissaires nommés par le gouverneur Dudley du Massachusetts. Bien que les commissaires eussent reçu des Cinq-Nations l’assurance qu’elles « entreraient en guerre », on n’eut pas recours à leur aide à ce moment-là.
Livingston se trouvait en service à la frontière du Massachusetts en qualité d’officier du Connecticut au début de l’année 1705, lorsqu’il apprit que Dudley envoyait une délégation à Québec avec mission de négocier un échange de prisonniers. Il se porta volontaire et reçut l’ordre de se rendre à Québec par voie de terre en partant d’Albany et d’entamer les pourparlers. Quoique les « commissaires se soient dépensés sans compter et aient montré beaucoup de zèle dans cette affaire », ils ne réussirent à faire libérer que quelques-uns des 117 prisonniers détenus au Canada, notamment le révérend John Williams. Livingston, que le gouverneur Rigaud de Vaudreuil qualifiait de « fort galant homme », retourna en Nouvelle-Angleterre en juin 1705 avec le capitaine Augustin Le Gardeur de Courtemanche, l’agent du gouverneur français chargé de l’échange des prisonniers, qui poursuivit les négociations avec Dudley.
En 1709, Livingston, qui était dès lors major, se prépara à prendre part à l’expédition avortée que Vetch projetait contre Québec. Un an plus tard, il était de nouveau avec son beau-frère, cette fois à la tête d’un détachement d’Indiens qui appuyait le gros des troupes dans l’expédition que Vetch mena avec succès contre Port-Royal (Annapolis Royal, N.-É.). Lors de la reddition d’Auger de Subercase en octobre 1710, un conseil d’état-major décida que Livingston, accompagné du baron de Saint-Castin [Bernard-Anselme d’Abbadie], « irait trouver le gouverneur du Canada pour discuter l’échange de prisonniers et le mettre au courant de la situation » à Annapolis Royal. Livingston était, selon l’expression de Vetch, « peut-être le seul sujet britannique de quelque envergure et de quelque tempérament, capable d’entreprendre une mission aussi extraordinaire ». Le journal que tenait Livingston atteste la difficulté de cette mission qui aurait d’ailleurs tourné court sans l’intervention de Saint-Castin, qui sauva Livingston d’une mort affreuse aux mains d’un Indien pris de folie. Après presque deux mois de voyage dans des conditions pénibles, Livingston atteignit Québec en décembre 1710 et y fut reçu avec « toutes les marques de civilité imaginables ». Il fit bon usage du temps qu’il passa à Québec. En attendant l’arrivée de Montréal d’Hertel de Rouville et de Simon Dupuy, les agents que Vaudreuil voulait envoyer en Nouvelle-Angleterre pour poursuivre les négociations et « obtenir par leur intermédiaire des renseignements sur les déplacements de troupes chez nos ennemis », Livingston prenait des notes pour son rapport, intitulé « A View of Canada », sur les fortifications et les troupes de Québec. C’était sans doute le but principal de la mission, car Vetch caressait depuis longtemps l’idée d’une expédition victorieuse contre Québec.
Livingston retourna en Nouvelle-Angleterre à la fin de février 1710/1711 puis, sur l’incitation de Vetch, il se prépara à partir pour l’Angleterre dans l’espoir que ses connaissances sur le Canada pourraient servir à persuader la cour de reprendre le projet d’une attaque générale contre la Nouvelle-France. Mais le mauvais temps retarda son départ et le voyage devint inutile quand arriva d’Angleterre la nouvelle qu’une autre expédition était en route. L’amiral Walker et le général John Hill eurent tous deux recours aux connaissances de Livingston sur Québec lors de l’organisation de l’expédition de Walker. Le général questionna Livingston « sur la situation et les travaux de fortification à Québec et trouva qu’il avait donné un très bon compte rendu ». Par suite de l’échec de Walker dans le Saint-Laurent, les connaissances de Livingston ne furent pas utilisées.
Livingston était maintenant colonel. Comme il « exerçait une grande influence sur eux », il passa une grande partie des 18 mois qui suivirent à recruter des Iroquois pour patrouiller les alentours d’Annapolis Royal, ce qui lui occasionna des « débours considérables ». Le départ de Livingston à la fin de l’année 1712 priva le fort de l’officier le mieux placé pour traiter avec les Indiens. Il retourna à New London où il obtint le droit de construire une scierie en 1713. En 1718, il vendit les propriétés qu’il possédait à cet endroit et s’embarqua pour l’Angleterre dans l’espoir de recouvrer les sommes qu’il avait consacrées à l’entretien de la garnison d’Annapolis Royal. Sa mort prématurée le priva de l’honneur de succéder à son père comme deuxième lord du manoir de Livingston, à New York.
Quoiqu’il fût, soit par le sang, soit par mariage, apparenté à quelques-unes des plus importantes familles de la Nouvelle-Angleterre, Livingston demeure un personnage obscur qui ne participa que d’une façon éloignée aux grands événements de son temps, un personnage qui semblait plus à l’aise parmi les Indiens que parmi ses compatriotes des colonies de la Nouvelle-Angleterre.
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John David Krugler, « LIVINGSTON (Levingston), JOHN (1680-1719/1720) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/livingston_john_1680_1719_1720_2F.html.
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Auteur de l'article: | John David Krugler |
Titre de l'article: | LIVINGSTON (Levingston), JOHN (1680-1719/1720) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1969 |
Année de la révision: | 1991 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |